Attentat d’Anagni, persécution des templiers, expulsion des Juifs du royaume, manipulations de la monnaie…, ou, au contraire, première réunion des états généraux. Dans notre mémoire nationale, la figure de Philippe le Bel reste attachée à une dérive autoritaire de la monarchie capétienne. Ce roi a pourtant fait la France à plus d’un titre, et c’est cette œuvre de fondation que ce livre s’attache à restituer. Il donne à comprendre comment, sous l’autorité d’un monarque encore médiéval, a été opéré un véritable modelage idéologique et politique de la France. Le petit-fils de Saint Louis n’a pas seulement « fait la France » par une régénération des moyens et des méthodes d’action de l’État en formation. Son gouvernement antiféodal, ses guerres, sa diplomatie, ses rapports à l’Église, tous participent de la même ambition : instaurer sur le monde chrétien une domination de la France, une domination perpétuelle. Ce dessein n’a pas eu pour seul foyer le Conseil du roi. Il a été secondé sur le terrain doctrinal par de grands universitaires, propagé par d’ardents prédicateurs, mis en œuvre à travers le pays par les officiers royaux et avalisé par les représentants des trois ordres. Autour des années 1300, c’est une remarquable poussée d’orgueil « nationale » qui prend forme, savamment enracinée dans la religion, l’histoire, le sentiment dynastique et le droit. La marque insigne de ce naissant complexe de supériorité du royaume est qu’il ne s’éteindra guère : jusqu’au XXe siècle, la France ne pourra plus se passer de l’idée élective de se voir, et de se vouloir, différente.