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L'ORDRE DES ARTS ET DES LETTRES

Régis Singer, Préface d'André Damien, président de l'Institut

L

L’ordre des Arts et des Lettres, créé en 1957, a pour objet de récompenser les personnes qui se sont distinguées par leurs créations dans le domaine artistique ou littéraire, ou par la contribution qu’elles ont apportée au rayonnement des arts et des lettres en France et dans le monde. C’est dire que son renom est prestigieux et qu’il jouit d’une grande notoriété aussi bien auprès des artistes français qu’étrangers. Ayant survécu à la suppression des ordres ministériels, voulue par le Général de Gaulle en 1963 lors de la création de l’ordre national du Mérite, l’ordre a une très grande valeur non seulement en raison du prestige que lui confère la qualité des personnes nommées ou promues depuis sa création, mais aussi de par le nombre très restreint de ses contingents. Pour la première fois, un ouvrage est consacré à cet ordre qui va fêter le cinquantième anniversaire de sa création. Cette étude rassemble tous les textes nécessaires pour bien connaître cet ordre et son histoire, mais aussi, grâce à des documents inédits, présente la recherche esthétique à laquelle Raymond Subes, le grand ferronnier d’art, membre de l’Institut, a dû se consacrer pour aboutir à la création de la plus belle décoration française.

2006, 16 x 24 cm, 104 p. 39€

Préface

 

Les décorations qui constituent un signe d’honneur remis à titre définitif à celui qui l’a mérité sont aussi anciennes que l’histoire du Monde. Dès l’Antiquité la plus reculée, nous trouvons de tels insignes distinctifs qui placent le porteur au-delà du commun et le désignent aux yeux de la foule, en raison de ses mérites, de sa valeur, de son intelligence ou de son dévouement. Les Egyptiens connaissaient cette institution, les Grecs connaissaient les couronnes d’honneur, Rome connaissait plutôt les décorations militaire, notamment en décernant des couronnes rostrales pour le soldat qui s’était distingué dans un combat naval, des couronnes vallaires pour celui qui s’était distingué à l’assaut d’une palissade ou d’une muraille et des couronnes civiques pour avait ceux qui avaient sauvé un citoyen au combat. L’époque moderne a maintenu ces usages mais elle a distingué dans les décorations c’est-à-dire tout insigne qui peut se porter sur la poitrine, sur l’uniforme ou l’habit attaché à un ruban de couleur et portant à son extrémité une médaille, une croix ou une étoile, les ordres de chevalerie proprement dits qui font entrer le titulaire dans une société, une famille et les médailles qui ne font entrer dans aucune société mais commémorent un évènement.

 

 La chevalerie est apparue vers l’en 1000 à une époque ou l’Eglise tentait de ramener la paix entre ses sujets d’Occident, paix qui avait disparu par suite des habitudes guerrières de certains seigneurs puissants, armés ou audacieux, on recruta donc des hommes de bien et on leur demanda d’assurer une sorte de gendarmerie, pour cela il fallait qu’ils fussent équipés d’un cheval et savoir manier les armes diverses qui existaient de leur temps. L’institution réussit dans une certaine mesure et amena à la trêve de Dieu, à la paix de Dieu et en attendant le rétablissement de la puissance de l’Etat à qui cette mission de paix incombe, et réussi à ramener une sorte de civilisation qui rappelait la paix romaine. Mais bientôt ces chevaliers inemployés et dont le modèle solitaire, ridicule et tardif en l’inoubliable Don Quichotte créé par Cervantès partirent pour les croisades et pour rétablir l’ordre en faveur des pèlerins qui se rendaient au tombeau du Christ. C’est une tradition constante dans l’Eglise depuis les origines que le Saint-Sépulcre et les lieux où le Christ avait vécu sa Passion fussent visités par les chrétiens. L’expédition était difficile et dangereuse en raison des maladies des fatigues et des bandits de grands chemins mais la tradition est constante aussi bien le voyage d’Etherie que celui de l’ « anonyme de Bordeaux » nous montre la constance de ces pèlerinages aux lieux saints. La conquête de ces lieux par les musulmans renforça les difficultés. Il ne s’agissait plus simplement de difficulté d’un voyage long et pénible mais de véritables embuscades que les musulmans dressaient aux chrétiens aboutissant à des combats, à des réductions à l’esclavage et créant ainsi une situation dangereuse. L’Eglise d’Occident décida donc de tenter les premières croisades pour s’emparer des lieux saints et en permettre le libre accès de communication. Elle rejoignit les Ordres hospitaliers qui accueillaient les pèlerins fatigués qui arrivaient en Terre Sainte et c’est ainsi que se sont crées l’Ordre de Saint Jean Jérusalem puis de Rhodes puis de Malte dont la puissance fit du Grand Maître un véritable chef d’Etat, les Templiers, moines combattants et non hospitaliers qui disparurent après le rapatriement des chrétiens de Terre Sainte et notamment en raison de l’avidité de Philippe Le Bel qui fit brûler le Grand Maître Jacques de Molay accusé mensongèrement de crimes imaginaires, l’Ordre du Saint-Sépulcre qui comportait les « Suisses » c’est-à-dire les gardiens du Saint-Sépulcre qui pouvaient à certains moments intervenir dans la protection de Jérusalem et l’Ordre de Saint-Lazare créé surtout pour les chevaliers atteints de lèpre ou de maladies coloniales identiques et qui étaient capables d’apporter des secours militaires, leur courage et leur force et qui termina, repris par le Roi de France, sous le nom de l’Ordre de Saint Lazare et de Jérusalem qui disparut définitivement en 1830. Mais en même temps que ces Ordres religieux, pieux, existaient et dont les bienfaits étaient certains, les Souverains d’Europe s’aperçurent que l’institution était politiquement riche puisqu’elle permettait à un souverain de s’entourer de chevaliers fidèles dévoués liés à sa personne par un serment dont il ne pouvait plus se déprendre. Le premier est la Toison d’Or fondée par Philippe Le Beau, Grand Duc de Bourgogne, le second est la Jarretière typiquement anglais et la France ne pouvait pas rester à l’écart de cette création d’ordres de chevalerie religieux mais également l’aspect d’ordre politique. Elle en fonda plusieurs dont le premier est de Saint-Michel, l’archange protecteur de la France et c’est Louis XI le 1er Août 1469 qui pour mieux combattre Charles le Téméraire et sa Toison d’Or créa l’ordre de Saint-Michel qui comportait au début 36 gentilshommes seulement placés sous la grande maîtrise du Roi et dont le siège de la confrérie était dans l’abbaye de Saint-Michel avant d’être transférée chez les Cordeliers de Paris et qui fut le seul ordre véritable français en tout cas le premier. Mais l’augmentation incessante du nombre de chevaliers rendit nécessaire une sorte d’épuration ou tout au moins de renforcement de la qualité des chevaliers nouvellement adoubés et c’est Henri III qui voulant compter ses fidèles créa un deuxième ordre qui en fait par sa rareté devint le premier tandis que Saint-Michel devenait le second en importance. Cet ordre premier, c’est le Saint-Esprit qui récompense des mérites éminents alors que le second Ordre de Saint-Michel ne récompense plus que les mérites distingués. La croix en était d’or et d’émail et elle était portée à l’extrémité d’un cordon noir et les chevaliers du Saint-Esprit étaient en même temps chevaliers de Saint-Michel c’est à dire les Ordres du Roi réunis c’est la raison pour laquelle sur les grandes armes qui figurent souvent sur les reliures de livres précieux les deux cordons du Saint-Esprit et de Saint-Michel figurent l’un à côté de l’autre de façon à bien montrer qu’il n’y a finalement qu’un ordre, même s’il y a deux fondations et deux appartenances différentes.

 

Si l’Ordre du Saint-Esprit était réservé à la haute noblesse qui avait accompli des actions d’éclat, l’Ordre de Saint-Michel était plus modéré dans ses appétits de gloire et on y trouve à côté de militaires importants et courageux, des magistrats, des administrateurs, des peintres, des dessinateurs, des graveurs, des sculpteurs, des surintendants de la musique du Roi, des avocats et des personnalités du commerce et de l’industrie et notamment des directeurs de la Compagnie des Indes, des savants tels Montgolfier puis Chaptal, des ingénieurs des Ponts et Chaussée et de nombreux médecins. La révolution française supprima l’Ordre de Saint-Michel comme celui du Saint-Esprit et comme tous les autres Ordres d’ailleurs et créa des médailles commémoratives d’évènements puis des armes d’honneur et des armes de récompense avant que Bonaparte qui souffrait de voir son Etat reconstitué ne pas avoir des fonctionnaires ornant leurs poitrines de décorations que les ambassadeurs étrangers portaient avec aisance, décida le 15 Février 1802, après avoir reçu les ambassadeurs de toutes les nations d’Europe désormais en paix (pour peu de temps) avec la France qui portaient des costumes ornés de sautoirs, de plaques et d’écharpes. Selon les mots de Vivant Denon rapportés par Arnault, Bonaparte aurait dit « cela relève le physique du personnage qui en est paré, cela habille l’homme ». Dès le 15 Février à Malmaison, lors d’une réception hebdomadaire, il lançait un ballon d’essai et malgré les avis réservés d’un certain nombre de ses collaborateurs, il fit préparer par le Conseil d’Etat une loi, la loi du 29 floréal an 10 (19 Mai 1802) suivi d’un décret du 23 septembre 1804 (1er vendémiaire an 12) créant les insignes de cette nouvelle institution qu’il avait baptisée du nom de Légion d’Honneur et qui s’inspirait à la fois des ordres anciens et de l’Ordre de Saint-Louis. Le succès fut immense, le Premier Consul, par cette institution, avait crée une de ces masses de granit « dont il disait qu’elles étaient nécessaires pour ancrer la France dans le monde européen où elle méritait la première place ». Il créa d’autres ordres, l’Ordre de la Réunion, premier ordre européen, il pensa un instant instituer un Ordre impérial des Trois Toisons d’Or auquel il renonça dès 1809, ses frères et son beau-frère Murat créèrent chacun dans leurs états des Ordres et pour l’Italie, dont il était le souverain, il créa l’Ordre de la Couronne de fer. Tous ces Ordres, sauf la Légion d’Honneur furent supprimés à la Restauration, subsistaient toutefois les palmes académiques qui n’étaient pas proprement parlé une décoration mais un insigne que les professeurs portaient sur leurs toges et qui manifestaient l’estime que le gouvernement leur donnait et qui plus tard et notamment sous Napoléon III avec Victor Duruy devint une décoration séparée du costume et de la robe professorale permettant ainsi aux simples instituteurs de porter sur leur costume ou sur la blouse grise qui les revêtait quand ils enseignaient, cet ordre prestigieux, les Palmes Académiques. Plus tard, d’innombrables ordres ou décorations militaires furent crées, commémorant les victoires de Napoléon III, rappelant le souvenir de Napoléon Ier (médaille de Sainte Hélène) et ensuite commémorant les batailles à laquelle les armées de la république avaient été mêlées. Napoléon III créa la médaille militaire pour les sous-officiers et pour les maréchaux ayant commandé en chef devant l’ennemi, la guerre de 1914 avec les actes héroïques si nombreux qu’elle suscita créa l’institution des croix de guerre qui continuent à prospérer selon les guerres que la France est obligée d’accomplir pour faire respecter les droits des peuples et notamment la liberté, aujourd’hui elle est nommée croix de la Valeur Militaire. Ainsi, un certain nombre de décorations manifestent la vaillance des Français.

 

Mais en même temps que cette inflation militaire existait, il restait les mérites civils à récompenser. On se servit dans un premier temps des décorations coloniales puisque les souverains dont on avait conquis les îles lointaines avaient parfois des décorations qui furent francisées, attribuées sous la direction de la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur par les ministères compétents ainsi cinq ordres coloniaux furent maintenus visés par le décret du 10 mai 1896 qui rappelait que ces ordres seraient désormais accordés par décision du Président de la République Française prises sur le rapport du ministre des colonies ce qu’il en faisait de facto des ordres français, ordres à cinq grades comme la Légion d’Honneur. Mais auparavant furent créés les ordres ministériels, c’est-à-dire que chaque ministère entreprit de grouper les personnes méritantes relevant de sa compétence dans un ordre à trois grades qui tentait de récompenser les différentes activités françaises, Mérite Agricole (7 juillet 1983), Mérite Maritime (9 janvier 1930), Santé Publique (18 février 1938), Mérite Commercial (27 mars 1939), Mérite Touristique (27 mai 1949), Mérite Combattant (14 septembre1953), Mérite Postal (14 novembre 1953), Ordre de l’Economie Nationale (6 janvier 1954), Mérite Social (25 octobre 1936), Mérite Sportif, décret du 6 juillet 1936, Mérite du Travail, décret du 21 janvier 1957, Mérite Militaire, loi du 22 mars 1957, Arts et Lettres institué par le décret du 2 mai 1957 et qui a pour vocation de récompenser les françaises, français et les étrangers qui par leurs créations dans le domaine artistique ou littéraire ont contribué au rayonnement des Arts et Lettres.

 

Cet ordre, celui des Arts et Lettres, est certainement le plus beau type de décoration puisqu’il a été créé par un célèbre ferronnier d’art, Raymond Subes, membre de l’Institut qui, après des recherches nombreuses, créa une décoration assez exceptionnelle dans ses qualités esthétiques, différente dans la dimension de son ruban et qui porte l’anomalie de présenter l’effigie de la République sur le revers et non sur l’avers.

 

Mais abandonnons un instant cet ordre des Arts et Lettres qui fête son cinquantenaire cette année pour citer les dernières décorations ministérielles qui furent instituées. Le Mérite Civil du Ministère de l’Intérieur, décret du 14 octobre 1957, le Mérite Saharien, décret du 4 avril 1958.

 

Le français était donc un homme décoré puisqu’à différents titres il pouvait porter une décoration et parfois ses mérites étaient tels qu’il les cumulait avec abondance. Le Général De Gaulle qui pour sa part avait crée un ordre prestigieux, l’Ordre de la Libération institué par une ordonnance du 16 novembre 1940 prise à Brazzaville et organisée par un décret du 29 janvier 1941, estima que cette abondance d’ordres avait un effet nocif pour la réputation des français, le français n’était plus seulement l’homme à la flûte de pain sous le bras et au béret basque, c’était en plus un homme décoré et qui portait ses décorations d’une manière non pas ostentatoire mais visible sur son costume de ville alors que les britanniques portent très rarement leurs décorations s’ils les mettent avec abondance sur leurs cartes de visite avec des initiales incompréhensibles pour les personnes étrangères à la Grande-Bretagne. Le Général De Gaulle décida donc de supprimer tous les ordres ministériels et de les remplacer par un ordre unique l’Ordre National du Mérite créé par décret du 3 décembre 1963. Toutefois ce décret qui faisait table rase des décorations françaises, laissant toutefois à ceux qui les avaient obtenues le droit de continuer à les porter leur vie durant, épargna quatre Ordres particuliers pour des raisons spécifiques. Le premier fut le Mérite Agricole si ancien et si désiré par les agriculteurs fondé par Méline, le second les Palmes Académiques, le plus ancien si on se réfère aux palmes portées sur la robe universitaire, un des plus récents dans son assimilation aux Ordres ministériels, le Mérite Maritime qui récompense tant de dévouement d’un pays qui est ouvert sur quatre côtés sur la mer dont la vocation maritime est certaine et enfin l’Ordre des Arts et Lettres, créé par René Billères, Ministre d’Etat chargé de l’Education Nationale et Jacques Bordeneuve, Secrétaire d’Etat aux Arts et Lettres.

 

Les statuts ont été constamment amendés pour mieux correspondre aux objectifs voulus par les créateurs, le dernier décret date de 2005 qui réorganise le conseil de l’ordre en fonction des titres nouveaux pris par les différents directeurs du Ministère mais cet ordre a pris une importance grandissante en raison de l’intérêt que lui porta André Malraux dont on connaissait à la fois la culture, le zèle pour les Arts et les Lettres et l’influence qu’il pouvait avoir auprès du Général De Gaulle, c’est la raison pour laquelle l’Ordre des Arts et Lettres au lieu de passer dans la fournée de suppression des mérites ministériels survécut avec une gloire certaine puisque les décorés sont peu nombreux mais choisis avec une grande qualité et que cette décoration pour des étrangers est souvent plus précieuse à leurs yeux, que la Légion d’Honneur elle-même.

 

Or il se trouve qu’un érudit, Monsieur Régis SINGER, a réussi à rassembler tous les textes nécessaires pour bien connaître l’Ordre des Arts et Lettres et connaissant la famille du créateur de l’insigne, Raymond Subes, dont on ne dira jamais assez qu’il a créé la plus belle décoration française sur le plan esthétique, a réussi à écrire un ouvrage qui raconte non seulement l’histoire de cet Ordre mais la recherche esthétique à laquelle Raymond Subes a dû se consacrer pour aboutir à cet ordre prestigieux, après quinze essais qui lui parurent infructueux en tous cas insuffisants pour le but qu’il s’était fixé.

 

C’est ainsi qu’en recherchant l’histoire des ordres ministériels et particulièrement celle des ordres destinés à récompenser les artistes, on découvre que à partir de Louis XVIII et donc de la Restauration, l’Ordre de Saint-Michel est devenu l’anticipation de l’Ordres des Arts et Lettres et que Saint-Michel dans sa conception primitive avait disparu à la Révolution pour ne jamais être recréé avant la Restauration.

 

On peut donc dire sans exagération que l’ancêtre des Arts et Lettres est l’Ordre de Saint-Michel, ce qui ferait de cet ordre récent, l’ordre le plus ancien de la France puisque créé en 1469 alors que la Légion d’Honneur créée, tout au moins décidée le 14 février 1802 et créée le 19 mai 1802, s’inspire profondément de l’Ordre de Saint-Louis en l’étendant toutefois aux civils, l’Ordre de Saint-Louis ne fut créé par Louis XIV qu’en avril 1793. La preuve de cette fonction d’ordre des mérites artistiques et culturels confié à l’ordre des Arts et Lettres succédant à l’Ordre de Saint-Michel ressort des textes mêmes qui le régissent. Par l’ordonnance du 16 novembre 1816, le Roi Louis XVIII destine officiellement l’Ordre de Saint-Michel aux écrivains, aux savants et aux artistes et à tous ceux qui avaient pu généralement rendre service à l’Etat sans faire nécessité de condition de noblesse ou de religion. Le cordon noir devient alors la plus haute distinction civile du Royaume et les promotions font la part belle aux Sciences et aux Arts et s’ouvrent peu à peu aux Lettres avec André Dacier ou Quatremère de Quincy et Raynouart en outre des peintres tels Carl Vernet, Girodet, Gros, Gérard, Guérin, Granet, des architectes comme Fontaine, Brongniart, Peyre, Grondoin, des sculpteurs comme Bosio et Cartellier, bénéficient de ces Arts et Lettres avant la création de cet Ordre nouveau, la meilleure preuve en est dans la reproduction de l’inauguration du salon de 1824 dû au tableau de Heim (Musée de la Légion d’Honneur – Musée de Versailles), ce tableau montre l’inauguration le 15 janvier 1825 par le Roi Charles X du salon des Artistes au Louvre, dans le salon carré, le Roi Charles X distribue des croix aux artistes et on voit sur le tableau de Heim, le Roi assisté du Vicomte Sosthène de la Rochefoucauld, chargé du département des Beaux-Arts, muni de la liste des chevaliers, le comte de Fordin directeur des Musées et Cailleux, secrétaire général des Musées tiennent les insignes que le Roi accroche sur les poitrines, notamment celle de Carle Vernet et du sculpteur Cartellier. On a donc par cette reproduction la preuve évidente que les Arts et Lettres ont été créées par une transformation de l’Ordre de Saint-Michel et sont le plus ancien Ordre français même si on ne fête le cinquantenaire de la création officielle de cet Ordre en l’année 2007[1].

 

On peut donc conclure que l’Ordre des Arts et Lettres constitue bien un ordre et non pas une décoration, c’est-à-dire une société de personnes qui dans le domaine où elles ont été décorées sont placées sous l’autorité directe du pouvoir qui peut les retrancher en cas d’indignité et qui sont animées d’un but identique, c’est-à-dire la protection des différentes entreprises ayant un rapport avec les Arts, les Lettres, la Culture et la Communication. Une association des membres de cet ordre a existé depuis l’origine et un certain nombre de personnes dévouées veulent lui redonner une existence réelle de façon que les liens qui ont été contractés entre les membres de cet ordre du fait d’une nomination commune puisse être exploitée pour la plus grande gloire des Arts.

Le plus ancien ordre français qui est maintenant un des plus récents mais qui atteint l’âge important pour une décoration du demi siècle, illustre bien les mots de Montaigne concernant les décorations et les ordres de chevalerie qui commençaient à apparaître de son temps : « Cela a été une belle invention et reçue en la plupart des « polices » du monde d’établir certaines marques vaines et sans prix pour en honorer et récompenser la vertu. Nous avons pour notre part et plusieurs de nos voisins, les Ordres de chevalerie qui nous sont établies qu’à cette fin, c’est à la vérité une bonne et profitable coutume de trouver moyen de reconnaître la valeur des hommes rares et excellents et de les contenter et satisfaire par des paiements qui ne chargent aucunement le public et qui ne coûtent rien aux Princes. »

 

On ne saurait mieux dire, les artistes désintéressés par nature, sont peu à peu distingués et propulsés sur le devant de la scène avec l’aide du Ministre de la Culture et de la Communication, l’avis d’un Conseil de l’Ordre pluridisciplinaire dont la science et l’objectivité sont dignes d’éloges et ces nominations dans l’Ordre des Arts et Lettres évoluent au fur et à mesure de l’évolution du goût français. Tel qui paraissait un révolutionnaire il y a vingt ans est aujourd’hui considéré comme un classique. Il est donc important, maintenant qu’il n’y a plus de salon officiel organisé par l’Académie des Beau-Arts, d’avoir une reconnaissance officielle du talent français et des étrangers notables et surtout de l’évolution du goût qui permet de découvrir des artistes nouveaux et des illustrations nouvelles de notre vie sociale française et étrangère.

  

André DAMIEN,

Membre de l’Institut,

Membre du Conseil de l’Ordre de la Légion d’Honneur,

Vice-président du Conseil de l’Ordre des Arts et Lettres.