RESSOURCES GÉNÉALOGIQUES & HÉRALDIQUES DE LA BNF
Extrait de l’avant-propos
Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730, de Pierre Goubert (Paris, 1960) ; Les derniers maîtres des requêtes de l’Ancien Régime (1771-1789), de Sylvie Nicolas (Paris, 1998). Deux thèses parmi d’autres dont les qualités ont été soulignées par une publication. Deux ouvrages au dénominateur commun : une importante documentation généalogique. Ils illustrent chacun à leur manière l’apport de cette discipline annexe de l’Histoire. Force est de constater aujourd’hui une attitude paradoxale face à la généalogie : activité de loisir très répandue dans le grand public, elle est le plus souvent délaissée par les professionnels de l’Histoire, à l’exception des chercheurs abordant des études prosopographiques.
Le présent livre n’est pas un guide de généalogie, vers lequel devra se diriger le chercheur débutant. Ce répertoire ambitionne de présenter au lecteur averti le fonctionnement de la division occidentale du Département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France et ses ressources généalogiques et héraldiques, en en détaillant les richesses et les limites. Sinon infinies, les richesses sont à tout le moins immenses, et la vie entière d’un chercheur ne suffirait pas à en faire le tour. Les limites en sont mieux connues. Les fonds » généalogiques » du département se rapportent presque exclusivement à la noblesse ou à la très haute bourgeoisie, de toutes époques. Cela explique l’absence quasi-générale de présentation du Département des manuscrits dans les guides de généalogie, lesquels s’attachent à accompagner le lecteur dans ses propres recherches, qui le mènent le plus souvent vers le monde des paysans ou des artisans. Alors que Sylvie Nicolas cite près de cent trente références extraites du Cabinet des titres, Pierre Goubert souligne dans la présentation de ses sources que » Le Cabinet des Titres ne m’a donné à peu près rien sur la vingtaine de familles beauvaisiennes que j’ai recherchées dans les six fonds généalogiques : les renseignements locaux sont d’une autre abondance et d’une autre exactitude « . La généalogie, aux XVIIe et XVIIIe siècles, était une activité propre à la noblesse, tant pour marquer son appartenance à un groupe que par nécessité juridique. On y faisait appel dans un dessein précis : prouver son statut ou l’ancienneté de sa noblesse. Dans une société de privilèges qui était celle de l’Ancien Régime, le roturier n’avait rien à prouver, n’ayant accès à rien ou presque. Ce n’était le plus souvent qu’après de longs efforts, menés sur plusieurs générations, qu’une famille accédait enfin au second ordre. Elle n’avait alors de cesse que de faire oublier sa roture passée. Mais, il arrive que partant d’une ascendance roturière, ce qui est le cas de la très grande majorité des généalogistes amateurs d’aujourd’hui, l’on puisse se rattacher à une famille noble. C’est d’ailleurs l’un des charmes de la généalogie que de ne pas savoir ce que réserve chaque nouvelle génération. Aux ressources généalogiques, nous avons cru utile d’ajouter ce qui a trait à l’héraldique, car s’il s’agit de deux disciplines distinctes, elles sont bien souvent associées et complémentaires.
Notre répertoire se limite à la division occidentale du Département des manuscrits. Les anciens Départements des imprimés et des périodiques, désormais réunis sur le site de Tolbiac, ne possèdent pas de fonds généalogiques. Leurs collections visent à l’exhaustivité à travers le dépôt légal. Qui plus est, les répertoires de Gaston et Geneviève Saffroy et du colonel Étienne Arnaud fournissent un premier moyen d’accès on ne peut plus aisé aux livres et articles qui ont pu aborder telle ou telle famille. Le Catalogue de l’Histoire de France et la Bibliographie annuelle de l’histoire de France sont également des outils précieux pour exploiter le fonds des imprimés. Nous ne traiterons donc pas de ces deux Départements. Ceux des Cartes et Plans, des Estampes et de la Photographie, des Médailles, Monnaies et Antiques et celui de la Musique ne pourront apporter aucune aide directe, sauf si les recherches conduisent à s’intéresser à un géographe, un graveur, un marchand d’estampes ou un musicien.
Les manuscrits sont des documents fragiles, le plus souvent uniques, et parfois assez difficiles à lire. Ils ne doivent être consultés qu’en dernier ressort. Le chercheur aura tout intérêt à vérifier qu’il n’existe pas de publications relatives à son projet d’étude ou des documents similaires dans d’autres dépôts. Ceci est particulièrement vrai pour les recherches de noblesse dont de nombreuses copies sont conservées dans les dépôts d’archives départementales (séries F et J), et qui ont fait l’objet de plusieurs publications. Il en est de même pour les armoriaux, certains épitaphiers et bien évidemment pour les monographies familiales.
Historique du Cabinet des titres
La source principale du Département des manuscrits pour l’étude de l’histoire des familles est le Cabinet des titres. Formé des archives des généalogistes du Roi et des épaves de celles des généalogistes des Ordres du Roi, cet ensemble est composé de près de 6 800 volumes, dont près de la moitié a trait à la généalogie et à l’héraldique. Nous lui consacrons donc un chapitre particulier, puis nous présenterons les références des fonds français, latins et autres langues occidentales.
Historique
L’histoire du fonds généalogique du Département des manuscrits, communément appelé Cabinet des titres depuis le XIXe siècle, prend naissance dans la réorganisation des collections de la Bibliothèque royale, entreprise en 1720 par l’abbé Jean Paul Bignon, alors bibliothécaire du Roi. En accord avec le Régent, il réunit en un seul département tout ce qui regardait la généalogie. Aux 2 400 volumes légués en 1711 par François Roger de Gaignières, furent joints ceux du cabinet du juge d’armes Charles d’Hozier, entré en 1717, et qui représentait la somme de plus de soixante ans de recherche. Le neveu de Charles d’Hozier, Louis Pierre d’Hozier, brouillé avec son oncle, se constitua un nouveau cabinet, qui entrera en partie à la Bibliothèque nationale au XIXe siècle. L’abbé Bignon reprenait une idée émise par Jean-Baptiste Colbert. Le ministre de Louis XIV avait voulu créer un vaste dépôt de la noblesse du royaume, où tous les gentilshommes seraient venus déposer leurs titres.
Ce nouveau dépôt fut confié à la garde d’Abraham Charles Guiblet, généalogiste de la maison d’Orléans et des ordres du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem. Au XVIIIe siècle, le département des Titres et Généalogies s’enrichit régulièrement, par acquisitions, dons ou saisies. Ainsi, entrèrent les collections formées par Jean Haudiquer de Blancourt, Claude François Blondeau de Charnage, Pierre Simon Jault, Jean de Launay, Valentin Philippe Bertin du Rocheret, Pierre Paul Du Buisson et Jean-Baptiste Guillaume, dit l’abbé de Gevigney. Les gardes responsables du département firent don de leur propre cabinet, tels Guiblet et son successeur, René François Pierres, dit Delacour. Ce dernier fit de grands classements et mit tout en œuvre pour enrichir son dépôt. Il eut toute latitude pour engager des dépenses importantes afin d’acquérir des cabinets de particuliers. à sa mort, il fut remplacé par l’abbé de Gevigney à qui succéda l’abbé Jean Louis Coupé, qui initia le classement de plusieurs centaines de quintaux de parchemins provenant des rebus de la Chambre des comptes, vendus par Pierre Augustin Caron de Beaumarchais, en 1785. à la fin du XVIIIe siècle, le département des Titres et Généalogies était divisé en quatre classes : 2 500 boîtes de titres originaux classés par ordre alphabétique des familles ; 576 boîtes de mémoires et généalogies ; les cabinets de d’Hozier et de Gaignières, qui occupaient 217 boîtes ; 1 400 volumes divers.
La Révolution française n’ignora pas la Bibliothèque du Roi, devenue nationale, mais les pertes furent très limitées. Le département des Titres et Généalogies devint le dépôt des Titres de Propriétés puis fut définitivement réintégré aux Manuscrits, prenant alors le nom de Cabinet des titres. Cherchant à justifier l’utilité de son département et son budget de fonctionnement, l’abbé Coupé indiqua dans un mémoire que son dépôt n’était pas destiné aux seuls généalogistes, mais à tous les citoyens. Pour plus de sûreté, on décida de protéger le Cabinet des titres en en interdisant l’accès. Les différentes pièces qui y menaient furent remplies de cartons et de volumes entassés les uns sur les autres, de façon à former de véritables barricades. Le cabinet put ainsi traverser la Révolution sans dommage. Le cabinet des Ordres du Roi, créé par Pierre Clairambault à la fin du XVIIe siècle, et dont le titulaire était Louis Nicolas Hyacinthe Chérin, fut moins heureux. Placé depuis 1772 au couvent des Grands-Augustins, il fut transféré en 1792 à la Bibliothèque nationale, où il subit un sévère triage qui mena au bûcher de la place Vendôme près de deux mille volumes, parmi lesquels trois cents registres de recherches de noblesse et trois cents de preuves de noblesse. Au total, c’est plus de la moitié du cabinet des Ordres qui fut réduite en cendres.
Le XIXe siècle vit l’entrée de plusieurs fonds importants. En 1811 et 1812, deux anciens bénédictins, dom Joseph Villevieille et dom Joseph Caffiaux, cédèrent leurs recueils généalogiques. Bénigne Chérin légua en 1830 vingt-quatre cartons contenant les travaux de ses oncle et cousin et d’Edme Joseph Berthier au cabinet des Ordres. L’année 1851 s’acheva par l’acquisition du cabinet d’Ambroise Louis Marie d’Hozier, constitué et enrichi sur la base de celui formé au XVIIIe siècle par Louis Pierre d’Hozier, neveu de Charles d’Hozier. Entrée exceptionnelle qui mit la Bibliothèque nationale en possession d’un exemplaire supplémentaire de l’Armorial général de France, de 3 000 brevets de règlements d’armoiries et de plus de 7 000 minutes de preuves de noblesse. Une partie de ce cabinet était entrée en 1841 aux Archives nationales, formant le noyau du titre III de la série M. Un troisième lot de documents provenant de la famille d’Hozier et conservé par Nicolas Viton de Saint-Allais fut acheté en 1955 par les Archives nationales (AB XIX 3261-3294). En 1862, les Archives de l’Empire réclamèrent, en vain, le Cabinet des titres, appuyant leur demande sur le fait que ces documents étaient des pièces d’archives. Un important échange eut lieu entre les deux institutions, mais la Bibliothèque conserva son fonds généalogique. La fin du XIXe siècle fut marquée par le classement de la série des Pièces originales et par la rédaction de l’inventaire des six premières séries du Cabinet des titres.
Les séries généalogiques
Le Cabinet des titres est composé de six séries homogènes (5 292 volumes) et d’une septième plus disparate, riche de 1 488 volumes. Les six premières séries offrent la particularité d’être classées par patronymes. Elles ont pour nom Pièces originales, Dossiers bleus, Carrés de d’Hozier, Cabinet de d’Hozier, Nouveau d’Hozier et Chérin.
La série des Pièces originales, regroupe, comme son nom l’indique, des pièces originales, mais également de nombreuses copies. Ce fonds aété classé de 1876 à 1882 par Ulysse Robert qui s’est appuyé sur les portefeuilles généalogiques constitués par Charles d’Hozier, en les enrichissant d’autres documents. Elles proviennent des anciennes archives de la Chambre des comptes de Paris. On y trouve aussi des actes notariés, des lettres de part, etc. Elles nécessitent de solides notions de paléographie. Cette collection est la plus conséquente avec 3 061 volumes, in-folio.
La série des Dossiers bleus, dont le nom rappelle la couleur des chemises qui les contenaient au XVIIIe siècle, est composée de mémoires, notes et brouillons généalogiques, issus en majeure partie des cabinets de Charles d’Hozier et de François Roger de Gaignières, légués à la Bibliothèque du Roi. On compte 684 volumes, in-folio. Les esquisses de tableaux généalogiques sont assez difficiles à déchiffrer, du fait des ratures et des noms écrits parfois très petits pour tenir dans l’espace restreint d’une feuille. On y trouve fréquemment de très courtes notes prises dans des ouvrages qui ne peuvent pas toujours être identifiés.
Les Carrés de d’Hozier tirent leur nom du format des registres de cette série, constituée des deux cents paquets de preuves acquis en 1851 des héritiers d’Ambroise Louis Marie d’Hozier. Elle est composée de copies ou d’extraits d’actes divers (actes de baptêmes, contrats de mariage, testaments, contrats de ventes …) dressés au XVIIIe siècle, pouvant servir à l’histoire des familles. Afin de justifier de sa noblesse, une famille désireuse d’obtenir une place ou un office privilégié devait fournir trois actes filliatifs par degré d’ascendance qui établissaient son statut de noble. Certaines familles semblent avoir transmis aux généalogistes du Roi l’ensemble de leurs archives, tant le volume de notes est important, et dépasse de loin les trois actes par degré. La série compte 652 volumes, in-quarto. C’est la série la plus accessible du point de vue paléographique.
La série Cabinet de d’Hozier, comme les Dossiers bleus, aété formée des dossiers généalogiques constitués aux XVIIe et XVIIIe siècles par Pierre et Charles d’Hozier, et des mémoires généalogiques de François Roger de Gaignières. Elle compte 344 volumes, in-folio.
La série Nouveau d’Hozier est constituée de documents relatifs aux preuves dressées par les d’Hozier au XVIIIe siècle pour diverses places : Maison du Roi, pages aux Petite et Grande écuries, écoles militaires, maisons de Saint-Louis et de l’Enfant-Jésus, divers collèges et régiments, etc. Elle a été acquise en 1851. Le même dossier peut contenir plusieurs versions d’une même preuve, à des degrés divers d’avancement. Cette série est composée de 337 volumes, in-folio.
La série Chérin est un recueil de généalogies dressées au XVIIIe siècle, par Bernard Chérin et ses successeurs lorsqu’ils vérifiaient les preuves de noblesse présentées pour l’admission aux Honneurs de la Cour, aux Ordres du Roi et à certaines places privilégiées (armée, marine, maisons civiles et religieuses). C’est la plus petite collection, avec 214 volumes in-folio.