REGLEMENTATION SUR LE PORT DES DÉCORATIONS ÉTRANGÈRES EN FRANCE

Tout d’abord, par décoration étrangère on doit entendre une décoration qui, quelle qu’en soit la dénomination ou la forme, a été conférée par une puissance souveraine (art. R 160 du Code de la Légion d’honneur), et un Français ne peut pas l’accepter sans une autorisation qui lui est délivrée par arrêté du Grand Chancelier de la Légion d’honneur (art. R 161). La procédure de la présentation à l’instruction de ces demandes d’autorisation est prévue par les art.s R 163 à R 170. Quant aux ordres qui ne sont pas conférés par une puissance souveraine, ils sont déclarés illégalement et abusivement obtenus, et ne peuvent être portés (art. R 160).

Au reste, ajouté au Code précité par le décret n° 81-1103, du 4 décembre 1981, l’art. R 173 stipule: « Sera puni d’une amende, prévue pour les contraventions de 2ème classe, tout Français qui aura porté, sans avoir obtenu l’autorisation prévue par l’art. R 161, une décoration conférée par une puissance souveraine étrangère. Sera punie d’une amende, prévue pour les contraventions de 3ème classe, toute personne qui aura porté une décoration étrangère qui n’aurait pas été conférée par une puissance souveraine ».

Cependant les membres de ces sociétés dites « chevaleresques  » comportant le port d’insigne, et à condition qu’ils n’usurpent pas la dénomination d’ordres de chevalerie reconnus, peuvent continuer de porter, dans leurs cérémonies intérieures, les vêtements ou insignes qui sont conférés par elles et dont le port fait partie de l’uniforme prévu pour leurs cérémonies. De même qu’un costume religieux est porté au chœur par les clercs, de même les membres de sociétés chevaleresques peuvent porter à l’intérieur et lors des réunions de chapitres ou dans les chapelles où ils célèbrent des offices, des décorations, des cordons, des manteaux ou des costumes particuliers, simplement ils ne doivent pas être portés à l’extérieur et en public.

L’art. R 172 du Code de la Légion d’honneur punit d’une amende prévue pour les contraventions de 4ème classe « quiconque aura porté en public des insignes, rubans ou rosettes présentant une ressemblance avec ceux des décorations conférées par l’État français ou qui aura fait usage de grades ou dignités dont la dénomination présente une ressemblance avec les grades et dignités conférés par l’État ».

Notons à ce propos que ni l’Ordre de Malte, ni celui du Saint-Sépulcre, ne tombe sous la prohibition de l’art. R 165, car le premier est considéré comme émanant d’une puissance souveraine et le second est un ordre pontifical qui suit ses règles propres, mais qui est considéré comme étant conféré par l’État souverain qu’est le Saint-Siège.

L’Ordre de Malte fut interdit sous la Restauration et le Second Empire (décret du 10 juin 1853) bien que l’Impératrice en fût grand-croix d’honneur et de dévotion par bulle du 15 août 1857; c’est sur l’intervention efficace du comte de Pierredon, délégué de l’Ordre en France après la guerre de 1914-1918, au cours de laquelle il avait joué un rôle important dans les négociations, qu’il fut reconnu. Le comte de Pierredon avait fait observer que nonobstant le fait que la Grande Maîtrise ait été supprimée en 1805, la France avait continué à reconnaître, après 1798, l’Ordre en tant qu’Ordre souverain, bien que privé de son territoire par la non-application du traité d’Amiens, et que la Grande Maîtrise venant d’être rétablie par bulle du pape Léon XIII du 28 mars 1879, qui constitue l’Ordre en puissance souveraine sans territorialité, il y avait lieu de reconnaître ces insignes en tant qu’insignes officiels. Il fut admis à les porter en France par décret du 28 mai 1924, et depuis cette date, les titulaires de l’Ordre de Malte peuvent se pourvoir devant le Grand Chancelier de la Légion d’honneur pour y être autorisés.

L’Ordre du Saint-Sépulcre était reconnu comme Ordre militaire protégé par Saint Louis, puis par les rois d’Espagne. Il fut supprimé sous la Restauration en même temps que l’archiconfrérie du Saint-Sépulcre le fut elle-même, c’est-à-dire en 1823, suppression confirmée le 24 mai 1824. Le père gardien du Saint-Sépulcre de Jérusalem continua de conférer des décorations, et ce privilège passa au patriarche de Jérusalem, lorsque le Patriarcat latin fut rétabli en 1847. La décoration était considérée comme une décoration privée, dont le port était prohibé en France. Toutefois, lorsque les brevets originaux portaient le visa du Saint-Siège, sous la forme du contreseing du cardinal, secrétaire des brefs apostoliques, la Grande Chancellerie acceptait de délivrer des autorisations de port. Mais depuis 1949, l’ordre a été rétabli et a retrouvé une existence juridique en tant qu’ordre du Saint-Siège, à la manière de ceux de Saint-Grégoire-le-Grand ou de Saint-Sylvestre, tout en conservant son organisation intérieure propre, et un Grand-Maître qui est un cardinal désigné par le Pape.

Précisons, en outre, que les ordres étrangers dont les rubans comportent une part notable de rouge, et qui pourraient par là même prêter à une confusion avec la Légion d’honneur, ne doivent en aucun cas être portés sous la forme réduite des rubans ou rosettes. L’art. 3 du décret du 6 novembre 1920 précise qu’il est interdit aux titulaires des décorations étrangères comportant des rubans ou contenant du rouge en quantité notable, de porter soit des barrettes, soit des rubans ou des rosettes seuls, c’est-à-dire sans l’adjonction des insignes qui s’y rattachent. Les titulaires ont seulement le droit de porter des insignes d’un modèle réduit conformément à celui prévu par l’art. 1er par. II, c’est-à-dire que ces insignes doivent être une reproduction exacte des insignes réglementaires et que la largeur du ruban et le diamètre de l’insigne et de la rosette ne doivent pas être inférieurs à 1 cm. Ces dispositions n’ont pas été expressément reprises dans le Code de la Légion d’honneur, mais elles font partie des usages et exposent ceux qui y contreviendraient, à des poursuites pour port illégal de décorations (Cf. décret présidentiel du 11 avril 1882 précisant à propos des ordres du Christ conférés par le Vatican et le Portugal qu’ils ne devront jamais être portés sans la décoration).