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ÉDIT DU ROI (1750) PORTANT CRÉATION D’UNE NOBLESSE MILITAIRE (ORDRE DE ST LOUIS)

ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE D'ÉDITS, DÉCLARATIONS, REGLEMENS, ARRÊTS & LETTRES PATENTES DES ROIS DE FRANCE DE LA TROISIÈME RACE, CONCERNANT LE FAIT DE NOBLESSE,‚Ǩ¬¶

Art. 1er. Aucun des sujets servant dans les troupes de Sa Majesté en qualité d’officier, ne pourra être imposé à la taille pendant qu’il conservera cette qualité.

Art. 2. Tous officiers généraux non-nobles, actuellement au service, seront et demeureront anoblis avec toute leur postérité née et à naître en légitime mariage.

Art. 3. Veut Sa Majesté qu’à l’avenir le grade d’officier général, confère la noblesse de droit à ceux qui y parviendront, à toute leur postérité légitime, lors née et à naître, et jouiront les dits officiers généraux de tous les droits de la noblesse, à compter du jour et de la date de leurs lettres et brevets.

Art. 4. Tout officier non-noble, d’un grade inférieur à celui de maréchal de camp, qui aura été créé chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, et qui se retirera après 30 ans de services non interrompus, dont il aura passé 20 ans avec la commission de capitaine, jouira, sa vie durant, de l’exemption de la taille.

Art. 5. L’officier dont le père aura été exempt de la taille, en exécution de l’article précédent, s’il veut jouir de la même exemption en quittant le service du Roi, sera obligé de remplir auparavant toutes les conditions prescrites par l’article 4.

Art. 6. Sa Majesté réduit les 20 années de commission de capitaine, ci-dessus exigées, à 18 ans, pour ceux qui auront eu la commission de lieutenant-colonel, à 16, pour ceux qui auront eu celle de colonel, et à 14 ans pour ceux qui auront eu le grade de brigadier.

Art. 7. Pour que les officiers non-nobles qui auront accompli leurs temps de service puissent justifier qu’ils ont acquis l’exemption de la taille, accordée par les articles 4 et 5, veut Sa Majesté que le secrétaire d’État chargé du département de la guerre, leur donne un certificat, portant qu’ils ont servi le temps prescrit par les articles 4 et 6, en tel corps et dans tel grade.

Art. 8. Les officiers devenus capitaines et chevaliers de l’ordre de Saint-Louis, que leurs blessures mettront hors d’état de continuer leurs services, demeureront dispensés de droit du temps qui en restera lors à courir ; veut en ce cas, Sa Majesté que le certificat mentionné en l’article précédent spécifie la qualité des blessures des dits officiers, les occasions de guerre dans lesquelles ils les ont reçues, et la nécessité dans laquelle ils se trouvent de se retirer.

Art. 9. Ceux qui mourront au service du Roi, après être parvenus au grade de capitaine, mais sans avoir rempli les autres conditions imposées par les articles 4 et 5, seront censés les avoir accomplies, et s’ils laissent des fils légitimes qui soient au service de Sa Majesté, ou qui s’y destinent, il leur sera donné par le secrétaire d’État, chargé du département de la guerre, un certificat, portant que leur père servait au jour de sa mort, dans tel corps et dans tel grade.

Art. 10. Tout officier né en légitime mariage, dont le père et l’aïeul auront acquis l’exemption de la taille, en exécution des articles ci-dessus, sera noble de droit, après toutefois qu’il aura été par Sa Majesté créé chevalier de l’ordre de Saint-Louis, qu’il l’aura servie le temps ci-dessus prescrit, ou qu’il aura profité de la dispense accordée par l’article 8. Veut Sa Majesté, pour le mettre en état de justifier de ses services personnels, qui lui soit délivré un certificat, tel qu’il est ordonné par les articles 7 et 8, selon qu’il se trouvera dans quelqu’un des cas prévus par articles, et qu’en conséquence il jouisse de tous les droits de la noblesse, du jour daté dans le dit certificat.

Art. 11. La noblesse acquise en vertu de l’article précédent, passera de droit aux enfants légitimes de ceux qui y seront parvenus, même à ceux qui seront nés avant que leurs pères soient devenus nobles ; et si l’officier qui remplit ce troisième degré meurt dans le cas prévu par l’article 9, il aura acquis la noblesse : veut Sa Majesté, pour en assurer la preuve, qu’il soit délivré à ses enfants légitimes un certificat, tel qu’il est mentionné audit article 9.

Art. 12. Dans tous les cas où les officiers de Sa Majesté seront obligés de faire les preuves de la noblesse acquise en vertu du présent édit, outre les actes de célébrations et contrats de mariage, extraits baptistaires et mortuaires, et autres titres nécessaires pour établir une filiation légitime, ils seront tenus de représenter les commissions des grades des officiers qui auront rempli les trois degrés ci-dessus établis, leurs provisions de chevaliers de l’ordre de Saint-Louis et les certificats à eux délivrés, en exécution des articles 7 et 8, 9, 10 et 11, selon que les dits officiers auront rempli l’exemption de la taille et la noblesse, ou selon qu’ils auront été dispensés des dites conditions, par blessures ou par mort, conformément aux dispositions du présent édit.

Art. 13. Les officiers non-nobles, actuellement au service de Sa Majesté, jouiront du bénéfice du présent édit, à mesure que le temps de leurs services prescrit par les articles 4, 6 et 8 sera accompli, quand même ce temps aurait commencé à courir avant la publication du dit édit.

Art. 14. N’entend néanmoins Sa Majesté par l’article précédent, accorder aux dits officiers d’autre avantage rétroactif que le droit de remplir le premier degré. Défend à ses cours et à toutes juridictions qui ont droit d’en connaître, de les admettre à la preuve des services de leurs pères et aïeux, retirés ou morts au service avant la publication du dit édit.

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HISTOIRE BRÈVE DE L’ORDRE DU SAINT SÉPULCRE DE JÉRUSALEM

L’histoire de l’ordre du Saint-Sépulcre que l’on a paré des fastes d’une haute antiquité est l’histoire complexe d’une institution en constante mutation depuis le XIIe siècle jusqu’en 1949. Les travaux sur l’ordre du Saint-Sépulcre sont à leur début. Peu d’historiens ont été tentés par une étude critique de ses origines et de son histoire antérieure à la réorganisation par Pie IX en 1847 et 1868. Parmi les pionniers, il faut citer Kaspar Elm et Jean-Pierre de Gennes.

1. Un ordre entouré de légendes.

1.1. Les fondateurs mythiques, Jacques le majeur, l’impératrice Hélène, Charlemagne.

L’homme du XVIe siècle a besoin d’enraciner son histoire dans une tradition séculaire. C’est ainsi que les historiographes et laudateurs de l’Ordre ont voulu, alors, lui trouver d’illustres fondateurs, pour prouver son antiquité d’un ordre qui le rattacherait plus directement à l’insigne relique qu’est le tombeau du Christ. Trois personnages incontournables sont nommés, l’apôtre Jacques, l’impératrice Hélène et l’empereur Charlemagne. Jacques le majeur, celui que les Évangiles appellent le frère du Seigneur, devient après la mort de Jésus, le responsable de la communauté chrétienne de Jérusalem dont il est considéré comme le premier  » évêque « . Rien de plus naturel à ce qu’on lui attribue la désignation d’une efficace garde d’honneur pour le tombeau ; c’est ainsi que les chanoinesses du Saint-Sépulcre le tiennent pour leur fondateur. L’impératrice Hélène, mère de Constantin, séjourne à Jérusalem en 326 avant de se retirer en Bithynie. La tradition l’associe à la construction de la grande basilique constantinienne et à la découverte de la vraie croix ; cet intérêt pour le Saint-Sépulcre la fait tout naturellement désigner comme fondatrice de l’ordre par les chevaliers du XVIe siècle. Elle est d’ailleurs fréquemment représentée en costume de chanoinesse du Saint-Sépulcre. L’ordre se place aussi sous l’ombre protectrice du grand empereur d’Occident, Charlemagne qui envoie deux brillantes ambassades auprès du calife de Bagdad aboutissant au protectorat franc sur la Terre sainte. Une chanson de geste, moins connue que celle de Roland, La geste du roi, narre ses aventures légendaires en Méditerranée et son pèlerinage à Jérusalem. Il ne faut qu’un pas pour le désigner également comme fondateur de l’Ordre.

1.2. Godefroy de Bouillon et les gardiens du sépulcre.

L’attribution de la fondation de l’Ordre à Godefroy de Bouillon est plus proche de la réalité. On sait que le duc, dès son installation dans Jérusalem délivrée, désire structurer la vie spirituelle organisée autour du sépulcre. Il en confie la garde et l’entretien à vingt clercs, formant un chapitre qu’il dote amplement et dont les membres vivent en communauté comme leurs confrères européens. Vers 1114, ils adoptent la règle dite de saint Augustin qui est une règle de vie commune assez simple que l’on retrouve un peu partout en Europe. Ce chapitre assure la vie du sanctuaire et la prière quotidienne pendant toute la durée du royaume franc. Entre 1187 et 1244, il se replie à Tyr puis à Acre avant de revenir à Jérusalem à la faveur du traité de Jaffa, jusqu’à la perte finale du royaume en 1291. On sait également qu’une fraternité d’hommes et de femmes que l’on pourrait comparer à un tiers ordre vit tout près du Sépulcre et assistent aux offices canoniaux. A ce groupe s’incorporent, de manière plus ou moins formelle, d’anciens croisés retirés là pour y mener une vie de prière. La plupart de ces chevaliers rejoignent après 1118, Hugues de Payns qui s’installe au Temple. Il y a donc autour du Saint-Sépulcre, une importante vie liturgique où se côtoient clercs et laïcs. Cependant les chanoines ne sont pas les chevaliers ; jamais ils n’ont troqué l’aumusse pour la cote de maille et l’épée comme on l’a trop souvent écrit. Lorsqu’il a fallu quitter Jérusalem, ils sont partis sans se battre.

1.3. Une réalité : la noblesse européenne se fait adouber auprès du Tombeau.

Les nobles croisés fixés dans le royaume latin de Jérusalem organisent un système féodal calqué sur ce qui existe en Europe et en France plus particulièrement, même type d’administration et mêmes règles de conduite. Il est certain que l’adoubement liturgique est pratiqué dans cette société comme elle l’est en Europe. Dès l’installation du royaume franc, il est très vraisemblable que de jeunes nobles soient armés chevalier dans l’église du Saint-Sépulcre, près du Tombeau. Cette pratique a sa part dans l’installation de la  » légende  » d’un corps armé gardien du Tombeau, alors que ce ne sont que des soldats nobles adoubés pour le service des rois de Jérusalem et la défense du royaume. La confusion que de nombreux historiens ont faite entre les différents groupes de familiers du Saint-Sépulcre vivant près des chanoines et les chevaliers adoubés sur le tombeau du Christ, leur a permis de désigner Godefroy de Bouillon comme fondateur d’un ordre de chevalerie en vue d’assurer la défense du Saint-Sépulcre qui d’ailleurs pendant cette période n’est plus directement menacé. La confusion a été entretenue par le souvenir des chevaliers adoubés auprès du sépulcre qui se groupent en France en confrérie.

2. Trace de la chevalerie du Saint-Sépulcre en Europe après la perte des Lieux saints.

2.1. La custodie de Terre sainte et le contexte dévotionnel.

Vers 1333, alors que le royaume latin a disparu depuis une quarantaine d’années, le Saint-Siège confie la Terre sainte et plus particulièrement le Tombeau aux frères de la corde ou franciscains en accord avec l’autorité musulmane. Le supérieur de la communauté prend le nom de Père Custode, c’est à dire gardien. Les frères mineurs encouragent le rite d’adoubement dans un lieu si auguste, pensant ainsi sauvegarder le contenu spirituel et intrinsèquement chrétien de la chevalerie. Pour bien réaliser l’importance de ce désir d’adoubement, il faut évoquer le contexte dévotionnel. La dévotion à la Passion de Jésus est depuis le IXe siècle au centre de la vie chrétienne. Le terrain où se développe la chevalerie du Saint-Sépulcre est préparé et entretenu par un fort courant dévotionnel multiple et convergent autour des lieux saints et de la Passion du Christ. Le moyen-âge aura  » la passion de la Passion du Sauveur « . Cette compassion profonde à la souffrance de Jésus est répandue par Bernard de Clairvaux puis par François d’Assise dont les élans d’amour se manifestent par la réception des stigmates.

Lorsque les occidentaux quittent la Palestine, sachant que le pèlerinage sera désormais difficile, l’idée germe de le substituer en créant les conditions d’un pèlerinage fictif. Les franciscains établis à travers l’Europe sont les principaux acteurs de cette nouvelle manière, toute mystique, de pèleriner. On propose un pèlerinage intérieur en s’aidant de divers éléments: les reliques de la Passion et les reconstitutions du Saint-Sépulcre. C’est également l’apparition de la méditation de la Via crucis, le chemin de la croix qui évoque la montée de Jésus vers le Calvaire. Méditation qui se concrétise par l’élévation de sacri monti en Piémont, de calvaires monumentaux en Provence et de Ölbergen en pays rhénans. Ce terrain dévotionnel, entretenu à partir du XIVe siècle par les franciscains, est particulièrement fécondé par les descendants de ceux qui naguère ont séjourné et combattu pour la sauvegarde des lieux saints. Dans leur cœur, reste ancrée une fidélité à la terre foulée par le Christ, fidélité qu’ils transmettent à leurs enfants et à leurs proches.

2.3. L’Ordre canonial.

Les chanoines du Saint-Sépulcre se retirent de Terre sainte, avec les troupes ou ce qu’il en reste. Après la prise de Saint-Jean d’Acre par les mamelouks du sultan Al-Malik-al-Ashraf Khalil, en 1291, ils prennent pied en Ombrie, pays de saint François et s’installent dans une de leur propriété, le couvent Saint-Luc de Pérouse. Le supérieur de cette communauté se désigne comme Prieur de l’Ordre du Saint-Sépulcre. Cet ordre canonial essaime ensuite dans toute l’Europe, jusqu’aux confins des chrétientés latines de Slavonie, de Pologne et de Bohème. En 1489, Innocent VIII décide la suppression de l’ordre canonial et l’incorporation de ses biens à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, voulant ainsi unir toutes les forces vives contre l’Islam dans le projet de croisade qu’il tenait à cœur depuis le début de son pontificat. La décision du pape Cibo est confirmée par Jules II en 1505 et Pie IV en 1560. C’est ainsi que le grand-maître de l’Ordre de Saint-Jean ajoute à ses titres celui du Saint-Sépulcre. Cependant la décision papale est une demi-mesure car l’indépendance acquise par les prieurés espagnols, siciliens et allemands les met à l’abri et évite leur disparition. En outre, le décret papal ne vise que l’ordre canonial, désigné comme militia et non les chevaliers adoubés auprès du Sépulcre qui ne sont pas encore regroupés officiellement sous l’appellation d’Ordre du Saint-Sépulcre.

2.3. Le pèlerinage continue, les adoubements aussi.

 » Bons chevaliers se font au Saint-Sépulcre de Notre Seigneur, par amour et honneur de Lui « , écrit le chroniqueur Antoine de Sales (1390-1464). Force est de constater que jusqu’à la fin du XVe siècle, un nombre relativement important de pèlerins européens visitent les lieux saints et bon nombre de jeunes nobles se font adouber auprès du Tombeau. Le désir du voyage vers Jérusalem, pèlerinage par excellence, est entretenu en Europe par l’exaltation de l’idéal chevaleresque et le contexte dévotionnel décrit plus haut. Le souvenir des croisades est perpétué par les chroniques. Richard-cœur-de-lion et saint Louis de France sont autant de modèles que l’on donne en exemple à la jeunesse. Le rituel d’adoubement est bien établi. La chevalerie longtemps conférée par des chevaliers de passage ou amenés dans la suite des impétrants, trouve son expression en la personne d’un noble croisé retiré à Jérusalem, Jean de Prusse, frère-lai et procurateur des frères mineurs.

2.4. La confrérie royale française.

De retour en Europe, les pèlerins de Terre sainte se groupent en confrérie afin de rester en lien spirituel avec la Palestine. Parmi les plus anciennes, il faut noter celle de Saragosse. Par ailleurs, une tradition sans fondement, attribue à saint Louis l’établissement en 1254, de la confrérie royale du Saint-Sépulcre pour les chevaliers français et son installation à la Sainte-Chapelle. En fait, la confrérie est établie en 1325 par Louis de Bourbon, petit-fils de saint Louis dans une église élevée dans la rue Saint-Denis, connue depuis sous le vocable d’église du Saint-Sépulcre. La première pierre est posée par l’archevêque d’Auch, Guillaume en présence de la veuve du Hutin, Clémence de Hongrie. Les statuts sont établis en 1329 avec l’approbation du roi Philippe VI. Le prince de Bourbon, armé chevalier à Jérusalem y adjoint un hôpital pour les pèlerins. L’institution hospitalière décline dès le XVe siècle et la confrérie de la rue Saint-Denis se transporte sur la rive droite de la Seine, auprès de l’église conventuelle des Cordeliers où elle est officiellement reçue en 1555. La confrérie rassemble indifféremment les chevaliers adoubés au Saint-Sépulcre et les pèlerins revenant de Terre sainte.

3. Alexandre VI crée l’ordre  » moderne « .

3.1. l’Ordre du Saint-Sépulcre est désigné comme tel.

Jean de Prusse meurt, en 1498 ou 1499, ne laissant personne pour lui succéder dans sa fonction de collateur. Pour pallier cette absence et satisfaire les nobles pèlerins, le père custode obtient du Saint-Siège, vraisemblablement d’Alexandre VI Borgia (1492-1503), les pouvoirs de conférer la chevalerie sur le Tombeau du Christ. La décision d’Alexandre VI est verbale ; elle est par la suite confirmée par plusieurs papes au cours du XVIe siècle, verbalement par Léon X en 1516 et Clément VII en 1525, puis par bulle de Pie IV en 1561. Léon X donne au custode la permission de créer ou d’ordonner des chevaliers du Saint-Sépulcre. L’ordre est donc né officiellement en 1561.

C’est en ce début du XVIe siècle que sont forgées de toute pièce, la Charte de l’institution de la chevalerie du Saint-Sépulcre de Jérusalem, daté du 1er janvier 1099 et la Charte de Baudouin, donnant à l’Ordre ses lettres de noblesse et une antiquité nécessaire à sa notoriété. La charte est déposée officiellement au Saint-Sépulcre, par l’ambassadeur du roi de France, Gabriel d’Aramon de Valabrègue, tandis qu’une copie authentique, conservée aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de France, est remise au trésor de l’église du Saint-Sépulcre de Paris.

3.2. Les admissions, les lettres.

Dès le début du XVIe siècle, les conditions d’admission sont clairement établies selon trois critères, la religion, l’état des personnes et la situation sociale. Les franciscains s’enquièrent de la  » pureté de la foi  » des candidats. Le caractère même de l’Ordre fait qu’il est sollicité par des chrétiens attachés à la Terre sainte. L’appartenance à la religion réformée pose quelques cas de conscience : malgré le désir d’être adoubé peut-on appartenir à un ordre inféodé au pape, peut-on appartenir à un ordre sans assister à la messe catholique? Certains réformés renoncent à l’adoubement, d’autres tel Jean Wormser, sont dispensés d’assister à la liturgie eucharistique. L’appartenance au rite latin n’est pas strictement requise. L’ordre n’est pas réservé aux laïcs, bien qu’ils soient les plus nombreux. Dès le début du XVIe siècle, des ecclésiastiques obtiennent la chevalerie, tel Jean van Scorel, chanoine d’Utrecht, nommé en 1521. Après lui, de nombreux hommes d’Église, pour la plupart des membres du haut clergé, sont reçus dans l’Ordre. La situation sociale a également de l’importance; la chevalerie, sauf quelques cas exceptionnels, est réservée à la noblesse. Les preuves sont demandées dès le XIVe siècle. Les papes ont toujours eu le souci de ne pas dévaloriser l’état de chevalier en abaissant le niveau de recrutement. Urbain VIII le rappelle en 1642. Cependant, au cours du XVIIIe siècle, devant le manque d’intérêt des aristocrates pour un tel engagement, l’accès est ouvert aux roturiers de qualité, la qualité de cœur et les vertus chrétiennes pouvant suppléer au défaut de la noblesse de naissance. Le texte de Benoît XIV ne fait pas mention de la qualité de gentilhomme pour recevoir la chevalerie du Saint-Sépulcre; le candidat est d’ailleurs cru sur l’honneur, aucune preuve ne lui est demandée.

3.3. Les insignes.

A son retour en Europe, le chevalier jouit de plusieurs privilèges consignés par le Custode Boniface de Raguse, en 1553, mais certainement antérieurs. En particulier, il a le droit de porter des habits de soie et de velours, alors très strictement réglementés. Il passe au cou une chaîne ou un ruban noir soutenant la croix potencée cantonnée de quatre croisettes. Le choix de la croix potencée est en lien avec la croix héraldique des rois de Jérusalem. On connaît des exemplaires de cette croix depuis le début du XVIe siècle, en particulier celle qui sert à l’adoubement à Jérusalem, conservée chez les franciscains de la Custodie, et celles conservées dans la collection Neuville. Il faut noter que la croix n’est pas celle que les chanoines portent cousue sur leur habit, qui est une croix à double traverse, aujourd’hui appelée croix de Lorraine. Cette différence d’insigne marque bien la différenciation dès l’origine, des chanoines et des chevaliers.

Le blanc manteau apparaît tardivement; On connaît quelques portraits du XVIe siècle représentant des chevaliers ainsi vêtus, notamment le double portrait d’Antonio Moro conservé au Musée des Beaux-Arts de Berlin. Giovanni Paoli Pesenti dit avoir reçu en 1613, l’habit blanc avec les cinq croix rouges. Le seul manteau blanc timbré de la croix rouge connu est celui du chevalier Jacob Trapp, daté de vers 1561 et conservé au château de Churburg, en Autriche. La couleur blanche du manteau porté par quelques chevaliers du XVIe siècle est à mettre en rapport avec la couleur du linceul.

3.4. Essais de grande-maîtrise, Philippe II et Nevers.

L’ordre dans son désir de structure et de recherche de notoriété, connaît deux essais de grande-maîtrise. Sous l’instigation d’un chevalier flamand, Pierre de Carate, Jules III (1550-1555) approuve, par bulle, la création d’une confrérie espagnole. En mars 1558, plusieurs chevaliers flamands réunis en chapitre décident la transformation de la confrérie en un ordre de chevalerie et demandent au roi d’Espagne, Philippe II d’en assumer la grande maîtrise. Le roi d’Espagne, n’abandonnant pas le projet d’une éventuelle croisade, accepte cet honneur sous réserve de l’approbation du souverain pontife. Paul IV meurt en 1559 avant de donner son accord. Son successeur Pie IV est peu empressé à le satisfaire d’autant que les chevaliers de Saint-Jean y voient une démarche concurrente. Finalement, la transformation escomptée ne se fait pas. Vers 1615, le duc de Nevers, Charles de Gonzague, devenu français par son mariage avec Henriette de Clèves, est sollicité par quatre chevaliers français pour devenir grand-maître de l’Ordre. Étant ambassadeur du roi de France à Rome, il demande à Paul V (1605-1621) une bulle de reconnaissance. Ce prince, qui n’est pas chevalier du Saint-Sépulcre accepte bien rapidement un tel honneur sans que l’on en connaisse la raison mais le Saint-Siège ne répond pas davantage à sa requête d’autant que le jeune Louis XIII, pressé par l’Ordre de Malte, ne soutient pas ce projet.

3.5. Grandeurs et servitudes.

Au début du XVIIe siècle, il faut bien constater une désaffection de la noblesse pour les grands projets pontificaux concernant la Croisade. Le développement du pèlerinage virtuel rend moins indispensable le voyage qui reste dangereux et coûteux. Pour palier cet inconvénient, on institue la chevalerie par procuration dont un cas est avéré dès 1621. Sous Louis XIII, la politique royale en Orient redonne à l’ordre un regain de notoriété. Le traité d’amitié signé au nom du roi par Jean de la Foret avec Soliman ouvre de nouveau la route de Jérusalem, route spirituelle mais aussi route commerciale. Par la suite, les Capitulations accordées par les sultans permettent la libre circulation vers la Terre sainte et le séjour de religieux français auprès des sanctuaires vénérés de Jérusalem et de Bethléem. Le père custode continue de recevoir dans l’Ordre les pèlerins nobles ou de qualité qui en font la demande. Quant à la confrérie parisienne, elle jouit de la protection des rois de France. Louis XIV, par acte formel du 16 mai 1700, veille à sa bonne renommée et au recrutement de ses membres ; en 1700, elle devient archiconfrérie. Louis XV renouvelle la protection royale en 1721 et Benoît XIII approuve les 31 articles de ses statuts renouvelés,  » remarquable règlement si complet, si prévoyant, si sage qui fait autant honneur à ceux qui l’ont conçu qu’à la confrérie qui eut la prudence de se l’imposer « . On compte deux catégories de confrères, d’une part, ceux qui ont fait le pèlerinage en Terre sainte, nommés palmiers à cause de la palme qu’ils rapportent de Jérusalem, parmi lesquels se distinguent les chevaliers qui ont été adoubés sur le Saint-Sépulcre et, d’autre part, les confrères de dévotion, qui n’ont pu faire le voyage en Terre sainte mais ne sont pas moins des dévots du tombeau du Christ.

3.6. L’Ordre royal.

En 1769, l’archiconfrérie française se transforme en  » Ordre royal et archiconfrérie des Chevaliers, Palmiers, Voyageurs et confrères de dévotion du Saint-Sépulcre de Jérusalem « , sans que l’on sache qui sont les initiateurs de cette mutation. L’Abrégé des règlements, publié en 1771, met l’accent sur le caractère français de l’ordre, tout comme son fondateur supposé Godefroy de Bouillon. Louis XVI n’entérine pas formellement cette transformation mais ne l’interdit pas non plus. En 1776, le dit ordre royal publie ses statuts précédés des deux pseudo-lettres de fondation et d’une liste de chevaliers et suivi d’une importante bibliographie de 122 numéros. En frontispice de l’ouvrage sont gravées deux croix, la croix de l’ordre hospitalier et militaire du Saint-Sépulcre de Jérusalem, et la croix des confrères de dévotion du Saint-Sépulcre de Jérusalem à Paris, illustrant bien les deux catégories de membres. Cette publication entretient volontairement une confusion entre l’archiconfrérie, les chanoines et l’ordre royal en publiant également aux premières pages les ordonnances de fondation et de restauration de l’Ordre hospitalier et militaire du Saint-Sépulcre par Louis VII, vers l’année 1149. Cette mutation est bien symptomatique de la fin du règne de Louis XV et des débuts de celui de Louis XVI. Elle participe d’une double tentation, celle de l’émancipation de la custodie de Terre sainte, si lointaine, et du Saint-Siège, dans un contexte de fort gallicanisme, et celle d’une assimilation à un ordre royal, à une époque marquée par un goût accru pour les croix d’honneur ; ce dont atteste de façon significative la forme même de l’insigne. L’archiconfrérie se maintient jusqu’au 1er août 1791; elle est juridiquement dissoute par le décret du 18 août 1792 qui abolit les ordres religieux.

Les anciens confrères du Saint-Sépulcre ayant survécu à la Révolution n’obtiennent rien de l’administration napoléonienne. Dès le retour des Bourbons, en 1814, deux hommes essaient de redonner vie à l’ancienne fondation, le comte Allemand, grand officier de la Légion d’Honneur et l’abbé Lacombe de Crouzet, ancien supérieur du couvent des Cordeliers. Louis XVIII approuve le nouveau modèle de décoration et le comte d’Artois, futur Charles X, accepte la grande maîtrise de l’ancienne archiconfrérie qui tente de se transformer, comme en 1769, en un ordre de chevalerie que l’on obtiendra non plus en Terre sainte mais à Paris. Une supplique est adressée à Louis XVIII pour fixer le siège à la Sainte-Chapelle ; le roi nomme l’abbé de la Bouillerie commissaire de l’ordre-archiconfrérie. A la suite de dissension entre le comte Allemand et l’abbé Lacombe, une section dissidente se forme, fidèle à Allemand et à son successeur le baron Lainé reçu lui-même chevalier par le Custode en avril 1821. Le siège de cette archiconfrérie se fixe à Saint-Leu-Saint-Gilles.
La création de cet ordre royal du Saint-Sépulcre et, sans doute, le nombre croissant des chevaliers reçus à Paris, plus de 300 de 1814 à 1822, émeuvent le custode de Terre sainte et les chevaliers ayant fait le pèlerinage à Jérusalem. Le 18 mars 1822, le custode Jean-Antoine de Rovigliano proteste et affirme être le seul habilité à conférer l’Ordre du Saint-Sépulcre; Il est appuyé par l’abbé Desmazure, chevalier et aumônier honoraire de l’Ambassade de France à Constantinople et par François-René de Chateaubriand, reçu chevalier à Jérusalem le 10 octobre 1806 et, alors, ministre de Louis XVIII. Les démarches aboutissent à l’interdiction de porter l’insigne de l’ordre royal, par ordonnance royale du 16 avril 1823. On comprend mal ce revirement de la position royale d’autant que Lainé a été reçu chevalier non à Paris, mais par le custode de Terre-Sainte. L’archiconfrérie disparaît en 1827. Les autres ordres royaux hérités de l’ancien régime ne survivent pas à la chute de Charles X.

4. La renaissance de l’Ordre au XIXe siècle.

4. 1. Dans les premières décennies du siècle, l’Europe se tourne de nouveau vers l’Orient. La période romantique pose un regard nouveau sur le moyen-âge. Ce n’est plus la période gothique et barbare méprisée par les hommes des Lumières mais une époque de grandeur, solidement ancrée dans la Foi. La jeunesse européenne dont l’esprit chevaleresque est exalté par les romans de Walter Scott vibre pour l’Orient chrétien, mystérieux et soufrant, écrasé sous le joug ottoman. Chateaubriand narre avec enthousiasme le pèlerinage qu’il effectue en 1806 et donne une description poignante de la réalité sordide de la vie des chrétiens vivants en Terre sainte sous le Turc. Dans l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, publié en 1811, il décrit son adoubement et l’émotion qui l’étreint lorsqu’il chausse les éperons qu’il croit être ceux de Godefroy de Bouillon et qu’il sent la lame froide de son épée toucher sa nuque. Il se sent français mais surtout, il se veut chrétien. Ses lecteurs seront à leur tour émus, c’est le début de l’ère romantique. Après lui, Lamartine chante dans le Voyage en Orient, la splendeur des paysages bibliques, avec la mélancolie que lui inspire la mort de sa fille Julia. Les peintres ont également une part dans le regain d’intérêt pour cette partie du monde. David Roberts, Luigi Mayer et William Henry Bartlett font revivre sous leurs pinceaux et par les lithographies qu’ils éditent, les lieux et surtout les habitants saisis dans leur sérénité et leur misère.

4. 2. Pie IX dès le début de son pontificat a un grand souci de la Palestine, d’autant que l’empire ottoman commence à vaciller. Alors qu’un évêque anglican est installé à Jérusalem depuis 1842, le pape se rend compte qu’il faut unifier les forces missionnaires au Proche-Orient, jusqu’alors divisées entre diverses congrégations. Le 23 juillet 1847, par le bref Nulla Celebrior, Pie IX rétablit le Patriarcat latin de Jérusalem et nomme patriarche Mgr Giuseppe Valerga (1848-1872). Cette restauration, quelques fois mal comprise, est une prise en compte par l’autorité romaine de l’existence des catholiques de Palestine et le désir d’assurer leur survie. A la lumière de ce qui s’est passé depuis, on prend la mesure de la vision prophétique du bienheureux Pie IX.

Le 10 décembre 1847, une instruction de la sacrée Congrégation de la Propagande précise que la nomination des chevaliers du Saint-Sépulcre concerne désormais le patriarche de Jérusalem. Mgr Valerga avant de prendre possession de son diocèse, commence, selon les instructions papales, par se faire adouber chevalier du Saint-Sépulcre par le Père gardien, Bernardin de Montefranco, jusqu’alors seul représentant du pape en Terre sainte. La cérémonie a lieu le 15 janvier 1848 dans l’église du Saint-Sépulcre. Immédiatement après, le custode lui remet ses pouvoirs. Ce moment historique met fin à une période de plus de cinq siècles, pendant laquelle la Custodie franciscaine a exercé en fait et en droit les pouvoirs du patriarcat. Dès qu’il prend l’ordre en mains, Mgr Valerga songe à le réorganiser sur deux points ; tout d’abord, il demande la division des chevaliers en grades et classes, avec des attributs propres non seulement pour se présenter comme les autres ordres, mais aussi pour pouvoir récompenser ceux qui se seraient signalés par des mérites particuliers. Après des années d’insistance, Pie IX, par la lettre apostolique Cum multa sapienter du 24 janvier 1868, lui donne satisfaction et institue les trois classes demandées, chevaliers, commandeurs et grand-croix. Ensuite le patriarche cherche à obtenir la reconnaissance juridique de l’ordre. A cet effet, il entreprend au cours de l’année 1867 une tournée des principales cours catholiques d’Europe. L’Ordre est ainsi reconnu dès sa refonte par le royaume de Piémont, bientôt d’Italie, l’Autriche et la Belgique. Enfin, il cherche à augmenter le nombres des chevaliers en remplaçant la clause de noblesse requise jusqu’alors par la notion d’appartenance à une élite. Ainsi en moins de 25 ans, Mgr Valerga crée 1417 chevaliers qui sont censés vivre more nobilium. A sa mort, Mgr Vicenzo Bracco, également originaire du diocèse d’Albenga en Ligurie, lui succède. Établi en Terre sainte depuis 1860, il est nommé en 1865 évêque auxiliaire du patriarche qui le sacre dans la basilique du Saint-Sépulcre. Sous son administration, l’Ordre s’accroît de 1116 chevaliers et de 100 dames. A sa mort, il est représenté dans neuf pays : Allemagne, Autriche, Brésil, Canada, Espagne, France, Italie, Uruguay et Venezuela. Le troisième patriarche Luigi Piavi, (1889-1905) crée 1053 chevaliers et 166 dames. A sa mort, trois nouveaux pays sont représentés au sein de l’Ordre, le Portugal, Malte et le Royaume-Uni.

4.3. La question de l’admission des femmes au sein de l’Ordre se pose très rapidement avec la demande de lady Mary Frances Lomax qui exprime avec beaucoup d’insistance le désir d’en devenir dame, ce qui est une très grande nouveauté, presque révolutionnaire, dans la société du XIXe siècle, les états n’admettant des femmes dans les ordres de chevalerie ou de mérite qu’à titre exceptionnel. Un cartulaire du Saint-Sépulcre, publié à Paris en 1849, cite déjà des noms de dames. Se fondant sur ces données, le patriarche obtient de Pie IX en 1871, l’autorisation d’accepter la noble dame anglaise dans l’Ordre. Fort de ce précédent, le deuxième patriarche, Mgr Bracco, en accepte une centaine entre 1873 et 1889. Désirant toutefois une confirmation écrite pour une telle faculté, il soumit la question à Léon XIII qui par le bref Venerabilis frater du 3 août 1888 approuve la réception des dames dans l’Ordre.

5. L’ordre pontifical au XXe siècle.

5.1. La mort du patriarche Piavi, en janvier 1905 est suivie d’une longue vacance, le nouveau patriarche Filippo Camassei n’étant nommé qu’en décembre 1906. Pour consolider la position de l’Ordre en Terre sainte, Pie X se réserve pour lui et ses successeurs la charge de grand-maître par la lettre apostolique Quam multa et accorde aux chevaliers une place dans les chapelles papales (13 octobre 1908) tandis que le patriarche est désigné comme Recteur et administrateur perpétuel de l’Ordre. Le premier conflit mondial limite très sévèrement l’expansion de l’Ordre, d’autant que le patriarche est retenu par les Turcs, en résidence surveillée à Nazareth, en 1917. Après la guerre, le nouveau patriarche Luigi Barlassina (1920-1947) réorganise son diocèse et l’Ordre. En de nombreux voyages, il confirme ou rétablit les anciennes lieutenances et en fonde de nouvelles aux États-Unis, à Cuba, en Tchécoslovaquie et en Hongrie. Encouragé par Benoît XV, il fonde l’œuvre de la préservation de la Foi en Palestine. Pie XI restitue au patriarche ses prérogatives par la lettre apostolique du 6 janvier 1928 et confie à l’Ordre l’œuvre de la préservation de la Foi en Palestine. A la suite de la controverse protocolaire surgie entre l’Ordre de Malte et celui du Saint-Sépulcre, l’Ordre est désigné comme Ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem tandis que la dignité de grand-maître, restaurée par Pie X, se trouve abolie et que les baillis représentants le patriarche sont désormais appelés Lieutenants avec le prédicat d’Excellence. Un décret de la Congrégation du Cérémonial du 5 août 1931 approuve les nouveaux statuts présentés par le patriarche.

5.2. En juillet 1940, Pie XII institue un protecteur de l’Ordre en la personne du cardinal Canali, dont le rôle se développe d’autant plus que le second conflit mondial paralyse l’action du patriarche. La grande maîtrise est restaurée le 14 septembre 1949 par le bref Quam Romani Pontifices au profit du même cardinal. De nouveaux statuts sont rédigés et promulgués, aux termes desquels l’Ordre, placé sous la protection du Saint-Siège, jouit de la personnalité juridique et est dévolu à un cardinal grand-maître nommé par le souverain pontife. La visibilité de l’Ordre à Rome se manifeste par l’établissement de son siège ecclésial en l’église de San Onofrio concédée par motu proprio le 15 août 1945 et par l’affectation du palais della Rovere, situé près du Vatican, qui devient le siège du grand magistère, définitivement établi à Rome ; Jérusalem demeurant le siège historique. L’Ordre est considéré par le droit canonique comme une Association de Laïcs dans l’Église.

Le cardinal grand-maître est aidé par quinze dignitaires formant le grand magistère et se réunissant périodiquement. Dans chaque pays où l’ordre est représenté, existent une ou plusieurs lieutenances, dirigées par un lieutenant. L’ordre compte actuellement (2003) 32 lieutenances qui regroupent plus de 20 000 membres. Une assemblée extraordinaire, la Consulta, à laquelle participent les membres du Grand magistère et les lieutenants, se réunit en principe tous les quatre ans. C’est l’occasion pour le grand maître de donner des directives aux lieutenants et d’assurer ainsi la cohésion de l’action de l’Ordre.

La lieutenance de France compte plus de 600 membres, ecclésiastiques et laïcs des deux sexes groupés en commanderies et en région. L’église capitulaire est demeurée celle de Saint-Leu-Saint-Gilles, cependant les cérémonies d’adoubement et de réception ont lieu à Saint-Louis des Invalides, à Paris ou dans une grande ville de France. En 1930, une Compagnie d’écuyers du Saint-Sépulcre est fondée à Paris par le baron de Lormais, avec l’approbation du patriarche Barlassina, dans le but de donner à la jeunesse un idéal chevaleresque et missionnaire. Cette compagnie, pépinière de chevaliers n’a pas survécu aux turbulences de la guerre. Toutefois, cette expérience se renouvelle à Paris ad experimentum depuis 1999.

6. L’adoubement, engagement du chevalier

6.1. L’adoubement médiéval.
Le signe de l’adoubement est très fort au Moyen-âge. La chevalerie n’est pas héréditaire comme la noblesse, elle doit se mériter. Elle est reçue par choix personnel comme un honneur et un engagement. Le vocable adoubement est significatif. Si l’on a longtemps pensé comme Du Cange que le mot avait été formé à partir du verbe latin adoptare, qui signifie adopter par parrainage, les médiévistes penchent aujourd’hui plutôt pour une origine germanique du verbe dubban qui signifie frapper.

La chevalerie est reçue au cours d’une cérémonie par la réception des armes, l’épée et les éperons. Cette tradition de l’épée est hautement symbolique. Le jeune noble, comme auparavant le fils du roi, reçoit par-là une parcelle du pouvoir. L’épée est remise au nouveau chevalier qui la ceint autour des reins. Au Xe siècle, s’effectue la bénédiction de l’épée. Au XIe siècle, un rituel liturgique se met en place doublant le rituel militaire. L’Église, utilisant la symbolique pour asseoir sa pastorale, voit dans la christianisation de cette pratique, une manière d’orienter la mission du chevalier selon la loi chrétienne et de l’engager dans la défense de l’Église et des plus démunis. A la fin du XIIIe siècle, l’évêque de Mende Guillaume Durand fixe par écrit les diverses cérémonies conduites par l’évêque. Il note dans son livre appelé pontifical, les textes canoniques pour la réception d’un chevalier. Dès le XIVe siècle, la Curie romaine utilise ces textes.

6. 2. Se faire adouber sur le Tombeau du Christ.
Cette pratique singulière dans la chevalerie relève d’un très fort désir de servir Dieu. La chevalerie du Saint-Sépulcre dans l’esprit de ceux qui en font la demande, est supérieure à tout autre. Aux XIIe et XIIIe siècles, la chevalerie est conférée par n’importe quel chevalier présent. Puis, les nobles qui font le pèlerinage dans le but de recevoir cette chevalerie prennent le soin de se faire accompagner par un chevalier. On connaît ainsi des exemples de chevaliers de Saint-Jean requis à Rhodes pour cette fonction. Dans les vingt dernières années du XVe siècle, la collation de la chevalerie du Saint-Sépulcre est assurée par Jean de Prusse. A sa mort, vers 1498, l’ordre est conféré par le custode de Terre sainte, gardien du Saint-Sépulcre. Les premières lettres de chevaliers connues, délivrées par le gardien datent de 1505. Le registre matricule qui, à Jérusalem, conserve les noms des chevaliers débute en 1561, avec quelques lacunes dans les premières années.

Au XVe siècle, le rituel d’adoubement s’affine et les rubriques du cérémonial se développent. L’adoubement se déroule lors de la dernière nuit passée dans la basilique ; c’est l’acte qui parachève le pèlerinage et lui donne toute sa force. Les candidats se préparent en se confessant et en écoutant la messe au cours de laquelle ils communient. La cérémonie débute après minuit, à l’issue du chant des matines. Elle se déroule en deux temps, d’abord dans la chapelle de l’ange, puis dans la chambre sépulcrale. Trois personnes sont présentes dans ce lieu exigu, le futur chevalier, le père gardien et un frère franciscain qui peut servir d’interprète. La cérémonie garde une intimité recueillie d’autant qu’en théorie, elle reste interdite par l’autorité ottomane.

6.3. Le cérémonial médiéval traverse les siècles sans changement. A chaque adoubement le père gardien rappelle la grandeur de la chevalerie reçue auprès du Tombeau. Jean Zuallart, adoubé en 1585, rapporte l’homélie du vénérable franciscain et sa définition de la chevalerie.  » L’ordre est le même que celui autrefois conféré aux Templiers, mais ils ne procurent pas comme à eux les richesses temporelles; les nobles le méritent par le fait de leur pèlerinage, les roturiers sont devenus capables d’être anoblis grâce aux périls affrontés, aux dépenses et à la fatigue d’un tel pèlerinage « . Cette chevalerie est distincte de la chevalerie temporelle, elle conduit le chevalier  » à vivre plus spirituellement que temporellement « , elle est conférée en vertu du pouvoir spirituel du pape. La chevalerie du Saint-Sépulcre au contraire de la chevalerie temporelle se confère dans le secret, la simplicité et l’humilité et non pas en présence des grands et au milieu des fêtes. Le père gardien conclut en exhortant les nouveaux chevaliers à  » rejeter les œuvres des ténèbres, à endosser les armes de lumière et le spectre de justice, le bouclier de la foi, le heaume du salut et le glaive de l’Esprit « . Pie IX maintient le rituel d’adoubement lors de la restauration de l’Ordre, en 1848. Depuis le début du XIXe siècle, la cérémonie a lieu non plus dans la chambre sépulcrale, réservé à l’Église grecque, mais dans la chapelle de la Vierge, dite de l’Apparition, dont les franciscains ont gardé l’usage. Le père custode, officie pontificalement comme son statut lui en donne le droit, avec la mitre et la crosse. Un diacre porte la vénérable épée si chère à Chateaubriand, les éperons d’or, la croix suspendue à une chaîne d’or et les dépose sur l’autel du Saint-Sépulcre. Après 1848, c’est le patriarche qui officie.

6.4. L’Ordre du Saint-Sépulcre est le seul ordre à pratiquer l’adoubement liturgique. Le caractère unique de ce cérémonial confère à chaque objet utilisé, l’épée, la croix, le manteau, une signification spirituelle et symbolique incomparable.

L’épée est indissociable de l’idéal chevaleresque. A l’aube de la chevalerie, c’est l’épée remise par le père ou le chef au jeune guerrier qui marque son élévation au rang d’homme digne de se battre. L’Église n’a pas voulu effacer ce symbole puissant, patiemment elle l’a intégré au rituel, donnant à l’épée une force mystique et la transformant en glaive de justice.

La croix rouge potencée cantonnée de quatre croisettes est définitivement établie comme l’insigne de l’Ordre au XVIe siècle. Son symbolisme est expressif. La croix même est l’instrument du supplice par lequel le salut est rendu possible. La couleur rouge, couleur des martyrs évoque le sang ; le nombre cinq, les plaies du Christ. La croix portée sur le côté gauche exprime en un raccourci magistral la passion du Sauveur et la préoccupation première des chevaliers.

Le manteau de laine blanche marqué de la croix rouge sur le côté gauche est connu et porté depuis le XVIe siècle. Il couvre entièrement le corps. Facultatif jusque là, il fait partie du costume depuis 1907 et se porte sur l’uniforme qu’il complète et masque à la fois. Ce manteau est un signe d’appartenance mais, par symbolique, il dépasse ce simple signe. Comme la croix, il est béni la veille de l’adoubement ; ce n’est plus une étoffe taillée préservant du froid ou marquant l’appartenance à un groupe mais un vêtement quasi liturgique. Ce symbolisme liturgique trouve son fondement dans l’ancien Testament où l’importance du manteau est plusieurs fois soulignée. Lorsque Élie est élevé aux cieux sur le char de feu, il laisse son manteau à Élisée, lui conférant ainsi ses pouvoirs de thaumaturge. Par ce geste, Élie prend possession d’Élisée et l’investit de sa puissance. De même Isaïe proclame  » Yahvé m’a revêtu d’une robe et d’un manteau qui est sa justice tout comme la fiancée met ses bijoux  » (61, 10), tandis que Ruth (3,9) annonce  » étend sur ta servante le pan de ton manteau, tu as sur moi droit de rachat  » et qu’Ézéchiel (16,8) reprend  » j’étendis sur toi le pan de mon manteau, je m’engage par serment et je fais pacte avec toi « . En revêtant son manteau, le chevalier du Saint-Sépulcre affirme son appartenance à Dieu et son engagement à servir son Église et ses ministres.

On a comparé l’adoubement liturgique à la réception d’un sacrement, ce qui est erroné. On peut en revanche parler de sacramental, puisque les armes sont bénies. L’adoubement liturgique concrétise le nouvel état du chevalier dans l’échelle sociale. Il reçoit un sacramental qui lui confère un statut juridique et règle ses droits et ses devoirs de façon spécifique.

7. Aujourd’hui, l’Ordre au service des chrétientés de Terre sainte.

La mission de l’Ordre est définie par le souverain pontife. Ses membres s’engagent à soutenir matériellement et spirituellement les chrétiens de Terre sainte et les œuvres du patriarcat latin de Jérusalem. Il convient de ne pas oublier la présence en Palestine d’importantes communautés chrétiennes depuis les premiers temps du christianisme et sans discontinuer jusqu’à nos jours. Aujourd’hui, les populations catholiques arabophones se trouvent souvent en état de discrimination. L’accès aux études universitaires ne leur est pas facilité. De ce fait, on assiste à un véritable exode de nombreux membres de ces communautés qui se trouvent ainsi affaiblies et incapables de se suffire à elles-mêmes. Aussi appartient-il à l’ordre de leur apporter sa contribution et son appui pour que, comme le précise le pape Paul VI,  » la présence des disciples du Christ soit mieux affirmée autour des sanctuaires « . C’est dans cet esprit que les membres de l’Ordre visitent les communautés chrétiennes en Terre sainte, participent aux cérémonies religieuses et prient avec leurs membres afin de leur apporter un soutien moral qui les aide à se maintenir dans leur foi. L’Ordre soutient également la formation d’un clergé local par l’adoption de séminaristes.

La coexistence en Palestine des représentants des trois religions monothéistes, à côté des luttes et des déchirements qu’elle engendre, suscite ainsi des rapprochements généreux qui pourraient être le point de départ d’une espérance de concorde et de paix symbolisée selon l’heureuse expression du R. P. Riquet par  » cette fraternité d’Abraham où se retrouvent juifs, chrétiens et musulmans résolus à se comprendre et à s’entraider « . Les derniers statuts approuvés par Paul VI, le 8 juillet 1977, confirment cette mission.

Jean-Paul II, confirmant la pensée de Paul VI, dit aux membres du grand magistère, le 15 mai 1986 :  » Continuez à vénérer la terre sanctifiée par les patriarches, les prophètes, par les pas du Fils de Dieu qui s’est fait Fils de l’Homme, par les apôtres, en vous montrant toujours fidèles à l’esprit de vos statuts. Ils vous incitent à prendre soin de la conservation et de la propagation de la foi en Terre sainte et à promouvoir les institutions cultuelles, caritatives, culturelles et sociales ainsi qu’à soutenir les droits de l’Église en Palestine. Les actes de charité véritable pratiquée envers les communautés chrétiennes qui vivent là-bas leur identité dans le sacrifice sont dignes d’une particulière reconnaissance « .

L’Ordre a pour objet de financer, en toute priorité, le diocèse patriarcal latin de Jérusalem. Celui-ci compte 72.000 fidèles répartis dans une soixantaine de paroisses situées dans l’État d’Israël, sur les territoires de Cisjordanie et de Gaza, dans le Royaume Hachémite de Jordanie et en République de Chypre. Le clergé compte un patriarche, deux évêques, quatre-vingt prêtres auxquels s’ajoute la congrégation palestinienne des Sœurs du Saint Rosaire forte d’une centaine de religieuses. En plus du grand séminaire de Beit Jala accueillant une soixantaine d’étudiants, le patriarcat latin compte des jardins d’enfants, des dispensaires et des maisons pour personnes âgées et handicapées. C’est sur cet ensemble que l’Ordre est appelé à intervenir, en particulier pour l’entretien et le développement de tout le réseau éducatif. Président de la Conférence des Évêques latins des régions arabes (CELRA), le patriarche joue un rôle important au proche orient tout en appartenant au Synode des évêques, organe de l’Église universelle.

Bernard Berthod & Joël Bouessée

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LA NOBLESSE DE JEANNE DAY OU DARC, PUCELLE D’ORLÉANS, DIT DU LYS

La France était sur le penchant de sa ruine par les grandes conquêtes que les anglais y faisaient, à la faveur des factions et des divisions qui régnaient entre les maisons d’Orléans et de Bourgogne ; lorsque Dieu, qui l’a toujours favorisée de sa protection dans les plus pressantes occasions, lui envoya un secours extraordinaire et plus humain, faisant sortir des frontières de Champagne, Jeanne Day ou Darc, depuis appelée la Pucelle d’Orléans, pour résister aux efforts de ses ennemis.

Elle était née au village de Domrémy, paroisse de Greux sur la Meuse en la prévôté d’Andelot, bailliage de Chaumont en Bassigny, élection de Langres, diocèse de Toul. Ayant été conduite par Robert de Baudricourt au roi Charles VII qui était à Chinon en Touraine, ce prince lui permit de porter les armes pour son service. Ce qu’elle fit avec tant de prudence, de valeur et de succès, qu’elle rétablit les affaires de ce royaume, qui semblaient alors désespérées.

Elle commença ses actions surprenantes par le secours qu’elle jeta dans Orléans, assiégé par les anglais, qu’elle défit, et les contraignit de lever le siège. Tant d’autres signalés avantages qu’elle remporta sur eux, inspirèrent à ce prince de lui donner des marques éclatantes de sa reconnaissance, l’anoblissant avec Jacques Day ou Darc, et Isabelle Romée son père et sa mère, Jacquemin et Jean Day, et Pierre Perrel ses frères ; ensemble leur lignage, leur parenté et leur postérité née et à naître en ligne masculine et féminine. Les lettres patentes en sont données à Mehun sur Yerres en Berry au mois de décembre 1429 présent Grégoire l’Anglais, évêque de Sées, et les seigneurs de la Trémoille et de Termes. Elles furent enregistrées à la Chambre des comptes de Paris transférée à Bourges le 16 janvier de la même année, qui lors commençait à Pâques.

Etienne Pasquier, avocat général en la Chambre des comptes, dans ses Recherches de la France, dit que ce privilège de noblesse est admirable et non encore octroyé à aucune autre famille qu’à celle-ci. Il ajoute que le roi Charles VII pour donner à la postérité des témoignages des valeureux exploits de cette Pucelle, lui donna pour armes un écu d’azur à l’épée d’argent mise en pal, la pointe en haut, ayant la croisée et le pommeau d’or, soutenant une couronne d’or, et accompagnée de deux fleurs de lys d’or. Et qu’il gratifia aussi la famille du surnom du Lys. Cela se voit dans les registres de la Chambre des comptes: C’est pourquoi Alain Chartier, secrétaire du Roi Charles VII appelle cette Pucelle, Jeanne du Lis. Voici ce qu’il dit en son histoire page 69 : Arriva une fille de l’âge de 18 à 20 ans par devers le roi au Chastel de Chinon, nommée Jeanne du Lis la Pucelle. Les mêmes registres de la Chambre des comptes portent que Charles duc d’Orléans, fit don de l’Isle aux bœufs contenant 200 arpents, assise dans la rivière de Loire, dépendante de son apanage, au même Pierre su Lis et à Jean son fils, pour en jouir leur vie durant, par lettres du 26 juillet 1443 employées dans un compte de l’an 1444 et dans un autre de l’an 1456. Ainsi ils quittèrent le nom Day pour prendre celui du Lis, par allusion aux fleurs de lys de l’écu de France. On a mis en doute si l’intention du Roi Charles VII en anoblissant la Pucelle d’Orléans a été de transmettre la noblesse à la postérité féminine de ses frères ; parce qu’il est du style ordinaire de plusieurs autres chartes, d’anoblir mâles et femelles ; mais non pas les descendants des filles, si elles ne contractent des alliances nobles.

Voici des exemples de ces anoblissements, qui néanmoins n’ont point eu d’effet pour les descendants des filles, comme nous remarquerons ci-après : Le roi Philippe VI par ses lettres données à Agen l’an 1340 anoblit Gérard de Byle du Puy de la Roche, avec sa postérité mâle et femelle. Il anoblit aussi Jean du Four de Figac alors habitant de Saint-Jean d’Angely, avec sa postérité née et à naître, mâles et femelles. Les lettres en furent données à Royal-Lieu, au mois d’août 1342 signé par le roi, R. de Molins. Ce prince anoblit pareillement Guillaume le Champenois de Chaumont en Bassigny, avec sa postérité mâle et femelle ; suivant les lettres données à Saint-Germain en Laye au mois d’octobre 1344. Jean Pisdoë, prévôt des marchands de Paris, et Agnès sa femme, reçurent la même grâce, pour eux, et pour toute leur postérité, mâles et femelles, par lettres expédiées à Fontaines Saint-Martin au Maine en juillet 1345 la finance remise. Jean Phenapelier de Rougemont fut du nombre des anoblis par le même roi, avec sa postérité, mâles et femelles ; selon les lettres données à Brunay au mois de mai 1346. Il y a une charte d’anoblissement concédée en septembre 1352 à Guillaume de Bossac, bourgeois de Tulle, et pour toute sa postérité, de quelque sexe que ce soit. Elle fut donnée à Brive la Gaillarde en Limousin, et confirmée par lettres du Roi Jean, datées de Gournay en Normandie le 2 janvier de la même année. Le même Roi Jean anoblit au mois d’octobre 1363 Jean le Coq maître de la chambre aux deniers, avec sa postérité de l’un et de l’autre sexe. Ce qui fut vérifié en la Chambre des comptes le lundi 13 mars suivant. Michel Bigot de la ville de Bourges fut anobli avec sa postérité mâle et femelle, par lettres du Roi Charles V du mois de Juin 1369 moyennant quarante francs payés au trésor. L’enregistrement en fut fait à la Chambre des comptes le 23 juillet.

Cependant, quoique ces anoblissements fussent pour ceux qui les obtenaient et pour leur postérité et lignée de l’un et de l’autre sexe, néanmoins aucun de leurs descendants par femmes n’ont prétendu en tirer la qualité de nobles ; parce qu’il est certain que les filles de ces anoblis avaient bien le privilège de se qualifier damoiselles ; mais non pas celui de communiquer la noblesse aux enfants sortis d’elles, et de roturiers. Il n’y a eu que les parents de la Pucelle d’Orléans, qui aient pris cette liberté particulière de se dire nobles, quoique la charte donnée en sa faveur ne comprenne que sa personne, son père et sa mère, et ses trois frères. Ils y sont tous six expressément nommés ; mais non pas les sœurs ni aucun autre de leurs parents ; si ce n’est que l’on comprenne par ces termes : leur parenté, leur lignage, et leur postérité, non seulement les descendants qui procèdent en droite ligne des frères de cette Pucelle mais encore les descendants de ses tantes, et même tous ses parents tant du côté paternel que du maternel. Il est vrai que ce privilège de noblesse fut depuis interprété par la déclaration du Roi Henry II donné à Amboise le 26 mars avant Pâques l’an 1555 par laquelle Sa Majesté dit qu’il s’étend et se perpétue seulement en faveur de ceux qui seraient descendus du père et des frères de cette Pucelle, en ligne masculine et non féminine. Que les seuls mâles sont censés nobles, et non les descendants des filles, si elles ne sont mariées à des gentilshommes. La publication en fut faite à la Cour des aides et finances de Normandie, qui donna cet arrêt le 23 avril après Pâques l’an 1556 dont voici le contenu : Que ceux qui se disent issus de la race de ladite Pucelle jouiront du privilège de noblesse, suivant ladite charte, pourvu qu’ils portent le nom, ou qu’ils soient issus de filles de Jacques Day, n’ayant dérogé à leur état, et ayant été mariées à des gentilshommes vivant noblement. Les autres ne portant le nom et ayant dérogé seront taillables, et défenses à eux d’usurper les armes de Jeanne Day, à peine de confiscation de biens. Ce privilège fut encore aboli à l’égard des descendants par femmes, par l’édit du Roi Henry IV de l’an 1598 sur le fait des anoblissements créés depuis l’an 1578. Ce qui fut confirmé par édit du roi Louis XIII du mois de juin 1614 article 10. Et par les déclarations de 1634 et 1635. Mais nonobstant ces interprétations, et ces restrictions expresses, les descendants des filles ont joui du privilège, lorsqu’ils ont vécu noblement, et qu’ils ont obtenu des lettres patentes pour y être maintenus. Jean Hordal, docteur aux droits en l’université de Pont-à-Mousson, et parent de la Pucelle d’Orléans ; Valéran Varan, docteur en théologie en l’université de Paris ; Etienne Pasquier, avocat général à la Chambre des comptes ; Pierre Grégoire, Henry Sponde évêque de Pamiers, et plusieurs autres, tiennent dans leurs histoires cette noblesse constante pour la postérité mâle et femelle, et pour les descendants de l’un et de l’autre sexe. Aussi, il y a eu plusieurs lettres expédiées, et plusieurs jugements rendus en faveur des intéressés.

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DISCOURS PRÉLIMINAIRE SUR LE TITRE DE CHEVALIER

Le titre de chevalier fut longtemps inconnu chez les français ; il ne commença d’être en usage que plusieurs siècles après la fondation de la Monarchie. Les distinctions civiles de nos premiers ancêtres ne sont guère mieux connues, que leur origine. On ignore s’ils étaient tous de condition égale, tous nés libres et portant les armes ; ou bien si au-dessous de la race des guerriers, il y avait des hommes non nobles, colons et esclaves. Les lambeaux épars du commencement de notre histoire sont si équivoques et si embrouillés, qu’ils se prêtent à tout ce que l’on veut imaginer sur ces faits. Il faut franchir les premiers temps, pour apercevoir une classe d’hommes nobles de naissance, formant un corps particulier dans l’État.
On ne connaissait d’autres inégalités entre les personnes de cette classe distinguée, que celle du mérite. La supériorité de génie, de sagacité, de courage, de bravoure, déterminait le choix du souverain dans la distribution des emplois et des titres militaires, toujours dépendants de sa volonté suprême ; ils n’étaient pas même viagers, ils le devinrent ; insensiblement on les regarda comme héréditaires et attachés à la naissance (1).
Ce n’était point de vains noms ; des fonctions honorables et des récompenses proportionnées, étaient jointes aux charges de Duc, de Comte, de Marquis et autres. Mais avant toutes ces qualifications, le seul titre général et inné, pour ainsi dire, de la noblesse, était celui de soldat, ou de guerrier, exprimé par le mot latin Miles.
Les anciens Francs firent tel usage qui leur convint de la manière dont les Romains gouvernaient les Gaules, lorsqu’ils étaient les maîtres. En adoptant quelquefois leurs usages, en se servant de quelques-uns de leurs mots, tels que ceux de Duc, de Comte et autres, ils y attachèrent des fonctions différentes, convenables à leurs mœurs et à leur manière de faire la guerre. Avant que ces mêmes Francs se servissent des noms latins, ils avaient, pour mot de qualité générale, celui de Leudes ou de Druts ; termes Teutoniques et Gaulois, que l’on trouve traduits en latin dans des anciens mémoires sur notre Histoire, par Fideles Regni, Fidèles du Royaume. A mesure que la langue latine devint chez eux d’un usage plus général, on vit disparaître le nom de Leudes. Pendant qu’il exprima une qualité, on ne sait quels furent leurs autres noms, pour désigner les chefs de l’administration publique, ou de l’économie particulière du petit État qu’ils commencèrent de former. La plupart de nos historiens assurent, que ces Leudes étaient de riches seigneurs et les premiers Pairs de France ; il est plus probable que ce n’était que de braves soldats, pauvres et ignorants, compagnons des premiers généraux, commandants ou rois (car on ne sait trop quel nom leur donner) qui jetèrent les fondements de l’Empire des français. Quoiqu’il en soit, ils cessèrent de faire usage des noms gaulois, pour exprimer leurs qualités et se servirent uniquement des noms latins ; le mot de Leudes fit place à celui de Miles.
La langue latine, comme l’on sait, était encore la langue vulgaire des français, au commencement du huitième siècle ; mais ce n’était plus qu’un latin barbare et corrompu, tel qu’on le voit dans Grégoire de Tours et dans quelques autres Auteurs, où l’on trouve d’ailleurs tous les vices du style réunis. Cette langue devint inconnue au peuple sous Pépin ; elle s’éteignit entièrement avec la première race de nos rois. On continua cependant d’écrire les diplômes en latin (2). C’est pour cela qu’il est difficile de découvrir le temps où commença le titre de chevalier, parce qu’on l’exprima par le même terme Miles, ou plutôt parce qu’on ne l’exprima point du tout.

Si l’usage de la cavalerie dans nos armées en est le principe, comme il y a lieu de le croire, car il est fort différent du même titre usité chez les Romains (3), il dut commencer sous Charles-Martel, lors de l’irruption des Arabes, communément appelés Sarrasins, peuple belliqueux et qui s’étaient autrefois distingué parmi les troupes auxiliaires des Romains et des Perses ; leur cavalerie passait dès-lors pour la meilleure du monde. Une prodigieuse armée de ces Arabes, après avoir ravagé l’Espagne, pénétra en France et fut presque entièrement détruite dans la fameuse bataille que gagna ce même Charles-Martel près de Tours, en 732. Avant ce temps, toute la Milice ou la noblesse française avait combattu de pied ferme ; mais cette infanterie parut trop faible contre des ennemis aussi redoutables. On imagina qu’une cavalerie nombreuse et couverte de fer résisterait davantage à la cavalerie pesante et aux armes meurtrières des Arabes (4). Les français prirent du goût pour ce nouveau genre de service ; il eut les plus grands succès ; la noblesse y signala son adresse et son courage. L’infanterie tomba dans le mépris ; ce ne fut plus, pour ainsi dire, qu’une horde d’enfants de terre, mal armés et plus mal disciplinés encore.

Cette cavalerie était de deux forces : la Légère et la Gendarmerie. La première, quoiqu’aussi brave que la seconde, acquit moins de réputation. La Gendarmerie devint le Corps le plus estimé. Les rois et leurs enfants combattaient à sa tête ; les Princes et les seigneurs cherchaient à y acquérir de la gloire. Ce service fut l’unique profession des nobles pendant plus de six siècles (5). Il devint général sous la seconde race de nos rois, mais on continua d’appeler ces guerriers Milites, comme dans le temps où les armées n’étaient composées que de l’infanterie. La langue française, venant à se former, on rendit le mot Eques, par chevalier, du cheval que montait le guerrier. Cependant le titre de chevalier fut particulièrement affecté à la Gendarmerie qui n’était composée que des personnes nobles, et qui seule avait le droit d’être armée de toutes pièces, c’est-à-dire, de porter les armes défensives et offensives, que nous décrirons dans la suite. La cavalerie légère, suivant son nom, était plus légèrement armée.
On sait assez que les seigneurs ou possesseurs des grands fiefs, en cédèrent une partie à des guerriers qui formèrent des chevaliers en sous-ordre et que l’on nomma Milites militum, c’est-à-dire, chevaliers des chevaliers. Les premiers, en raison de leur supériorité et de leur commandement, dont la Bannière était le signe, se qualifiaient chevaliers Bannerets ; les autres, qui servaient sous leurs ordres, s’appelaient Bacheliers : tous avaient le titre de Milites.
La bravoure des anciens chevaliers ne s’affaiblit point mais leurs mœurs se dépravèrent au point de ne reconnaître que la loi du plus fort. Leurs violences avaient été portées par degrés jusqu’aux plus grands excès vers le règne d’Henri Ier. La religion fit alors entreprendre à quelques guerriers honnêtes et vertueux, de former une chevalerie nouvelle, une espèce de confraternité militaire, dans laquelle s’empressèrent d’entrer tous ceux qui se piquèrent de leur ressembler. On y prenait l’engagement de défendre les opprimés, les veuves, les orphelins, la liberté des chemins ; on en faisait le serment solennel. On peut juger, par cette institution, à quel point l’anarchie et le brigandage désolaient la France. Cette chevalerie vint à bout de ce que l’autorité des rois avait inutilement tenté. Ses lois corrigèrent un peu les mœurs de la noblesse. La sûreté des chemins se rétablit, les femmes et les filles purent paraître en public sans craindre d’être enlevées. Peu à peu les prouesses galantes succédèrent à la brutalité ; on fit assaut d’adresse et de courtoisie dans les tournois et autres spectacles militaires, où l’on ne pouvait être admis si l’on n’était pas chevalier sans reproches.
Quoique le caprice n’eût pas présidé à la naissance de cette institution, qu’elle eût eu pour base l’humanité, la justice et l’honneur, elle devint cependant la source des extravagances et des excès romanesques qui commencèrent vers le milieu du douzième siècle, et qui furent toujours en augmentant. Ces chevaliers, remplis d’ailleurs de franchise et de probité, provoquaient au combat le premier venu, dans la seule vue d’exercer leur courage. Quelquefois, ils faisaient annoncer à grand bruit, qu’un certain jour, ils combattraient à toute outrance quiconque aurait l’audace de se présenter. C’était, ajoutaient-ils, pour éviter l’oisiveté et pour mériter la grâce de la Dame, dont ils étaient serviteurs (6). Ce genre d’extravagance était devenu nécessaire, on ne faisait aucun cas d’un chevalier qui n’était point amoureux, on doutait même de sa bravoure.
L’ancienne chevalerie s’étant établie de la manière dont on vient de le voir, le titre de chevalier, commun à toute la noblesse avant le onzième siècle, devint ensuite un titre personnel et mérité. Il fut défendu de le prendre, si l’on ne l’avait obtenu, après s’en être rendu digne par sérieux apprentissage des exercices militaires.
Les nobles, non reçus chevaliers, ne pouvaient prendre que la qualité d’écuyer, dont l’origine est peu connue. Quoique cette qualité soit devenue fort honorable, ses commencements sont faibles et obscurs. On trouve dans les anciens titres, que nos rois avaient un grand Écuyer, nommé scutifer, qui portait leur écu et plusieurs sous-Écuyers. Les grands vassaux eurent aussi des espèces d’Écuyers, nommés Armiger, c’est-à-dire porteurs d’armes. On croit que ce n’était que de simples affranchis, auxquels ces seigneurs distribuèrent certaines portions de terre pour les servir à la guerre. Ils en cédèrent, aux mêmes conditions, à un grand nombre de personnes franches et toutes, dans la suite prirent la qualité d’écuyers, parce qu’ils allaient à la guerre et avaient acquis, ou s’étaient arrogés le droit de porter des écus, espèce de bouclier sur lequel l’usage s’introduisit de peindre les armoiries. Ces Écuyers pouvaient aspirer à la qualité de chevalier.
Les cérémonies de réception dans la chevalerie devinrent brillantes et mystérieuses, elles avaient été fort simples jusqu’au milieu du douzième siècle. On passait l’habillement de fer et le bouclier, on mettait le casque, on ceignait l’épée, on donnait la lance et on faisait l’imposition des mains.
L’habillement militaire de ces temps, où le haubert était de mailles de fer, il couvrait les épaules, les bras et tout le corps du chevalier jusqu’au genoux.
Les casques ou heaumes, fort différents de ceux dont on se servait sous Charles le chauve, ne tenaient plus de l’antique. Étroits et terminés en pointe par le haut, ils descendaient par-derrière sur le col et par-devant ils avaient une simple avance, qui garantissait le nez du cavalier. Ces casques laissaient la plus grande partie du visage à découvert et par conséquent, la respiration libre. Ceux des temps postérieurs enfermaient toute la tête, il n’y avait que de petites ouvertures par-devant, en sorte qu’il fallait en ouvrir la partie antérieure, quand ou voulait se rafraîchir ou se procurer de l’air à respirer. On ne mettait point encore par-dessus le haubert, ces cottes d’armes, faites d’étoffes riches et chamarrées des couleurs du chevalier, que le luxe introduisit dans la suite (7). La chaussure était aussi de mailles de fer, comme le haubert. Les boucliers avaient tantôt peu de convexité, tantôt ils étaient plus convexes et de diverses formes, soit rondes, ovales ou à pans. On voyait sur quelques-uns des figures de lions, de dragons ou autres animaux féroces.
L’épée, la hache d’armes, les lances ou javelots et les flèches n’avaient rien de particulier. On remarquera que la manière de se servir alors des lances était de les jeter en l’air.
On portait les éperons assez cours ; la mode en introduisit de plus longs dans la suite. Les chevaux n’étaient pas bardés de fer. Les selles grossières et fort simples, ressemblaient assez à des bâts, c’est-à-dire, que le cavalier se trouvait emboîté entre deux pommeaux ou parties assez élevées.
Ces armes et ces habillements en usage à la fin du onzième siècle et au commencement du douzième, furent ceux des premiers chevaliers de Saint Lazare.
L’armure complète des chevaliers était et plus pesante et plus compliquée au treizième siècle. Les casques à grille et à mentonnière ainsi que la camail, capuchon ou coiffe de mailles de fer, dont on se servait vers ces temps, enveloppaient la tête et le visage. On ajouta à l’ancien habillement les brassards, les cuissards et les gantelets, le tout de fer. Tel était l’habillement militaire, alors moderne, que portaient les chevaliers qui se trouvèrent à la bataille de Bouvines sous Philippe-Auguste en 1214. On assure que les guerriers ainsi vêtus, ne courraient presque d’autres risques dans les combats, que d’être démontés. Philippe-Auguste l’ayant été dans cette fameuse journée de Bouvines, fut en danger de perdre la vie.
L’ancienne chevalerie fut longtemps conservée comme un moyen d’exciter l’émulation des jeunes guerriers. Il était alors affreux de dégénérer, d’être moins braves que ses pères et de n’être pas admis au grade de chevalier. Les rois mêmes se faisaient armer chevaliers avec beaucoup d’appareil et de cérémonies, ce qui dura jusqu’au milieu du quatorzième siècle. La chevalerie s’était de plus en plus distinguée par sa noblesse, sa valeur et ses mœurs, suivant que l’assure le roi Jean (8).

Elle vient enfin à s’obscurcir ; il n’en restait plus qu’une faible image sous François Ier, malgré tout son goût et toute son adresse pour les fêtes galantes et les jeux militaires. Pierre du Terrail, dit le Chevalier Baillard, lui donna l’accolade après la glorieuse journée de Marignan en 1515. On sait combien les spectacles guerriers devinrent funestes à Henri II. Il avait aussi voulu recevoir l’accolade d’Oudard de Biès, dans son camp près d’Avignon (9). Ce Monarque était pour lors âgé de plus de 29 ans. Dans les beaux jours de la chevalerie, le simple gentilhomme avait le droit d’être lui-même fait chevalier dès l’âge de 21 ans.

Il paraît que ces rois ne reçurent l’accolade que pour encourager la vertu, en honorant d’une manière si publique celle des grands capitaines, à qui ils permirent de la leur donner. Remarquons encore qu’avant ces accolades, ces mêmes rois étaient déjà chevaliers de Saint Michel et en portaient les marques. Cet Ordre honorifique, institué par Louis XI, en 1469, avait beaucoup contribué à faire tomber l’ancienne chevalerie, qui n’avait rien de comparable aux honneurs et aux privilèges attachés à la nouvelle institution. D’un autre côté, la noblesse abandonna les jeux souvent sanglants des tournois. L’invention des armes à feu, rendant ces violents exercices inutiles pour la guerre, les fit entièrement négliger. On oublia jusqu’à la manière de se servir de la plupart des armes anciennes.
Ces sortes de fêtes où les chevaliers s’assemblaient à jour marqué pour faire parade de leur force et de leur adresse, avaient souffert quelque légère interruption au milieu du treizième siècle. Les conciles les avaient prohibées (10). Philippe-le-Hardi les avait aussi défendus mais il les rétablit en 1279, pour procurer des amusements aux princes étrangers qui se trouvaient pour lors à sa Cour. Le Pape eut beau en marquer son mécontentement à ce monarque, on les continua.
Enfin on a cessé de conférer l’ancienne chevalerie et le titre de chevalier, commun dans son origine à l’ancienne gendarmerie où noblesse, est redevenu le titre général et distinctif des descendants de cette même noblesse ou réputés tels ; car il faut convenir que ce qu’il en reste à présent formerait un corps peu nombreux.
Ce serait presque anéantir la noblesse de France, que de vouloir la réduire à la postérité de ses conquérants. On convient qu’il est très difficile de prouver des généalogies qui remontent au-delà du onzième siècle ; les noms propres et fixes des familles n’ont commencé qu’à cette époque. D’un autre côté, les récompenses militaires, appelées Bénéfices ou Fiefs, ne devinrent héréditaires que sous Charles-le-Chauve. L’étendue et les prérogatives de ces fiefs décidèrent la grandeur et la noblesse de ceux qui les possédèrent ; mais pendant l’espace de quelques siècles qui s’écoulèrent depuis le règne de Charles-le-Chauve jusqu’à celui de Philippe-le-Bel, s’empara souvent, qui le put, de ces fiefs. La faiblesse du gouvernement facilita ce brigandage, enseveli dans la nuit des temps (11). Il cessa ; l’achat d’un fief, toléré pour de l’argent, ne changea plus la condition du nouveau possesseur ; la transition subite de la roture à la noblesse n’eut plus lieu. Il reste cependant quelques descendants des anciens seigneurs légitimes des grands fiefs, aussi distingués par la haute estime que le courage et la vertu leur ont acquise, que par leur extraction. Il est encore un autre ordre de familles, qui, sans participer à des sources aussi brillantes, ont possédé des fiefs inférieurs pendant plusieurs siècles, en conservant une noblesse connue depuis la propriété des noms et soutenue par la pratique constante des vertus de leur état. Ayant mérité les anciens honneurs militaires, voudrait-on les priver de la qualité de chevalier ? Je ne discuterai point les droits que prétendent y avoir les hommes de basse condition que nos rois ont souvent jugés à propos d’approcher de leurs personnes et qu’ils ont anoblis. Je n’examinerai pas davantage, si un bourgeois, venant de retirer du sceau ses lettres de magistrature, ou de quelque autre charge, peut se qualifier chevalier. Usurper des qualités ne passe que pour un ridicule : on se donne volontiers celui de prendre au moins les titres et les marques de la condition qui précède la sienne. Autrefois, les personnes nobles rendaient la justice et allaient à la guerre : ils acquéraient dans les tribunaux, comme dans les armées, un surcroît de générosité. Les vertus d’attention à discuter les intérêts publics et particuliers sont fatigantes et plus tristes que les vertus militaires. Tandis que les connaissances humaines faisaient des progrès dans les autres conditions, la noblesse conservait son ignorance aussi soigneusement que sa bravoure. Les chevaliers, pour la plupart, se trouvant incapables de remplir les fonctions de la magistrature, furent obligés de les abandonner aux personnes lettrées. On créa même en leur faveur une sorte de chevalerie de plume ; il suffisait pour l’obtenir de faire preuve de capacité dans la connaissance des lois : cet honneur ne changeait point leur condition. La noblesse n’a été accordée au magistrats des cours supérieures, que par nos derniers rois. La postérité d’un simple conseiller au Parlement devient noble, celle du Maréchal de Faber, s’il en eût eu, serait restée dans la roture. On s’est plaint pendant des siècles de cette inconséquence dans la distribution des grâces ; notre auguste monarque, Louis XV, l’a fait cesser, en créant une noblesse militaire. Mais retournons à la chute de l’ancienne chevalerie et à ses suites.
Il est certain que l’institution de l’Ordre de Saint Michel fit insensiblement tomber l’ancienne accolade dans le mépris général. C’est parce que les désordres des guerres civiles empêchèrent de le refuser à des personnes sans naissance. Henri III, ne voulant ou ne pouvant pas le supprimer, y joignit celui du Saint Esprit en 1578. Il n’admit dans ces deux Ordres réunis qu’un petit nombre des plus grands seigneurs de la Cour. Cependant tout le reste de la noblesse du royaume conserva l’ancien titre de chevalier. Les cérémonies de réception, devenues ridicules, cessèrent seulement d’être observées. Les écrivains des derniers siècles prétendent que ce fut une usurpation de la part de la noblesse, un abus qui a toujours augmenté. Leur erreur vient de ce qu’ils ont négligé de remonter à la source et confondu le titre de chevalier d’un Ordre avec la simple qualité de chevalier.
Quelques auteurs ont admis, dès les commencements de l’association de l’ancienne chevalerie, une distinction entre chevalier et chevalier de cet Ordre ; entre chevalier de race et chevalier de dignité : ils se sont trompés. L’ancienne association ne paraît pas avoir été appelée Ordre ; ceux qui n’y étaient pas initiés ne se qualifiaient point du titre de chevaliers. Les lois avaient prononcé des peines contre les personnes qui pourraient avoir la témérité d’usurper cette qualité (12). On ne connaissait point la dénomination d’Ordre de chevalerie avant l’établissement des Ordres religieux et militaires. L’ancienne chevalerie serait devenue un fantôme, s’il eût suffi d’être de naissance à pouvoir y prétendre pour en prendre le titre avant d’y être admis. La noblesse n’est rentrée dans ses droits de naissance, quant à ce titre, que lorsqu’on a cessé de la solliciter et par conséquent de le conférer.
Les anciens légistes on dit que le titre de chevalier n’était point héréditaire (13); ils avaient raison. Les légistes modernes ont répété la même chose après l’extinction de l’ancienne chevalerie et c’est sans aucun fondement.
La Rocque et ses copistes rapportent des remontrances des Provinces d’État et des ordonnances de nos rois, qui défendent à la noblesse de prendre la qualité de chevalier. Mais ces pièces sont ou fausses ou mal interprétées. Nos rois n’ont jamais prétendu détruire les droits de l’ancienne noblesse du Royaume. L’ordonnance de Louis XIII, 1629 ; celle de Louis XIV, de 1664, ont été données en général contre les usurpateurs de la noblesse et de tous ses titres.
Quoique les Ordres militaires réguliers, soient une imitation de l’ancienne chevalerie, ils sont cependant très différents. Ils ont un chef, ils jouissent d’honneurs et de privilèges particuliers, confirmés par les rois et par les Papes, ils portent une marque distinctive, ils sont astreints à des vœux, particulièrement à celui de prendre les armes pour la défense du Christianisme.

(1) Personne n’ignore que l’hérédité des fiefs, tolérée sous l’autorité des Rois faibles de la seconde race, et solidement affermie sous Hugues Capet, fixa la noblesse dans les familles qui possédèrent ces mêmes fiefs. Mais depuis l’origine de la Monarchie jusqu’à cette époque, l’existence et les privilèges de cette noblesse semblent fort incertains. Nos plus célèbres historiens modernes soutiennent le pour et le contre. Suivant Adrien de Valois, Hertuis, l’Abbé du Bos et le Président Hénault, tous les anciens français étaient égaux ; ils ne connaissaient entre eux qu’un seul ordre d’hommes libres. Leurs esclaves étaient des peuples conquis ou bien une race particulière, qui n’était point issue des Francs. Tout homme libre était également susceptible des dignités et des charges amovibles de l’État. Au contraire, le P. Daniel, l’Abbé le Laboureur, le Comte de Boulainvilliers, pensent qu’il existait, dès les commencements de la monarchie, un corps de noblesse, distingué du reste des citoyens, qui seul avait droit aux mêmes dignités et charges de l’État. Tous ces Savants prétendent justifier leurs sentiments opposés par les fragments, qui ont pu se conserver, des lois des Francs, des Gaulois, des Bourguignons, des Peuples de la Scandinavie et autres, soumis à l’Empire des français, avant et après le règne de Charlemagne. A force de tourmenter ces écrits obscurs et entortillés, de les tourner et retourner, d’y ajouter ou d’en retrancher, sous prétexte de suppléer le sens, on vient à bout de trouver tout ce dont a besoin pour étayer divers systèmes. Notre Histoire, dans ses commencements, dit l’Abbé de Vertot, est un chaos rempli de ténèbres où l’on a placé bien des chimères impunément.

(2) Depuis que les Romains se furent rendus les maîtres des Gaules, la langue latine, telle que la parlait le peuple romain, y prit la place du Celtique, que parlaient les Gaulois et devint la langue vulgaire ; les femmes même écrivaient en latin. Ce sentiment commun de nos historiens a trouvé peu de contradicteurs. Au sixième siècle, la langue latine se corrompit de plus en plus et forma le Roman. On vit naître ensuite la langue que nous parlons aujourd’hui ; elle devint commune au dixième siècle, cependant les Ordonnances de nos Rois et tous les actes publics, furent écrits en latin jusqu’à Saint Louis. La plupart furent encore écrits en cette langue jusque sous François Ier, mais ce Roi ordonna, en 1539, que tous ces actes soient rédigés en français.

(3) Le titre de chevalier, chez les Romains, s’exprimait par le mot Eques, qui n’a point été employé parmi nous pour signifier un chevalier. Tout citoyen romain de la classe du Peuple pouvait, à la volonté du Censeur, être fait chevalier, pourvu qu’il eût le revenu suffisant et fixé pour entretenir le cheval que la République lui donnait. Ces chevaliers n’étaient point réputés nobles ; les vrais nobles étaient les Patriciens. Dans la suite, la noblesse ne servit presqu’à rien ; elle cessa d’être attachée à la naissance et à la vertu. Le bien qu’il fallait posséder, même pour être Sénateur, fut réglé par la Loi Rossia. Les Patriciens, comme les autres, furent sujets à ce Règlement. Malgré l’ancienneté de leur race, s’ils n’avaient pas les biens nécessaires, ils demeuraient confondus parmi le Peuple. Ils avaient le chagrin de voir les riches Plébéiens remplir les places vacantes du Sénat. On sait assez que l’on tirait du corps des chevaliers romains les Fermiers des revenus de la République. Ceux qui n’exerçaient pas cette profession étaient appelés Scriptuarii ; elle était fort honorable à Rome ; elle a toujours été peu considérée en France où la plupart des Financiers se contentent d’être recommandables par leurs richesses, source principale de l’antipathie qui règne entre eux et les autres ordres des Citoyens.

(4) L’expérience a prouvé dans tous les temps que l’infanterie était supérieure à la cavalerie. Cette cavalerie, très tardive chez les Grecs, s’introduisit de bonne heure chez les Romains. On a remarqué qu’elle était plus considérable chez ceux-ci que chez les premiers. Romulus, dont le corps d’infanterie était de trois mille hommes, n’avait que trois cents cavaliers, ce qui faisait la dixième partie de sa troupe ; au lieu que la cavalerie des armées grecques n’en faisait ordinairement que la trentième partie, quelquefois que la quarantième. FRERET, Rech. sur l’Équitation.

(5) C’est-à-dire, jusqu’à l’extinction de la Milice Féodale, temps où l’infanterie reprit son ancienne réputation. On reconnut sa supériorité dans toutes les opérations de la guerre. Ce ne fut pas sans éprouver de grandes contradictions que nos Rois parvinrent à avoir de l’infanterie nationale. Ils y parvinrent enfin et sous Louis XII, la noblesse la plus distinguée voulut bien entrer dans ce service. BRANTH.

(6) La galanterie qui, parmi nous, a succédé à celle de s’entr’égorger pour plaire aux Dames, est moins barbare mais presque aussi folle. Depuis qu’il est devenu rare de se disputer les Belles le fer à la main, on a donné dans une métaphysique de sentiment, imaginée pour empêchée de suivre la nature de trop près, mais qui ne produit presque jamais cet effet.

(7) Ces sortes d’habits blasonnés se portaient à la guerre, à la chasse et dans les grandes cérémonies. Les amateurs des marques distinctives paraissent regretter que la noblesse ait abandonné ces robes ou tuniques, ornées de pals, de faces, de bandes, d’hypogryphes, de dragons, de hiboux, de serpents et autres figures ; outre le bel effet que ces ornements, selon eux, produisaient sur les habits, ils servaient à faire connaître aux étrangers qui arrivaient à la Cour, le nom, la dignité, les alliances des personnes qu’ils y rencontraient. L’Abbé de St Pierre donne des raisons plus sérieuses des avantages que trouverait l’État à assigner des marques distinctives à la noblesse. L’Académie de Caen proposa, il y a quelques années, cette question :  » Y a-t-il eu autrefois en France dans les habillements ordinaires des particuliers, une marque distinctive de leur état ; cette distinction serait-elle utile dans une Monarchie ; quels seraient les moyens de la rétablir et de la perfectionner sans nuire aux manufactures ?  » Nous ignorons si cette Académie a reçu quelque dissertation satisfaisante sur cette question et qui ait mérité le prix qu’elle avait annoncé.

(8) Per unisum orbem sic strenuitate et nobilitate floruit, et virguit probitate. Ord. 1352.

(9) Oudard de Biès était chevalier de l’Ordre du Roi, Maréchal de France et Lieutenant-Général en Picardie. Il fut condamné le 13 Août 1551, à avoir sa tête tranchée pour prétendus crimes de lèze-Majesté, de péculat et de plusieurs autres. L’arrêt ne fut point exécuté, il fut même remis en liberté et mourut de tristesse à Paris au mois de Juin 1553. Sa mémoire et celle de Jacques de Couci, son gendre, furent rétablies par Lettres Patentes de Henri III, du mois de Septembre 1575. Manusc. de BRIENNE, Tom, 189, fol. 122

(10) Le 12è. Canon du Concile de Rheims tenu en 1131, défendit les tournois, parce qu’on y mettait en péril la vie du corps et de l’âme : on refusait la sépulture ecclésiastique à ceux qui y mouraient. Ils furent aussi défendus par le troisième Concile de Latran tenu en 1179, sous le Pape Alexandre III.

(11) La confusion des conditions est attachée à l’état social. Il n’est point de roi, dit Platon, qui ne tire son origine de quelqu’esclave ; il n’est point d’esclave qui n’ait quelque roi parmi ses aïeux. D’anciennes révolutions ont couvert de ténèbres la fuite de nos ancêtres et la fortune a confondu et brouillé toutes les races. Plato ait neminem regem non ex servis esse oriundum, neminem non servant ex regibus. Omnia illa longa varietas misscuit et sursum deor sum fortuna versavit. SEN. Ep. 44.

(12) Quiconque usurpait le titre de chevalier et osait en porter les marques, qui étaient des éperons dorés, devaient être condamnés à avoir les éperons tranchés sur un fumier. Etab. De Saint Louis, Chap. 130. Outre des éperons dorés, les chevaliers avaient des manteaux particuliers, appelés, pallia militum. Ils pouvaient porter des habillements aussi magnifiques que les princes. Les éperons des écuyers n’étaient qu’argentés et leur habillement consistait dans une tunique brune et toute unie. Dans la suite, ils purent porter de l’argent sur leurs habits.

(13) Titulus Militis ad haeredes minime trasmittitur.

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LETTRES DE NOBLESSE DES BONAPARTE

Extrait de l’ouvrage

Face à la situation catastrophique des finances publiques et à la fronde d’une partie des corps constitués, Louis XVI renvoya Brienne, rappela Necker et, par un arrêt du Conseil d’état daté du 5 juillet 1788, convoqua les États généraux pour le 1° mai 1789. Depuis deux ans Paris et certaines provinces s’agitaient et les émeutes y étaient mollement réprimées. Le Limousin était encore épargné par les mouvements violents mais l’opinion travaillée par une abondance de brochures et de libelles s’y habituait comme ailleurs aux idées révolutionnaires. La subversion préparait l’insurrection. La réunion d’une assemblée provinciale à Limoges en 1787 n’avait été qu’un feu de paille, elle ne tînt qu’une seule séance. Mais il existait dans la région une volonté diffuse de desserrer l’étau de l’administration royale. Fin 1788 une ligue de la noblesse de Guyenne, à laquelle adhérait certains Limousins, réclamait la reconstitution du duché d’Aquitaine avec des États généraux souverains. Ce projet autonomiste rencontrait quelques échos au sein du tiers-état et opposait les notables locaux aux fonctionnaires royaux. Il n’était pas oublié au moment de la convocation des Etats Généraux.

Le règlement du 24 janvier

Le règlement du Roi sur la convocation des États généraux fut promulgué le 24 janvier 1789. Il constitue la base de toute l’histoire de la convocation et tous les textes postérieurs s’y réfèrent. L’article premier charge les gouverneurs généraux de province de transmettre aux grands sénéchaux les lettres royales et autres pièces relatives à la convocation. L’article II distingue les sénéchaussées principales, où se tiendront les assemblées, des sénéchaussées secondaires qui n’auront pas cet honneur. Limoges est sénéchaussée principale pour le Haut-Limousin, Tulle pour le Bas-Limousin, Saint Yrieix est secondaire de Limoges, Brives et Uzerche sont secondaires de Tulle.

Qui doit comparaître avec la noblesse ?

Faute d’un catalogue de la noblesse, dont la réalisation envisagée depuis Colbert ne sera jamais réalisé, la réponse est difficile. Les articles XII et XVI relatifs à la noblesse ne sont pas clairs. Le premier prévoit l’assignation de tous les nobles possédant fiefs. Le second stipule que tous les nobles non possédant fiefs ayant la noblesse acquise et transmissible peuvent participer personnellement aux assemblées, mais non s’y faire représenter. En première lecture, il semble que le rédacteur ait voulu se montrer moins exigeant à l’égard des possesseurs de fiefs. Mais cette interprétation contredirait un droit, constant depuis plus de deux siècles, qui dissocie la noblesse de la possession des fiefs. Le texte devient plus compréhensible si l’on distingue l’assignation de la comparution. L’assignation est établie à partir d’un état des fiefs dont les propriétaires sont supposés nobles, mais dont l’administration ne connaît pas toujours le statut exact, car nombre d’entre eux résident hors de la province. La comparution en revanche est réservée à la noblesse achevée (désignée comme acquise et transmissible). Plusieurs grands sénéchaux indécis quant à l’interprétation à donner au règlement écrivirent à Charles Louis Barentin, garde des sceaux, pour lui demander des précisions. Le duc de Crillon fit valoir que le règlement de convocation n’exigeant pas la noblesse acquise et transmissible  » on présume que les anoblis possédant fiefs doivent être convoqués « . La réponse de Barentin est formelle :  » les uns et les autres pour s’unir à l’assemblée du bailliage, doivent avoir la noblesse acquise et transmissible « . Dans le même esprit il opposa une fin de non-recevoir à la réclamation des Trésoriers de France de Poitiers qui se plaignaient de ne pas être admis à voter avec la noblesse. L’ensemble des réponses du Garde des sceaux aurait pu constituer une jurisprudence susceptible d’éclairer les sénéchaussées mais les courts délais impartis pour la convocation ne permirent pas de travailler avec rigueur. Afin de gagner du temps l’article 42 du règlement du 24 janvier prévoyait que :  » S’il s’élève quelques difficultés sur la justification des titres et qualités de quelques uns qui se présentent pour être admis dans l’ordre de la noblesse, les difficultés seront décidées provisoirement par le Sénéchal, sans que la décision puisse servir ou préjudicier dans aucun cas.  » A Limoges, le Grand Sénéchal, usant de la latitude qui lui est ainsi accordée admet les trésoriers de France mais cette décision sera contestée par plusieurs membres de l’ordre.La vérification des titres effectuée en quelques heures lors de la première séance, à Limoges comme à Tulle, fut superficielle. Comme au temps jadis, nobilitas est per solam famam . Pour cette raison la comparution aux États généraux avec la noblesse ne constitue pas une preuve de noblesse, au sens strict, tout au plus une présomption. Les femmes, veuves ou filles possédant fiefs, ainsi que les mineurs peuvent se faire représenter en donnant procuration à un membre de l’ordre présent. Chaque noble, présent ou représenté, ne dispose que d’une seule voix dans chaque sénéchaussée. Mais, en dépit de la position exprimée par le Garde des sceaux, qui lie le vote à la résidence et au paiement de la capitation, convoqué en plusieurs sénéchaussées, pour des fiefs différents, il dispose d’un droit de vote dans chacune d’elle; nous en avons maints exemples.

Les assemblées de la noblesse

La participation aux États généraux représente la dernière occasion pour la noblesse d’agir en corps constitué. La composition des assemblées donne donc l’ultime image de la composition du deuxième ordre avant sa disparition. Les familles nobles qui s’abstinrent de comparaître, ou de donner procuration, furent rares, car cette absence aurait pu par la suite être invoquée contre elles et tenue pour une renonciation à leur qualité.A Limoges la noblesse se réunit sous la présidence de Messire Claude Etienne Annet, comte des Roys, ancien capitaine de cavalerie, baron des Enclos, sgr de Chandelis et de Saint Cyr, grand sénéchal du Haut-Limousin. Le Garde des sceaux avait fait savoir au Marquis du Saillant que :  » quoique pourvu de la charge de grand sénéchal du Haut et Bas-Limousin, n’étant pas reçu, il ne pouvait ni convoquer la noblesse ni la présider « . Le comte des Roys fut assisté par: Guillaume Grégoire de Roulhac, écuyer, sgr de Laborie et de Faugeras, conseiller du Roi, lieutenant général de la sénéchaussée et siège présidial de Limoges; Pierre Lamy, écuyer, sgr de La Chapelle, procureur du Roi au siège présidial de Limoges; Jean Baptiste Boysse de La Maison-Rouge, conseiller du Roi, greffier en chef. Les séances se tinrent dans  » la grande salle des exercices du collège « .Furent présents ou représentés : 181 nobles possédant fiefs, 24 nobles sans fief, 2 prêtres et 46 femmes possédant fiefs. Défaut fut donné contre 33 nobles. A Tulle également la présidence des assemblées fut refusée aux Lasteyrie du Saillant et accordée à Adrien Jean Élisabeth, baron de Lubersac, capitaine de dragons, reconnu comme exerçant les fonctions de grand-sénéchal du Bas-Limousin. Il fut assisté par: N. de Fénis de Laprade, écuyer, président du Présidial, secrétaire de la noblesse et Antoine de Lafagerdie, sgr de Saint Germain, écuyer, conseiller au parlement de Bordeaux (?). Les séances se tinrent dans la salle des Théatins, du 17 au 23 mars.Furent présents : 136 nobles, possédant fiefs ou non ; furent représentés 110 nobles, un prêtre et 31 dames possédant fiefs.Le règlement du 24 janvier stipulait que :  » Le Roi appelle au droit d’être élus pour députer la noblesse tous les membres de cet ordres indistinctement, propriétaires ou non propriétaires. Furent élus comme députés de la noblesse aux États généraux:à Limoges: Louis François Marie de Perusse, comte des Cars et de Saint Bonnet… premier baron du Limousin… Maréchal de camp, commandant la province du Haut et Bas-Limousin, premier maître d’hôtel du Roi; le vicomte de Mirabeau, colonel du régiment de Touraine-infanterie; le Comte des Roys, sénéchal du Haut-Limousin, comme suppléant.à Tulle: Etienne François Charles de Jaucen, baron de Poissac, conseiller au parlement de Bordeaux (par 144 voix contre 121 au duc d’Ayen après une campagne électorale agitée); Gilbert Hyacinthe Scolastique, vicomte de Laqueuille, major au régiment de Picardie-cavalerie; Louis Maurice Joseph, comte de Lentilhac de Sédières, comme suppléant.Les mandats donnés aux députés en mars 1789 étaient des mandats impératifs qui imposaient aux élus leurs votes à l’assemblée et les empêchaient de trahir leurs électeurs. Un règlement du 27 juin 1789 interdit cette sage précaution et les nobles du Limousin se réunirent une seconde fois le 26 juillet pour voter, à contre cœur, des pouvoirs illimités à leurs députés.

Les membres de la noblesse présents ou représentés

Les noms des participants à l’assemblée de Limoges sont connus par le procès-verbal des séances, conservé aux archives nationales, qui les désigne de façon complète avec tous leurs prénoms, titres, seigneuries, grades militaires et charges. Les procurations sont conservées aux archives départementales. A Tulle il est plus difficile d’identifier les comparants car nous ne possédons que leur signatures sur le cahier de doléances en mars et sur les nouveaux pouvoirs donnés aux députés en juillet 1789 mais les personnes ayant données procuration sont bien connues car leurs procurations, très complètes, établies devant notaire, sont conservées aux archives de la Corrèze.Les listes qui suivent ont été dressées à partir de l’ouvrage de Louis de La Roque et Édouard de Barthélémy, publié en 1863, elles ont été classées par ordre alphabétiques pour faciliter les recherches, complétées, et rectifiées pour quelques orthographes à partir des documents conservées sous les références: AN Ba 84 BIII 73 2, AD 19 3F 26, AD 87 B 537, AD 19 B 955-956. Les notices ont été allégées des renseignements non essentiels pour l’identification, en particulier des qualifications nobiliaires. Notons que l’emploi de celles-ci n’est pas systématique quand le comparant a d’autres titres à faire valoir, en particulier des grades militaires. Ces omissions ont elles un sens? La question mériterait une étude particulière à laquelle je ne me suis pas livré. Nous recensons 546 personnes qui ont participé, ou qui auraient pu participer, aux assemblées de la noblesse en Limousin. Le nombre de familles est moindre car la plupart d’entre elles sont représentées par plusieurs de leurs membres. Nous découvrons dans ces listes la présence de noms qui ne sont apparus dans aucun des chapitres précédents, il s’agit en général de possesseurs de fiefs n’ayant pas leur principal établissement en Limousin, ou de nouveaux venus dans la province.Si, tenant compte de l’augmentation de population de la province et du mode différent de convocation, nous rapprochons ce chiffre des 206 comparutions à la convocation du  » ban et arrière-ban  » de 1470, nous constatons que l’inflation nobiliaire a été réduite sinon nulle. En revanche, il semble que, par le jeu des migrations, des extinctions, des dérogeances et des anoblissements, la population noble se soit renouvelée à plus de 90% en trois siècles.

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LES ASSEMBLÉES DE LA NOBLESSE EN 1789 DANS LA PROVINCE DU LIMOUSIN

Extrait de l’ouvrage

Face à la situation catastrophique des finances publiques et à la fronde d’une partie des corps constitués, Louis XVI renvoya Brienne, rappela Necker et, par un arrêt du Conseil d’état daté du 5 juillet 1788, convoqua les États généraux pour le 1° mai 1789. Depuis deux ans Paris et certaines provinces s’agitaient et les émeutes y étaient mollement réprimées. Le Limousin était encore épargné par les mouvements violents mais l’opinion travaillée par une abondance de brochures et de libelles s’y habituait comme ailleurs aux idées révolutionnaires. La subversion préparait l’insurrection. La réunion d’une assemblée provinciale à Limoges en 1787 n’avait été qu’un feu de paille, elle ne tînt qu’une seule séance. Mais il existait dans la région une volonté diffuse de desserrer l’étau de l’administration royale. Fin 1788 une ligue de la noblesse de Guyenne, à laquelle adhérait certains Limousins, réclamait la reconstitution du duché d’Aquitaine avec des États généraux souverains. Ce projet autonomiste rencontrait quelques échos au sein du tiers-état et opposait les notables locaux aux fonctionnaires royaux. Il n’était pas oublié au moment de la convocation des Etats Généraux.

Le règlement du 24 janvier

Le règlement du Roi sur la convocation des États généraux fut promulgué le 24 janvier 1789. Il constitue la base de toute l’histoire de la convocation et tous les textes postérieurs s’y réfèrent. L’article premier charge les gouverneurs généraux de province de transmettre aux grands sénéchaux les lettres royales et autres pièces relatives à la convocation. L’article II distingue les sénéchaussées principales, où se tiendront les assemblées, des sénéchaussées secondaires qui n’auront pas cet honneur. Limoges est sénéchaussée principale pour le Haut-Limousin, Tulle pour le Bas-Limousin, Saint Yrieix est secondaire de Limoges, Brives et Uzerche sont secondaires de Tulle.

Qui doit comparaître avec la noblesse ?

Faute d’un catalogue de la noblesse, dont la réalisation envisagée depuis Colbert ne sera jamais réalisé, la réponse est difficile. Les articles XII et XVI relatifs à la noblesse ne sont pas clairs. Le premier prévoit l’assignation de tous les nobles possédant fiefs. Le second stipule que tous les nobles non possédant fiefs ayant la noblesse acquise et transmissible peuvent participer personnellement aux assemblées, mais non s’y faire représenter. En première lecture, il semble que le rédacteur ait voulu se montrer moins exigeant à l’égard des possesseurs de fiefs. Mais cette interprétation contredirait un droit, constant depuis plus de deux siècles, qui dissocie la noblesse de la possession des fiefs. Le texte devient plus compréhensible si l’on distingue l’assignation de la comparution. L’assignation est établie à partir d’un état des fiefs dont les propriétaires sont supposés nobles, mais dont l’administration ne connaît pas toujours le statut exact, car nombre d’entre eux résident hors de la province. La comparution en revanche est réservée à la noblesse achevée (désignée comme acquise et transmissible). Plusieurs grands sénéchaux indécis quant à l’interprétation à donner au règlement écrivirent à Charles Louis Barentin, garde des sceaux, pour lui demander des précisions. Le duc de Crillon fit valoir que le règlement de convocation n’exigeant pas la noblesse acquise et transmissible  » on présume que les anoblis possédant fiefs doivent être convoqués « . La réponse de Barentin est formelle :  » les uns et les autres pour s’unir à l’assemblée du bailliage, doivent avoir la noblesse acquise et transmissible « . Dans le même esprit il opposa une fin de non-recevoir à la réclamation des Trésoriers de France de Poitiers qui se plaignaient de ne pas être admis à voter avec la noblesse. L’ensemble des réponses du Garde des sceaux aurait pu constituer une jurisprudence susceptible d’éclairer les sénéchaussées mais les courts délais impartis pour la convocation ne permirent pas de travailler avec rigueur. Afin de gagner du temps l’article 42 du règlement du 24 janvier prévoyait que :  » S’il s’élève quelques difficultés sur la justification des titres et qualités de quelques uns qui se présentent pour être admis dans l’ordre de la noblesse, les difficultés seront décidées provisoirement par le Sénéchal, sans que la décision puisse servir ou préjudicier dans aucun cas.  » A Limoges, le Grand Sénéchal, usant de la latitude qui lui est ainsi accordée admet les trésoriers de France mais cette décision sera contestée par plusieurs membres de l’ordre.La vérification des titres effectuée en quelques heures lors de la première séance, à Limoges comme à Tulle, fut superficielle. Comme au temps jadis, nobilitas est per solam famam . Pour cette raison la comparution aux États généraux avec la noblesse ne constitue pas une preuve de noblesse, au sens strict, tout au plus une présomption. Les femmes, veuves ou filles possédant fiefs, ainsi que les mineurs peuvent se faire représenter en donnant procuration à un membre de l’ordre présent. Chaque noble, présent ou représenté, ne dispose que d’une seule voix dans chaque sénéchaussée. Mais, en dépit de la position exprimée par le Garde des sceaux, qui lie le vote à la résidence et au paiement de la capitation, convoqué en plusieurs sénéchaussées, pour des fiefs différents, il dispose d’un droit de vote dans chacune d’elle; nous en avons maints exemples.

Les assemblées de la noblesse

La participation aux États généraux représente la dernière occasion pour la noblesse d’agir en corps constitué. La composition des assemblées donne donc l’ultime image de la composition du deuxième ordre avant sa disparition. Les familles nobles qui s’abstinrent de comparaître, ou de donner procuration, furent rares, car cette absence aurait pu par la suite être invoquée contre elles et tenue pour une renonciation à leur qualité.A Limoges la noblesse se réunit sous la présidence de Messire Claude Etienne Annet, comte des Roys, ancien capitaine de cavalerie, baron des Enclos, sgr de Chandelis et de Saint Cyr, grand sénéchal du Haut-Limousin. Le Garde des sceaux avait fait savoir au Marquis du Saillant que :  » quoique pourvu de la charge de grand sénéchal du Haut et Bas-Limousin, n’étant pas reçu, il ne pouvait ni convoquer la noblesse ni la présider « . Le comte des Roys fut assisté par: Guillaume Grégoire de Roulhac, écuyer, sgr de Laborie et de Faugeras, conseiller du Roi, lieutenant général de la sénéchaussée et siège présidial de Limoges; Pierre Lamy, écuyer, sgr de La Chapelle, procureur du Roi au siège présidial de Limoges; Jean Baptiste Boysse de La Maison-Rouge, conseiller du Roi, greffier en chef. Les séances se tinrent dans  » la grande salle des exercices du collège « .Furent présents ou représentés : 181 nobles possédant fiefs, 24 nobles sans fief, 2 prêtres et 46 femmes possédant fiefs. Défaut fut donné contre 33 nobles. A Tulle également la présidence des assemblées fut refusée aux Lasteyrie du Saillant et accordée à Adrien Jean Élisabeth, baron de Lubersac, capitaine de dragons, reconnu comme exerçant les fonctions de grand-sénéchal du Bas-Limousin. Il fut assisté par: N. de Fénis de Laprade, écuyer, président du Présidial, secrétaire de la noblesse et Antoine de Lafagerdie, sgr de Saint Germain, écuyer, conseiller au parlement de Bordeaux (?). Les séances se tinrent dans la salle des Théatins, du 17 au 23 mars.Furent présents : 136 nobles, possédant fiefs ou non ; furent représentés 110 nobles, un prêtre et 31 dames possédant fiefs.Le règlement du 24 janvier stipulait que :  » Le Roi appelle au droit d’être élus pour députer la noblesse tous les membres de cet ordres indistinctement, propriétaires ou non propriétaires. Furent élus comme députés de la noblesse aux États généraux:à Limoges: Louis François Marie de Perusse, comte des Cars et de Saint Bonnet… premier baron du Limousin… Maréchal de camp, commandant la province du Haut et Bas-Limousin, premier maître d’hôtel du Roi; le vicomte de Mirabeau, colonel du régiment de Touraine-infanterie; le Comte des Roys, sénéchal du Haut-Limousin, comme suppléant.à Tulle: Etienne François Charles de Jaucen, baron de Poissac, conseiller au parlement de Bordeaux (par 144 voix contre 121 au duc d’Ayen après une campagne électorale agitée); Gilbert Hyacinthe Scolastique, vicomte de Laqueuille, major au régiment de Picardie-cavalerie; Louis Maurice Joseph, comte de Lentilhac de Sédières, comme suppléant.Les mandats donnés aux députés en mars 1789 étaient des mandats impératifs qui imposaient aux élus leurs votes à l’assemblée et les empêchaient de trahir leurs électeurs. Un règlement du 27 juin 1789 interdit cette sage précaution et les nobles du Limousin se réunirent une seconde fois le 26 juillet pour voter, à contre cœur, des pouvoirs illimités à leurs députés.

Les membres de la noblesse présents ou représentés

Les noms des participants à l’assemblée de Limoges sont connus par le procès-verbal des séances, conservé aux archives nationales, qui les désigne de façon complète avec tous leurs prénoms, titres, seigneuries, grades militaires et charges. Les procurations sont conservées aux archives départementales. A Tulle il est plus difficile d’identifier les comparants car nous ne possédons que leur signatures sur le cahier de doléances en mars et sur les nouveaux pouvoirs donnés aux députés en juillet 1789 mais les personnes ayant données procuration sont bien connues car leurs procurations, très complètes, établies devant notaire, sont conservées aux archives de la Corrèze.Les listes qui suivent ont été dressées à partir de l’ouvrage de Louis de La Roque et Édouard de Barthélémy, publié en 1863, elles ont été classées par ordre alphabétiques pour faciliter les recherches, complétées, et rectifiées pour quelques orthographes à partir des documents conservées sous les références: AN Ba 84 BIII 73 2, AD 19 3F 26, AD 87 B 537, AD 19 B 955-956. Les notices ont été allégées des renseignements non essentiels pour l’identification, en particulier des qualifications nobiliaires. Notons que l’emploi de celles-ci n’est pas systématique quand le comparant a d’autres titres à faire valoir, en particulier des grades militaires. Ces omissions ont elles un sens? La question mériterait une étude particulière à laquelle je ne me suis pas livré. Nous recensons 546 personnes qui ont participé, ou qui auraient pu participer, aux assemblées de la noblesse en Limousin. Le nombre de familles est moindre car la plupart d’entre elles sont représentées par plusieurs de leurs membres. Nous découvrons dans ces listes la présence de noms qui ne sont apparus dans aucun des chapitres précédents, il s’agit en général de possesseurs de fiefs n’ayant pas leur principal établissement en Limousin, ou de nouveaux venus dans la province.Si, tenant compte de l’augmentation de population de la province et du mode différent de convocation, nous rapprochons ce chiffre des 206 comparutions à la convocation du  » ban et arrière-ban  » de 1470, nous constatons que l’inflation nobiliaire a été réduite sinon nulle. En revanche, il semble que, par le jeu des migrations, des extinctions, des dérogeances et des anoblissements, la population noble se soit renouvelée à plus de 90% en trois siècles.