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LETTRES D’ANOBLISSEMENT ACCORDÉES A JEANNE D’ARC ET SA FAMILLE

LA MISSION DE JEANNE D'ARC

Ces lettres furent données à Mehun-sur-Yèvre, près de Bourges (Cher), par Charles VII (1403-1461), au mois de décembre 1429. Elles concernent aussi bien la Pucelle d’Orléans que sa famille, c’est-à-dire le père, la mère et les frères de Jeanne :

Charles, par la grâce de Dieu roi de France, pour perpétuelle mémoire. A cette fin de glorifier les très abondantes et insignes faveurs dont le Très-Haut nous a comblé, et que, nous l’espérons, sa divine miséricorde daignera nous continuer, par le moyen et le concours éclatant de la Pucelle, notre chère et bien aimée Jeanne d’Arc, de Domremy, au bailliage de Chaumont ou dans son ressort, et pour célébrer à la fois les mérites de ladite Pucelle et les louanges divines, nous estimons convenable et opportun de l’élever, elle et toute sa parenté , aux honneurs et dignités de notre majesté royale, de sorte que, illustrée par la grâce divine, elle laisse à sa race un souvenir précieux de notre royale libéralité, et que la gloire de Dieu ainsi que la renommée de tant de bienfaits se perpétue et s’accroisse dans tous les siècles.
C’est pourquoi nous faisons savoir à tous, présents et à venir, que, eu égard à ce que dessus, considérant en outre les agréables, nombreux et recommandables services que Jeanne la Pucelle a déjà rendus et rendra à l’avenir, nous l’espérons, à nous et à notre royaume, et pour autres certaines causes à ce nous mouvant, nous avons anobli ladite Pucelle, Jacques d’Arc dudit lieu de Domremy et Isabeau sa femme, ses père et mère, Jacquemin et Jean d’Arc et Pierre Pierrelot ses frères, et toute sa parenté et lignage, et, en faveur et contemplation d’icelle Jeanne, toute leur postérité mâle et femelle, née et à naître, en légitime mariage, et par les présentes, de notre grâce spéciale, certaine science et puissance, les anoblissons et déclarons nobles; voulant que ladite Pucelle, lesdits Jacques, Isabeau, Jacquemin, Jean et Pierre, et toute la postérité et lignage de ladite Pucelle ainsi que les enfants d’eux, nés et à naître, soient par tous tenus et réputés nobles, dans leurs actes, en justice et hors justice, et qu’ils jouissent et usent paisiblement des privilèges, franchises, prérogatives et autres droits, dont sont accoutumés de jouir, en notre royaume, les autres nobles, extraits de noble lignée, lesquels et leur dite postérité nous faisons participer à la condition des autres nobles de notre royaume, nés de noble race, nonobstant qu’ils n’aient, comme dit est, une origine noble, et qu’ils soient peut-être d’autre condition que de condition libre.

Voulant aussi que les susnommés, ladite parenté et lignage de la Pucelle, et leur postérité mâle et femelle puissent quand et toutes fois qu’il leur plaira, obtenir et recevoir de tout chevalier les insignes de la chevalerie. Leur permettant en outre, à eux et à leur postérité tant masculine que féminine, née et à naître en légitime mariage, d’acquérir des personnes nobles et autres quelconques tous fiefs, arrière-fiefs et bien nobles, lesquels, acquis ou à acquérir, ils pourront et leur sera permis avoir, tenir et posséder à toujours, sans qu’ils puissent être contraints, maintenant ni au temps à venir, à s’en dessaisir par faute de noblesse.

Pour lequel anoblissement ils ne seront en aucune façon tenus ni forcés de payer aucune finance à nous ni à nos successeurs; de laquelle finance, en considération et regard de leurs ancêtres, nous avons de pleine grâce fait don et remise aux susnommés et à ladite parenté et lignage de la Pucelle, et par les présentes leur en faisons don et remise, nonobstant toutes ordonnances, statuts, édits, usages, révocations, coutumes, inhibitions et mandements, faits ou à faire, à ce contraires.

Pour quoi, nous donnons en mandement par lesdites présentes à nos amés et féaux les gens de nos comptes, aux trésoriers généraux et commissaires ordonnés ou à ordonner sur le fait de nos finances, et au bailli dudit bailliage de Chaumont, et à nos autres justiciers ou leurs lieutenants présents et à venir, et à chacun d’eux, en tant qu’il lui appartiendra, qu’ils fassent et laissent ladite Jeanne la Pucelle, lesdits Jacques, Isabeau, Jacquemin, Jean et Pierre, toute la parenté et lignage de ladite Pucelle, et leur postérité susdite, née et à naître, comme dit est, en légitime mariage, jouir et user paisiblement de nos présente grâce, anoblissement et octroi, maintenant et au temps avenir, sans leur faire ni souffrir qu’il leur soit fait aucun trouble ni empêchement contre la teneur des présentes.

Et pour que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait apposer aux présentes notre sceau en l’absence de notre grand sceau, sauf en autres choses notre droit et le droit d’autrui en toutes.

Donné à Meun sur Yèvre, au mois de décembre, l’an du Seigneur mil quatre cent vingt neuf et de notre règne le huitième.

Sur le repli : Par le Roi, l’évêque de Séez, les Sieurs de la Trémoille, de Trêves et autres présents. Signées Mallière, et scellées sur lacs de soie rouge et verte du grand sceau de cire verte.

Et plus bas : Expédiée en la chambre des comptes du Roi, le seizième du mois de janvier, l’an du Seigneur mil quatre cent vingt neuf et y enregistrée au livre des chartes du temps, folio CXXI. Signé A. Gréelle.

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NOTICES SUR LES FAMILLES NOBLES DE POLOGNE

Depuis longtemps ces notices sur les familles illustres de la Pologne avaient été réunies, lorsque la publication des notices sur les principales familles de la Russie fit penser à l’auteur de ces notes sur les familles titrées de la Pologne, qu’elles seraient un complément naturel de l’ouvrage du comte de Almagro. En effet, la Pologne et la Russie, tantôt comme ennemies, tantôt comme ayant des intérêts communs, ont toujours été dans des rapports constants et intimes : enfin la domination polonaise longtemps établie dans une grande partie des provinces russes, et maintenant la réunion de la principale moitié de la Pologne au sceptre moscovite, ont tellement confondu l’histoire de ces deux pays, qu’il devient également impossible de séparer les souvenirs des familles qui ont illustré ces deux nations.

Qu’on ne s’y méprenne pas : il s’agit ici des rapports forcés que la volonté divine a établis entre deux peuples voisins et obéissant aujourd’hui à un même souverain, et nullement d’un rapprochement entre la vieille noblesse indépendante de la Pologne et la classe privilégiée désignée sous le même nom en Russie. La Russie a eu ses kniaz, ses boyards, mais elle n’a jamais eu de noblesse. Elle est le seul pays de l’Europe auquel cette gloire immortelle ait manqué. Car il ne faut pas seulement voir dans la noblesse une classe jouissant de grands privilèges, accaparant les honneurs et la puissance, telle enfin que l’ont représentée ses détracteurs qui n’avaient d’intérêts qu’a faire ressortir ses abus ; il faut y voir, et alors on la vénère, un corps soumis aux règles les plus généreuses de l’honneur et de la religion chrétienne, alors qu’une barbarie cruelle dégradait tous les peuples : un corps dont chaque membre ennobli, épuré par le baptême de la chevalerie, prêtait le sublime serment de protéger le faible contre la férocité brutale du fort, de périr en défendant sa patrie et sa foi : un corps enfin auquel les nations ont dû la conservation et le développement de tous ces sentiments d’honneur, de justice, d’affabilité et de goût qui, ont fait naître cette civilisation raffinée dont nous nous enorgueillissons aujourd’hui.

C’est à cause de ces immenses bienfaits que le cœur reconnaissant et la saine raison des peuples a conservé à cette noble classe un respect que n’ont pu détruire ni les abus, inévitables malheurs de l’imperfection humaine, ni les révolutions, ces tombeaux du passé, ni l’acharnement délétère de ses envieux détracteurs. La Russie, avec ses habitudes tout asiatiques, a eu des satrapes et des esclaves, des hommes pour commander, d’autres pour obéir ; mais jamais elle n’a connu cette institution bienfaisante, inspirée aux puissants de la terre par l’étincelle divine qui anime notre âme, cette association sublime qui avait pour règles l’honneur et la foi, et qui est le berceau unique de toute noblesse. Aux XIIe et XIIIe siècles, lorsque la chevalerie brillait de cet éclat puissant dont les derniers rayons viennent encore à travers les siècles éclairer les ruines du passé, les Moscovites gémissaient sous le joug des Mongols ; vers la fin du XIIIe siècle, ils chassèrent à la vérité ces barbares de l’Asie, mais ils n’en restèrent pas moins soumis à leurs habitudes, à leurs mœurs, à leur barbarie. Leur unique distinction sociale était dans la possession : les privilégiés, ceux qui possédaient beaucoup n’étaient unis par aucune règle commune, par aucun but généreux, élevé ; la conservation de leurs terres, de leurs richesses, et le soin de les augmenter, les occupaient uniquement. Aussi lorsque sous la forme humaine d’Iwan le Cruel ; la tyrannie la plus extravagante vint peser sur le pays, les grands ne trouvèrent pour lui résister ni force ni vertus en eux-mêmes, ni crédit ni soutien dans le peuple. Si la Russie avait eu une noblesse, un tel abandon de tous ses devoirs envers la patrie l’eût rendue indigne de ce beau nom : mais elle n’en avait point, et en s’abaissant de la manière la plus honteuse, les kniaz et les boyards restèrent toujours les grands de l’empire. Pierre le Grand, jaloux de cette civilisation qui faisait si noblement briller toutes les nations d’Europe, tandis que seuls ses sujets étaient restés dans leur primitive et sauvage barbarie, résolut de leur donner au moins l’apparence de tous ces avantages qui leur manquaient. Pour abuser le monde et ne point rougir de cette infériorité, il revêtit de noms européens les institutions et les distinctions de son pays ; ses kniaz et ses boyards furent déguisés sous les titres civilisés de comtes et de princes, comme le souverain avait fait disparaître son nom barbare de czar pour le remplacer par le titre pompeux d’empereur.
Ces nouveaux titres furent accompagnés de brillantes armoiries, et la Russie s’imagina elle-même posséder une noblesse, parce qu’elle s’en était appropriée les insignes : comme s’il suffisait de se revêtir du costume d’une dignité et d’en usurper le nom, pour acquérir le droit de s’en parer.

Mais la Russie dans sa misère n’aspire qu’a se tromper elle-même et à tromper les autres ; c’est le même système dans toutes les branches de son administration : ses archives renferment les longues listes de ses nobles, et la splendide reliure du livre de velours cache la pauvreté de son contenu ; les bureaux de la guerre contiennent la nomenclature de régiments innombrables ; ceux de l’intérieur, des devis de valeurs intarissables ; l’empereur en voyageant croit traverser des contrées couvertes de population ; dans tout cela rien n’est réel : dans les registres des noms, mais pas de noblesse ; les cadres de l’armée ne sont point remplis et ne peuvent pas l’être ; les revenus ne sont en rapport ni avec l’étendue du pays ni avec les mesures arbitraires employées pour les obtenir ; et le populations amenées sur le passage du souverain vont, dès qu’il a passé, peupler d’autres déserts dont il se propose de visiter les habitants. Pierre 1er crut qu’il suffirait de sa volonté pour créer une noblesse : cette erreur était le résultat de l’aveuglement que cause l’exercice d’une volonté qui ne connaît point de bornes. Mais un ukaze ne peut créer une noblesse pas plus qu’une civilisation, et voilà pourquoi la Russie ne possède ni l’une ni l’autre, quoiqu’on ait cherché à lui donner l’apparence de toutes deux. Le czar oublia ou ne voulut pas se rappeler, qu’il est des choses qui pour exister ont dû naître et se développer dans un temps et sous des conditions données, et que pour avoir quelque valeur elles ont besoin d’être reconnues par tous. L’institution de la noblesse est une de ces choses : c’est à l’exercice des saintes obligations de la chevalerie qu’elle a dû son existence. Là où il n’y a pas eu de chevalerie, il ne peut pas y avoir de noblesse, car on ne peut donner le même nom à des distinctions de nature te d’origines toutes différentes. Suffirait-il aujourd’hui que le sultan investisse du titre de nobles tous les employés de ses pachalics pour que l’Europe les confonde avec les antiques races de ses gentilshommes ? Les princes et les comtes russes eux-mêmes s’indigneraient peut-être d’une pareille identité, et Dieu sait cependant s’ils en auraient le droit !

La bienfaisante influence de la chevalerie, cet unique berceau de toute noblesse, s’est arrêtée aux limites orientales de la Pologne. Mais ici, comme dans les royaumes de l’Occident, cette association des puissants de l’État dans un but d’intérêt général et de vertueuses pratiques, a porté de nobles fruits. Grâce à elle, la Pologne est restée pendant huit siècle une barrière infranchissable pour cette sauvage barbarie du Nord qui tentait sans cesse d’envahir l’Europe, et qui, envoyant à la conquête ses innombrables hordes, fut toujours refoulée par la chevalerie polonaise, tandis que celle des autres pays combattait loin de ses foyers dans l’intérêt de la foi. C’est avec son sang pour la défense et pour la cause de tous les peuples civilisés que la noblesse de Pologne a écrit ses diplômes ; voilà pourquoi elle peut s’égaler sans crainte à la brillante noblesse de France, d’Allemagne, de tout l’occident de l’Europe enfin, car toutes ont acquis une gloire égale en combattant pour la même cause, e obéissant aux mêmes serments.
A partir des premières années du XVe siècle, la noblesse lithuanienne a glorieusement contribué aux exploits de la chevalerie polonaise, lorsque celle-ci eût adopté dans son sein les premiers d’entre les seigneurs de la Lithuanie, après que ce duché eût été réuni à la Pologne et converti au christianisme. Mais de cette époque seulement date l’illustration nobiliaire des familles lithuaniennes, car alors seulement elles furent initiées aux belles institutions de la chevalerie ; et c’est un soin bien inutile que se donnent quelques-unes d’entre elles que de rechercher au delà de ce temps une généalogie par laquelle elles essaient de reculer et de grandir leur origine. Comme tous les hommes, les Lithuaniens, descendent sans doute d’Adam, et ont une égale ancienneté d’existence. Mais comme nobles, ils ne datent que du jour où embrassant la vrai foi, ils furent admis à l’honneur de faire partie du corps de la noblesse polonaise, et ne doivent jamais oublier que celle-ci est leur aînée, et les a précédés dans cette glorieuse carrière par cinq cent ans d’illustration.
La Pologne n’est plus, mais les Polonais existent encore. Tant que ce nom et les sentiments qu’il réveille dans les cœurs généreux, subsisteront, qui peut affirmer que le Pologne ne se relèvera point une fois encore de ses ruines ? Tout au contraire doit le faire croire. D’une part le gouvernement russe basé sur un despotisme déraisonnable et contre nature ne doit sa tranquillité précaire qu’à la sévère et souvent cruelle tyrannie de son chef, ainsi qu’à l’abrutissement moral et à la lâcheté d’un peuple qui se soumet à un joug injurieux. Un système aussi forcé n’offre guère de garantie de durée, et une réaction terrible se prépare pour le temps où le souverain impuissant ou las de punir ne pourra plus contenir son peuple, et ses grands indignés enfin eux-mêmes de leur long abaissement. Les crimes qui se sont succédés depuis l’avènement des Romanow et qui ont inauguré chaque nouveau règne depuis cette époque sont des gages certains de bouleversements plus grands, et il faut l’espérer plus légitimes. Le tocsin d’une révolution générale en Russie sonnera également l’heure de la résurrection de la Pologne. D’autre part les puissances copartageantes, qui s’étaient unies à la Russie dans un but de spoliation, qui s’étaient unies à la Russie dans un but de spoliation lors du démembrement de la Pologne, et dont l’alliance fut resserrée depuis par le besoin d’une défense commune contre le pouvoir envahissant de Napoléon, alliance qui existe encore en partie et qui fut d’un si grand secours pour le czar lors de la dernière guerre en Pologne, commencent à voir que cette union commandée par un intérêt momentané deviendrait nuisible et dangereuse pour leur pouvoir, maintenant que ce motif n’existe plus. Un reste d’habitude, des intérêts passagers et des liens de famille prolongent seuls encore cet accord apparent de l’Autriche et de la Prusse avec la Russie, que les besoins d’une politique sage doivent nécessairement faire rompre par les deux premières. Ces traités, résultats d’évènements dès longtemps accomplis, doivent céder chez elles à des alliances d’un intérêt constant avec les puissances d’Occident ; alliances inévitables et durables, puisqu’elles n’auront plus pour motif un événement passager, mais bien l’éternelle union de la civilisation contre la barbarie.

Il n’est plus personne, quelque peu initié aux questions politiques qu’il soit, qui ne comprenne que tous les intérêts matériels de l’Autriche doivent la séparer constamment de la Russie. Indépendamment du germe ancien et constant de rivalité entre ces deux gouvernements, que referme la vieille question de suprématie en Orient, et dont le dénouement semble tôt ou tard devoir se compliquer d’une question de possession en Turquie, l’Autriche a de plus récents sujets de défiance contre son alliée. On a vu en effet récemment dans les provinces slaves de l’empire autrichien un nouveau ferment s’agiter et grandir ; sous ce gouvernement connu pour aimer et respecter les usages, les institutions, les privilèges mêmes de ses provinces, autant qu’ils sont compatibles avec les intérêts de l’empire tout entier, on entend réclamer de nouvelles garanties de nationalité, et des voix indiscrètes, peut-être même coupables, ont appelé toutes les peuplades slaves à se réunir pour ne former qu’un seul empire sous le patronage du plus étendu des États slaves d’aujourd’hui, c’est-à-dire sous le joug de la Russie. Sans doute le sage gouvernement qui régit l’Autriche a depuis longtemps apprécié la cause d’un pareil langage, qu’on ne peut certes pas attribuer à la sympathie qu’inspire en général le régime moscovite ; et sans doute aussi cette appréciation l’amènera-t-elle forcément à reconnaître cette vieille vérité qu’un ennemi ouvert est encore préférable à un ami douteux. Fasse la Providence que le gouvernement de l’Autriche puisse déjouer à temps les astucieux projets de la Russie ; puisse-t-elle surtout détourner des peuplades slaves cet esprit de vertige qui, sous une fausse apparence de nationalité, les livrerait au joug le plus honteux.
Car vainement elles espéreraient modifier in système qui fait l’indignation des peuples civilisés : elles seraient soumises par lui, comme trop souvent, hélas ! on voit ici bas la vérité trop faible dominée par l’injustice puissante.
Maintenant qu’on ne vienne pas dire qu’une conformité de principes doit unir le cabinet de Vienne à celui de Pétersbourg : on trouve au contraire dissemblance complète. Peut-on comparer au gouvernement réputé absolu, il est vrai, mais irrévocablement lié à des lois, à des usages qu’il ne peut enfreindre, à l’opinion publique qu’il ne peut pas braver, qu’il ne souhaite même pas de méconnaître, un gouvernement dont le chef comme un véritable père de famille reçoit lui-même les plaintes du plus humble de ses sujets, redresse les injustices commises envers ceux qu’il considère comme ses enfants, et qui console ceux qu’il ne peut aider? Peut-on le comparer à cet autre gouvernement dont la volonté capricieuse d’ un seul est l’unique loi, qui n’a point laissé développer dans ses peuples d’autres usages régulateurs qu’une obéissance stupide, et qui dès longtemps a fait périr l’opinion publique en l’abreuvant de ses mépris; dont enfin le chef se révèle à ses sujets par d’indispensables et constantes rigueurs?Et ces deux gouvernements si différents par leur essence, si différents dans leurs procédés, obéiraient aux mêmes principes?Cela n’est pas croyable. Tous deux à la vérité se sont posés dans les derniers événements qui ont agité l’Europe, comme défenseurs de la légitimité: l’Autriche l’a fait avec cette mesure et cette sagesse d’un gouvernement qui a un principe arrêté mais qui n’a pas la prétention de vaincre la marche fatale et irrésistible des événements; la Russie au contraire dominée par un intérêt momentané y mis cette exagération et cette fanfaronnade qui veut faire croire à des principes qu’on n’a pas. Que l’empereur d’Autriche en effet soutienne le principe de légitimité et même du droit divin, personne ne s’en étonne: mais que le czar moscovite se croie la vocation et le droit de devenir le champion de ce même principe, c’est ce qui pour le moins peut paraître extraordinaire, lorsqu’il est assis sur ce trône où l’on reconnaît encore chacune des taches du sang de ses prédécesseurs, sur un trône qui depuis longtemps n’est plus le jouet sanglant de quelques conspirateurs! Loin de moi la pensée de blâmer dans l’autocrate russe ce retour vers un principe qui consacre l’existence d’un droit en dehors de sa volonté, et qui commande la fidélité; seulement pour faire croire à la sincérité d’un retour qui renie un passé déplorable, il faudrait le manifester d’une manière humble et modeste, comme il convient à un grand pécheur qui veut racheter et faire oublier ses fautes, et non avec cet orgueil déplacé, qui en ajoute une nouvelle aux anciennes dont il ravive le souvenir. Quel espoir doit-on garder à cet égard quand on a vu le plus noble, le plus vertueux, le seul peut-être des monarques de la Russie dont on ait à faire cet éloge, ne pouvoir échapper à l’influence de traditions funestes, ni trouver de sauvegarde dans les qualités de son cœur généreux et clément. Qu’on se souvienne par quel crime Alexandre fut porté sur le trône, et par quel attentat il en est descendu! Si l’union de l’Autriche et de la Russie n’offre aucune garantie de durée, celle de la Russie et de la Prusse en offre moins encore. Outre les motifs d’éloignement envers la Russie, communs aux deux puissants États de l’Allemagne, la nation prussienne éprouve contre sa barbare voisine, un sentiment universel et légitime d’aversion qu’elle fait éclater à chaque occasion, et que ne peuvent contrebalancer des liens momentanés de famille qui, du reste, vont en s’affaiblissant, tandis que la haine populaire grandit. Dans un pays dont l’administration et les institutions sont aussi libérales qu’elles sont en Prusse, je dis libérales dans la plus saine et la meilleure acceptation de ce mot, qui laisse aux mœurs, à l’industrie et aux idées, la faculté de se développer dans tout ce qui est utile et qui ne leur impose de limites que lorsqu’elles s’égarent d’une manière nuisible; dans un tel pays, l’opinion publique a une puissance que rien ne saurait balancer, que le souverain, quoique absolu en principe, ne saurait méconnaître sans danger, et à laquelle un gouvernement aussi conciliateur et aussi prévoyant que celui de la Prusse, fait des concessions quelquefois lentes, mais continuelles C’est dans cette rupture inévitable de deux des gouvernements co-partageants avec le troisième et principal complice de cet acte injuste, que la Pologne doit mettre tout son espoir, soit d’entière résurrection, soit du moins de nationalité. A Dieu ne plaise que je me fasse jamais l’apôtre d’une pensée de révolte; loin de moi l’idée de prêcher l’insurrection et le trouble, et de vouloir attaquer l’existence légitime des faits accomplis et consacrés par le temps et les traités. Ce qui naît d’une manière illégale, porte en soi-même le germe de sa destruction. Si quelque chose pouvait compromettre dans l’avenir la cause de la Pologne, ce qui pourrait resserer de nouveau les liens relâchés de ses spoliateurs, ce serait précisement cet esprit de turbulence qui, voulant profiter des premiers embarras d’une mésintelligence, leur ferait oublier leurs querelles pour s’opposer à un danger commun. Une noble cause, comme celle de la nationalité polonaise, ne doit triompher que par des moyens justes. Alors seulement son triomphe sera durable.Elle doit triompher et elle triomphera par la volonté, le concours et l’appui des puissances même qui, pour diminuer la proie de la Russie, se sont associés à son acte de spoliation; elle triomphera lorsque ces puissances seront convaincus de trouver en elle une alliée fidèle, dévouée; lorsque par cette fidélité et ce dévouement, elle aura réveillé chez celles-ci le remords d’un acte injuste; lorsque enfin ces puissances se seront assuré que les avantages matériels attachés à la possession de quelques provinces de plus, sont loin de balancer les dangers qu’amènent un contact immédiat avec un Etat à la fois pervers, ambitieux et barbare. Alors, mais alors seulement, et après s’être montrée reconnaissante envers les pays dont les gouvernements lui ont été doux et bienveillants, la nationalité polonaise, encouragée et soutenue par eux, renaîtra de ses ruines; elle renaîtra lorsque ses deux protectrices naturelles, qui furent autrefois aussi protégées par elle, auront mis à l’épreuve sa loyauté, son dévouement; lorsque enfin elles seront convaincues qu’elles ne peuvent mieux s’abriter contre la barbarie, et la corruption et les hordes du nord , qu’en leur opposant ces impérissables rancunes nationales, qui sont contre les invasions des murs vivants et impénétrables! Peu importe que cette existence nouvelle se développe sous un régime de complète indépendance, ou bien encore sous une forme de soumission aux gouvernements qui l’auront provoquée. L’essentiel, c’est que l’esprit national de la Pologne se sera relevé, qu’il se sentira protégé, encouragé, étendu: et le loyal et bon usage qui en sera fait, méritera sans doute à cet infortuné pays, cette divine protection, qui seule peut faire changer des jours de persécution et de malheurs, en des jours de joie et de prospérité. C’est pour ce temps de la renaissance de la Pologne surtout que ces notices ont été écrites. Soit en effet que la Pologne recouvre son entière indépendance, soit que moins heureuse elle n’obtienne sous une domination étrangère, mais amie, que le libre développement de ses usages, de ses priviléges, de son esprit national, elle retrouvera dans cette courte nomenclature les noms de famille illustres, qui ayant contribué naguère à sa grandeur et à sa puissance, se doivent également à sa régénération. Ces noms, en ranimant l’espoir et la confiance dans l’esprit de la nation, rappelleront également à ceux qui les portent, les devoirs qu’ils leur imposent; comme ils guideront aussi les gouvernements qui auront intérêt à relever la nationalité polonaise dans le moyen le plus sûr et le plus facile d’y parvenir, qui est de rendre leur puissance et leur éclat à ces antiques races, dont les vieilles gloires ont poussé dans les coeurs populaires des racines si profondes de reconnaissance et de sympathie. Il y aura bien quelques familles, en petit nombre heureusement.

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LES NOBLES CHANOINES DU CHAPITRE D’AINAY DE LYON (1685-1789)

LES NOBLES CHANOINES DU CHAPITRE D'AINAY DE LYON (1685-1789) (HISTORIQUE ET PREUVES DE NOBLESSE)

INTRODUCTION

L’abbaye d’Ainay était avec le chapitre métropolitain de Lyon dit de Saint-Jean, le seul établissement religieux masculin, si l’on excepte l’ordre de Malte, à recrutement noble du diocèse de Lyon. Et ce, officiellement du moins, depuis bien moins longtemps que son illustre prédécesseur et avec des conditions de noblesse bien moins drastiques. Le chapitre Saint-Jean a donc fait, historiquement parlant, de l’ombre à son petit frère d’Ainay, surtout depuis la rédaction du magistral ouvrage de Beyssac sur les chanoines de Saint-Jean. En effet l’abbaye n’a fait quasiment que l’objet d’études architecturales, méritées, il est vrai tant son caractère unique dans le paysage religieux lyonnais est patent. Il n’y avait donc jusqu’à présent aucun ouvrage concernant les chanoines nobles d’Ainay. Nous avons donc pensé étudier ces ecclésiastiques, dont nous pensions qu’ils avaient bien des différences avec leurs illustres confrères de Saint-Jean. Les preuves de noblesse ne sont obligatoires à Ainay que depuis la sécularisation en 1685, tout d’abord il fallait seulement être fils de gentilhomme, puis vers 1700 il fut décidé qu’il fallait être petit-fils de gentilhomme. Ces conditions de noblesse très peu strictes étaient à l’image d’une grande partie de la noblesse lyonnaise, assez récente et très mêlée avec la roture et le monde marchand. C’était donc le chapitre noble idoine pour une cité telle Lyon.
Dans nos recherches nous avons eu la chance de trouver dans la sous-série 11G des Archives départementales du Rhône une importante collection de dossiers de preuves de noblesse que ce soit les originaux ou les transcriptions sur les registres capitulaires. Nous avons transcrit in extenso ces documents qui concernent un peu plus de la moitié des 76 chanoines répertoriés dans cet ouvrage. Pour le reste nous avons utilisé différents nobiliaires et ouvrages biographiques qui nous ont permis de retrouver les origines d’un autre gros tiers des chanoines d’Ainay. Seule une dizaine de chanoine ne figure dans cet ouvrage que par leur nom et les dates de leur canonicat.
Nous avons donc tenté à travers le présent ouvrage de caractériser un chapitre noble plutôt modeste et urbain sous l’Ancien Régime à travers ses chanoines et leurs comportements que l’on peut voir transparaître à travers les registres capitulaires, documents encore assez peu exploités dans ce sens, qui sont la mémoire des institutions religieuses.

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ARMORIAL HAUT-ALPIN

L’Armorial haut-alpin a pour objet de combler un vide dans les armoriaux français. D’abord intégrée au Royaume de Bourgogne, peu à peu contrôlée par les Dauphins, la région haut-alpine est également tournée vers la Provence, à qui elle a fourni de nombreux immigrants. L’Embrunois n’est devenu définitivement dauphinois qu’au XIIIème siècle, et Tallard a attendu 1503 pour le devenir à son tour. De ce caractère hybride a résulté une certaine négligence de la part des rédacteurs d’armoriaux. Ceux de Provence et du Comtat ont peu traité les familles haut-alpines, vues comme dauphinoises. Le principal armorial de Dauphiné, celui de Rivoire de La Batie, s’est concentré sur le Grésivaudan, le Viennois ou l’Oisans et a négligé la partie méridionale de la province.

Pourtant, les sources disponibles sont abondantes et les archives départementales disposent d’un guide récent, modèle du genre. On doit citer ici les principaux auteurs de travaux généalogiques sur la région, même si. certains de ces travaux ont été utilisés essentiellement pour des recoupements. Car les neuf dixièmes de cet armorial sont basés sur des documents originaux et non sur la recopie passive de sources imprimées antérieures..

Le Chanoine Paul Guillaume, archiviste départemental jusqu’en 1914, a laissé des centaines de tableaux généalogiques, exactement référencés, dans Le Livre de Mémoire, brouillon de ce qui devait probablement être un armorial haut-alpin. Les inventaires détaillés qu’il a fait imprimer (minutes du notaire Mutonis de Gap au XVIe siècle (Série G), minutes des notaires de Savines et de Guillestre (Série E) ou demeurés à l’état de manuscrits (notaires de Gap et des localités du sud et de l’ouest du département en Ms 398), fournissent une masse de renseignements généalogiques, comme aussi les archives des consistoires dissous inventoriés dans la série H.supplément Au total, il a été l’auteur de l’inventaire détaillé d’un millier de volumes de minutes notariales sur les quelque quatre mille qu’il avait réunis. Par ailleurs, son dépouillement et son analyse des cartulaires de Durbon et de Bertaux, ou des archives de l’Argentière, ou de celles de Savines, sont très utiles pour les périodes les plus reculées.

Joseph Roman, érudit local, a laissé, outre de nombreuses copies de documents originaux répertoriés dans le Fonds Amat-Roman (F 2159 à 2256), un ouvrage manuscrit intitulé Critique du nobiliaire du Dauphiné (F 2234), et un recueil de dessins de blasons accompagnant une ébauche d’Armorial des Hautes Alpes commencé par Clément Amat (F 2256).

La Critique, document bien fourni, de style vindicatif, est fort sujette à caution. Les dates des actes cités sont exactes, les filiations ne le sont pas et les erreurs sont très nombreuses, couvrant dans certains cas la totalité de la notice d’une famille. Sans doute ces erreurs eussent-elles été mieux acceptées – seuls ceux qui ne publient rien ne risquent pas d’écrire des sottises – si l’auteur n’avait été aussi méprisant des travaux d’autres chercheurs, dans tes termes souvent inadmissibles. Ceci étant, l’ouvrage rend des services réels, en matière héraldique en particulier. Mais, à l’inverse des travaux de Chanoine Guillaume, il est vierge de toute référence. Les talents de dessinateur de Joseph Roman sont mis en valeur par l’Armorial même si le style héraldique en est périmé. Par ailleurs, les généalogies qu’il a publiées dans différentes livraisons du Bulletin de la Société d’études des Hautes Alpes sont des accumulations d’erreurs et de confusions, non référencées, ou des recopies laborieuses de documents du Cabinet des Titres de la Bibliothèque Nationale, publiées sans le moindre examen critique préalable. La seconde partie de son Tableau historique des Hautes-Alpes, qui résume plusieurs centaines d’actes passés pendant dix siècles, est fort utile pour la période 1350-1500, qui n’est pas couverte par le Regeste dauphinois du Chanoine Ulysse Chevallier. On y trouve en particulier les listes d’hommages de 1400-1450, précieuses pour établir les filiations dans cette période déjà reculée. Tout ce qui précède (560-1350), dont une bonne partie est empruntée aux travaux du chanoine Paul Guillaume (Cartulaires de Durbon et de Bertaux, en particulier) sans que cet auteur soit jamais cité en référence, se trouve, avec beaucoup d’informations supplémentaires, combien mieux référencées, dans le Regeste, recueil évidemment d’une autre valeur scientifique.

Tout autres sont les dossiers généalogiques de Georges de Manteyer. déposés à la Bibliothèque municipale Lyautey de Grenoble. Ceux-l à sont exactement référencés, complets et vérifiables ; ils constituent en fait une source originale . Cela fait particulièrement regretter que, non inventoriés, les travaux de cet auteur, dont certains n’ont pas été ouverts depuis un demi-siècle, dorment à Grenoble dans un parfait oubli. Les dossiers généalogiques, fort exhaustifs, ne portent que sur quelques dizaines de familles, la plupart ancêtres de l’auteur. Quatre autres dossiers sont consacrés à la famille de Flotte. Les fonds consacrés à la terre de Manteyer, à la famille d’Abon, qu’on n’a pu consulter, faute de temps, contiennent certainement quantité d’informations, sur la période médiévale en particulier. Les publications imprimées de Georges de Manteyer sont une autre source. Ainsi l’impressionnant La terre de Jarjayes en Gapençais (933-1588) qui reproduit 510 documents, le Livre-journal tenu par Fazy de Rame ou même les Finances delphinales (1268-1370) sont riches de renseignements sur les familles. La qualité de ces publications ne fait que davantage mettre en valeur la légèreté arrogante des écrits de Joseph Roman en matière généalogique.

Les travaux de M. Jean Imbert, maire de Serres et auteur estimé de l’Histoire de Serres et des Serrois, déposés aux archives départementales (F 4023 à 4034), appellent des réserves. Ils ne sont pas référencés et doivent être utilisés avec prudence. Mais ils demeurent utiles pour les familles, de religion réformée en particulier, du Serrois et des Baronnies voisines. M. François Nicollet, professeur à Gap puis à Aix, a laissé aux archives départementales (Ms 116) le brouillon d’un ouvrage sur la noblesse des Hautes Alpes, qui permet des recoupements. Pour les familles des vallées cédées, on s’est basé essentiellement sur les ouvrages très complets de M. Charles Maurice, qui sont une des rares sources de seconde main de cet armorial. Les Annales des Alpes et le bulletin de la Société d’études des Hautes Alpes sont assez riches en documents d’intérêt généalogique, le plus souvent sérieusement établis, quoique manquant parfois de l’appareil critique sans lequel aucune publication ne devrait prendre place.

Certains chercheurs locaux ou visiteurs ont communiqué leurs travaux à l’auteur. Leur intervention aété précieuse et parfois une leçon d’humilité. Car tous révélaient un soin extrême, une scrupuleuse attention au détail et à l’exactitude, qui démontraient le sérieux des recherches et de leurs auteurs.

Les sources originales utilisées pour l’élaboration de cet armorial sont essentiellement les minutes notariales et les papiers de famille.

Les minutes notariales, dont le dépôt des archives possède près de 10.000 volumes (sous-Série 1 E) ont fourni des milliers d’actes. Les premiers travaux, partant de l’élaboration d’une généalogie familiale, ont beaucoup dû aux brouillons du chanoine Guillaume, surtout après qu’on eut pu décrypter les références utilisées et passer directement aux cotes de la sous-série 1 E. On s’est ensuite concentré sur les notaires d’Embrun, que le chanoine Guillaume n’avait pas traités. Plusieurs déplacements à Digne ont permis de travailler sur les minutes des localités de la rive gauche de la Durance, entre Curbans et Sisteron. Les dépouillements des dernières années ont porté surtout sur le Briançonnais ; ils ont été grandement facilités, voire rendus possibles, par les relevés des contrats de mariage et des testaments effectués par les membres de l’Association généalogique des Hautes Alpes et qui dépassent même le cadre du département. On ne saurait trop remercier leurs auteurs de la patience et de l’altruisme dont ils ont fait preuve en y consacrant leurs efforts. Des réserves doivent toutefois être formulées sur la transcription de certains patronymes. Si l’habitué déchiffre aisément le patronyme erroné, le chercheur étranger à la région risque d’y perdre le fil de sa recherche.

Les papiers de famille des Série F et J des archives départementales ont fourni de nombreux renseignements, des comptes, des livres de raison, des pièces de procès, et des actes manquant dans les registres de notaires.également les riches insinuations de la Sénéchaussée de Sisteron aux archives des Alpes de Haute Provence ont apporté quantité de très utiles recoupements et informations. Il y a encore beaucoup à trouver de tous côtés, dans les cadastres, les archives municipales, les fonds judiciaires, les registres de formalités et ailleurs. Mais l’auteur n’a pas voulu que cet armorial, comme tant d’autres, ne soit jamais achevé et jamais publié. Si incomplet, si inexact soit-il sur certains points – car tous les armoriaux contiennent des erreurs, et celui-ci n’échappe certainement pas à la règle – il fallait le soumettre à ses lecteurs.

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LA NOBLESSE BRETONNE AUX XVe XVIe, RÉFORMATIONS ET MONTRES

LA NOBLESSE BRETONNE AUX XVE ET XVIE SIÈCLES

PRÉFACE

À la fin du Moyen-Age deux signes principaux caractérisent l’état du gentilhomme propriétaire de fief noble : il doit le service militaire et par suite se trouve exempt de tous impôts et subside. D’où deux points à examiner pour le généalogiste : les exemptions d’impôts et les charges du service d’armes ; deux moyens de contrôle à étudier en Bretagne : les réformations des feux et les montres.Les réformations des feux Pas plus que de nos jours, le trésor, au XVe siècle, ne vivait de l’air du temps. Il fallait aux Ducs beaucoup d’argent pour entretenir et faire marcher les services publics, et cet argent, ils étaient obligés de se le procurer d’une façon ou d’une autre ; or la grande source de revenus, celle où ils puisaient à tout moment, c’était le fouage.
Le fouage tirait son nom du bas latin focatium, de focus, foyer. C’est dire qu’il était l’impôt foncier par excellence. Réservé aux paroisses rurales qui formaient l’immense majorité du duché, il ne se prélevait pas dans les villes où l’aide était l à pour le remplacer, et portait ainsi exclusivement sur les paysans roturiers qui exploitaient leurs propres terres. Mais la proportion existant entre l’assiette de l’aide et celle du fouage était injustifiable : tandis que notamment la ville de Rennes avait à fournir 2.000 livres, telle petite paroisse en devait payer à elle seule plus de 800.La répartition des fouages était des moins compliquées. La Bretagne sous Jean V comprenait 33.300 feux, chaque feux représentant trois ménages ; d’où l’on pourrait conclure que les collecteurs à la levée de l’impôt se présentaient dans chaque ménage pour percevoir le tiers d’un feux. Loin de l à, les malheureux officiers auraient perdu la tête au milieu des cotes irrécouvrables, presque toutes les paroisses portant sur leurs rôles un chiffre officiel de feux contributifs qui dépassait de beaucoup le chiffre réel. Le principe de la recette rendait celle-ci excessivement simple. » Chaque paroisse rurale, dit Dupuy, suivant son importance représente un nombre déterminé de feux. Ainsi la paroisse de Guer en compte 108, celle de Pourpriac 180, celle de Saint-Méen 50. Par suite, la répartition du fouage est facile. Les états de 1481 ont voté un fouage de 7 livres 7 sous par feu. Il est clair qu’ à Saint-Méen » les contributifs ont à tailler et à égailler entre eux  » 367 livres 10 sous. L’égail est fait par les notables d’après les rôles dressés  » par le clerc et greffier pour faire les rôles desdits fouages » . La collecte est adjugée au rabais à des gens solvables. S’il ne se présente pas d’adjudication la fabrique désigne d’elle-même un collecteur d’office dont elle fixe le salaire. Le 21ème denier du fouage sert à couvrir les frais de perception. Ainsi sur un fouage de 7 livres 7 sous, l’état ne reçoit que 7 livres par feu. La somme recueillie dans chaque paroisse est versée dans la caisse du receveur de l’évêché. Le fouage se paie généralement en deux termes. Si les contributifs paient mal, le receveur lance sur eux les sergents qui en arrêtent quelques uns comme otages. La loi leur accorde cependant des garanties. Les mandements de fouage doivent être notifiés aux paroisses six semaines avant l’échéance. Il est défendu de saisir les bœufs, charrues et instruments de labour des paysans, d’arrêter ces paysans quand ils vont aux marchés, aux foires et à la messe dominicale ».
Il résulte de ce mode de perception que l’anoblissement ou l’exemption d’un feu contributif aurait dû être une charge pour les autres roturiers solidaires les uns des autres. Il n’en était rien, le Duc n’accordant jamais cette faveur sans diminuer d’autant le nombre des feux de la paroisse. Jean V donnant le 15 mai 1432 des lettres de franchise à Jehan Baden métayer d’Olivier du Quirisec  » demeurant en son manoir de Kerguiryonnez en Crach, évêché de Vannes » décharge en même temps d’un tiers de feu ou d’un ménage les contribuables de cette paroisse. La Presselaye et le Brossay en Renac ne furent anoblis par le même Prince qu’ à la condition que les paroissiens de Renac auraient rabat d’un demi feu. On pourrait multiplier les exemples de ce fait sans sortir de l’évêché.Le Duc levait un fouage quand il avait besoin d’argent; quelques années heureuses pouvaient s’écouler sans qu’il y eût perception d’impôt, et, dans l’espace de quelques mois, en d’autres circonstances, les paroisses recevaient la visite désagréable de leurs collecteurs cinq fois pour cinq fouages différents.Primitivement, alors que le chiffre du fouage marqué sur les rôles concordait exactement avec le nombre réel des feux contributifs dans chaque paroisse les paysans payaient l’impôt sans trop de réclamation. Mais vint un temps où la situation changea, et alors les requêtes humblement adressées aux Ducs commencèrent à affluer. Celle des habitants de Malansac en 1425 est à retenir. Il y est dit que les feux de ladite paroisse « quels anciennement souloient contribuer es fouages, tailles et subsides toutes fois qu’ils étoient mis et imposés en nostre pays  » sont diminués du tiers, que nombre de maisons se trouvent inhabitées et que Malansac fourmille de pauvres veuves, mineurs et misérables n’ayant aucun bien. – Au début du XVème siècle les contribuables essayèrent en grand nombre de se soustraire à l’impôt devenu trop lourd pour leurs pauvres épaules : les uns émigrant de leur paroisse surchargées de feux pour aller chez des voisins qui vivaient sous un ciel plus clément; d’autres plus malins terrorisant les fabriques et leurs collecteurs et se prétendant exempts de leur plein gré ou bien jouant de la personne de leur seigneur et déclarant, celui-ci que son père avait été portier à Guémené, celui-l à était forestier du Duc.Une réforme devenait nécessaire. Elle se fit, et, en accordant pleine et entière justice aux roturiers, elle devint du même coup la base de toutes les preuves de noblesse en Bretagne. C’est qu’à côté de la nomenclature des feux contributifs et de leurs habitants, elle dressa la liste sincère et loyale des gentilshommes, de toutes les terres et maisons nobles de la province, et cette liste fut par l à même un nobiliaire complet, le plus précieux qui pût être établi. Le Parlement avait décidé six ans auparavant que  » nuls roturiers ni autres qui ne seraient extraits de noble génération en droite ligne et ne vivant noblement ne pourraient acquérir héritage ou fief noble sur peine de le perdre et appliquer le prix de la vente au Duc « . Tout propriétaire de terre noble put donc être considéré comme noble, et c’est en prenant cette prescription pour base, en l’admettant comme un axiome que la Chambre de 1668 put s’exprimer en ces termes :  » Les réformations qui se sont faites dans le siècle de 1400 ont été estimées très sures et très véritables; et quand les parties les ont produites pour justifier que leurs auteurs s’y trouvaient employés au rang des nobles de leur paroisse, elles n’ont eu aucune difficulté pour être maintenues dans la qualité de noble, de quelque dérogeance que les degrés inférieurs auraient pu être infectés, attendu que la Chambre n’ayant pu révoquer en doute la vérité du témoignage de noblesse de leur souche dans un temps si éloigné et non suspect, n’a pas dû leur refuser le bénéfice de l’article 561 de la Coutume en faveur des trafiquants et usants de bourse commune dont la qualité est censée dormir pendant le trafic pour être réveillé lors de la cessation du commerce ».Déjà dans le courant de 1425 et de 1426 Jean V avait décidé d’accorder des réformations à toutes les paroisses qui en feraient la demande. Mais les requêtes affluant de tous les côtés à la fois, la réformation générale des feux du Duché fut décidée et l’on y procéda sans délai.

LA RÉFORMATION GÉNÉRALE DE 1427

La réformation débuta, pour l’évêché de Vannes, le 1er janvier 1427 ( nouveau style ); poursuivie sans discontinuer pendant tout le courant de l’année, elle se termina dans les premiers mois de 1428. Le travail fut donc achevé en un an.Les commissaires nommés par mandement de Jean Vétaient : Perrot de Cléguennec, sieur de Botlan et de Niziave, Eon Rolland, Olivier du Quirisec, sieur du Quirisec et de Kergurionné Maître des Comptes, Olivier Boulart, sieur de la Barbotaye procureur de Guérande, Jean Juzel Auditeur des Comptes, sieur de la Vieille Ville, Jean Estienne, Jean Jehanno lieutenant de Vannes, Jean Le Paintour, Henri Tribara, sieur de Penhouet et Coetro, Guillaume Le Baillif, sieur de Sulé, tous gentilshommes du pays de Vannes.Voici comment ils opérèrent. Dans chaque paroisse un certain nombre de seigneurs et de paroissiens roturiers furent désignés pour les assister an qualité de rapporteurs et de témoins. Souvent étrangers aux paroisses qu’ils devaient réformer les commissaires n’auraient pu sans l’aide des habitants voir le bout d’uns oeuvre aussi colossale. Et puis ne fallait-il pas écouter les doléances des uns et des autres, les plaintes des contributifs et les réclamations des exempts ? Les notables du pays, nobles et paysans, étaient plus à même que tous autres de renseigner les magistrats, les premiers parce qu’en qualité de soi-disant nobles, anoblis, sergents ou autres personnages qui vivaient en grande partie aux crochets des « pauvres subjects  » du Duc,- et l’œuvre généreuse de Jean V atteignit son but. Comme nous voil à loin des vieux clichés modernes, des manants  » taillables et corvéables à merci « , et de toutes ces phrases aussi vides que sonores qu’ont enfantées tant de cervelles politiques depuis 150 ans. Notre époque a été trop souvent, hélas! l’ère des grandes injustices; tâchons en étudiant de près l’histoire de l’établir celle des grandes réparations.On vient de voir comment se fit le travail des commissaires. Ceux-ci n’opérèrent pas à la légère. Ils admirent un certain nombre de principes qui furent tous suivis rigoureusement. Tout d’abord il fut décidé par eux que les personnes en procès avec les paroissiens au sujet de l’exemption paieraient les fouages jusqu’à la fin du débat. C’était l à un point très important auquel les roturiers devaient tenir énormément, car, avec la lenteur des chicanes de l’époque, plus d’un plaidant était assuré de mourir dans la peau d’un contribuable. Puis on déclara qu’il n’y aurait à jouir du bénéfice de l’exemption que les propriétaires de fiefs nobles et leurs métayers à raison d’un seul métayer par paroisse, et cette règle fut aggravée de ce fait qu’on refusa la même faveur aux fermiers à convenant détenteurs de domaines congéables; le métayer de devait d’ailleurs labourer que les terres de son seigneur et ne pas sons-louer sa métairie, sauf à contribuer. ( V. Nostang, Marzan, Guidel, Carentoir, Gestel, Sérent, Péaule, Elven, Caden, etc. ). En dehors des gentilshommes, de leurs métayers et de leur concierges ( quand ils n’habitaient pas les manoirs ), personne ne fut exempté, ni les sergents (Molac), ni les roturiers qui s’armaient aux guerres ( Sulniac, Saint-Nolff, Nostang), ni les veneurs, ni les métayers d’Allayes et de Prieurés (Molac), ni les grangers d’Abbayes (Elven), ni les nobles  » se gouvernant partablement et vivant en terre d’autrui », c’est- à-dire les nobles pauvres usant du partage égal et n’ayant aucun bien.Enfin une question fort intéressante fut soulevée. De tout temps en Bretagne la bolée a été en grande honneur, par conséquent la vente en détail du vin et du cidre a toujours rapporté de beaux écus à ceux qui ont su la pratiquer honnêtement. Or au moyen-âge certains gentilshommes pauvres s’imaginèrent pouvoir vendre à boire sans déroger;- ne trouvait-on pas quelque part des nobles verriers ? Pourquoi n’y aurait-il pas aussi des nobles débitants ? Il faut croire que l’état était tentant, le gain assuré. Bref une quantité d’épées de fer se firent ouvertement taverniers, et c’est en grand nombre qu’ils se mirent à exercer dans l’évêché de Vannes notamment à Lescouet, à Brech, à Saint-Nolff, à Elven, etc. Fait curieux, les paroissiens étaient-ils fiers de leurs nouveaux aubergistes, ou ces aubergistes vendaient-ils meilleur marché des consommations supérieures à celles de leurs collègues ? – le fait est qu’il ressort des procès-verbaux de la réformation que les paroissiens laissaient facilement les taverniers nobles jouir de leurs anciens privilèges. Mais la Chambre des Comptes n’entendit pas de cette oreille-l à et rendit justice aux roturiers malgré eux. Tous ces marchands de vin nouveau modèle furent classés au nombre des contributifs.

L’ENQUÊTE DE 1448 ET LES RÉFORMATIONS PARTICULIèRES DE 1440 A 1481

La réformation générale terminée les paroisses de l’évêché de Vannes se trouvèrent plongées dans une paix profonde qui dura douze ans. Quand vint 1440 les égailleurs et collecteurs s’aperçurent avec désespoir qu’en bien des endroits le nombre des exempts avait augmenté dans des proportions fantastiques au point de dépasser de beaucoup celui des anoblissements et franchises accordées par le Duc. Jean V commença quelques réformations particulières, mais bientôt il fallut remédier dans une plus large mesure à un état de choses qui menaçait de s’aggraver, et Pierre II son successeur fit faire une enquête sur l’état des exempts dans 91 des paroisses de l’évêché. La copie qui en est restée, quoique bien imparfaite et très succincte, nous donne les listes de tous les nobles, anoblis et francs de fouage pour chacune de ces 91 paroisses. Cette enquête peut être rangée parmi les réformations générales parce qu’elle se fit sans interruption. Elle n’arrêta pas d’ailleurs les plaintes des paroissiens qui ne cessaient de réclamer une révision de leurs feux. Cinquante-cinq requêtes parvinrent à la cour des Ducs Jean V et Pierre II entre 1440 et 1481. Toutes tendaient au même but, mais deux d’entre elles méritent de nous arrêter. C’est d’abord celle de Carnac datée de 1475 où les contribuables exposent que la peste  » qui puis longtemps a eu cour en ladite paroisse  » a fait parmi eux des ravages affreux, que beaucoup de leurs navires et de leurs marchandises ont sombré en mer ou ont été capturés, que neuf d’entre eux ont fait naufrage corps et biens dans un voyage qu’ils avaient entrepris à Nantes en 1473, qu’en conséquence le nombre des contributifs de Carnac a diminué des deux tiers.- La requête de Renac, à l’autre bout de l’évêché, est de 1481. Voici quels en sont les motifs : La paroisse, y est-il dit, qui est chargée de tout temps du nombre de 32 feux payables, est de petite étendue de pays; ses habitants sont pauvres et nécessiteux grâce à cette grande charge de feux qui leur est fort grevable et excessive et eu égard au petit nombre des paroissiens et de leurs petites facultés; de plus est survenue une grande diminution et une grande dépopulation à la suite d’uneépidémie de peste qui règne depuis dix ans à Renac et qui a fait périr un grand nombre d’entre eux pour la plupart riches, très solvables et puissants, en sorte qu’il y a bien actuellement vingt maisons frostes et inhabitées; les deux dernières années ils ont perdu presque tous leurs fruits et leurs foins par des inondations de la Vilaine, ce qui ajouté aux misères de l’hiver derrain qui fut moult long et âpre a fait périr presque tous leurs bestiaux qui constituaient la plupart de leur bien et richesse; il y a en Renac vingt-et-une maisons de gentilshommes francs et exempts de fouage, et c’est l à que sont allés demeurer les plus puissants des contributifs afin d’éviter de payer l’impôt, et ce en grande fraude et préjudice des autres paroissiens. – Cette requête se termine naturellement comme celle de Carnac par une demande de diminution de feux. De telles plaintes étaient bien faites pour toucher le cœur du Duc. Aussi y fit-il droit. C’est ainsi qu’en dehors de l’enquête de 1448, cinquante-cinq paroisses reçurent une réforme particulière, soit en tout cent quarante-six réformations.Si les noms des commissaires de 1448 ne sont pas venues jusqu’à nous, en revanche, nous connaissons les officiers qui présidèrent aux réformations particulières. En voici la liste complète : Jean d’Auray, sieur de Kermadio, Guillaume du Bahuno alloué de Brocrech, Guillaume Le Baillif, sieur de Sulé, Pierre de Beauchesne, Thébaud Bino, Pierre de Bonabry, Maître des Comptes et secrétaire du Duc, Jean Le Bouteiller, Pierre du Cambout, Guyon de Carné, sieur de Lestier, Perrot de Cleguennec, sieur de Botlan et de Niziave, Nicolas Le Comte, Maître des Comptes, Laurent Droillart, sieur de Kerlen, Jean Estienne, Jean de Gaincru, sieur de la Villegaudin, Jean Gibon, sieur du Grisso, Président des Comptes, Amaury Gibon, clerc et greffier des Comptes, Guillaume de la Houlle, Pierre Josso, alloué de Broerech, Pierre Joubelot, Henri Juzel, clerc de la cour d’Hennebont, Pierre Kerboutier, alloué de Vannes, Nicolas de Kermeno, sénéchal de Vannes, Raoul de Launay, Président des Comptes, Louis de Lopriac, sieur de Kerganquis, Maître des Comptes, Jean Marchant, sieur de Corson, Auditeur des Comptes, Lucas Le Naz, sieur de Kergolher, Jean du Pou, Auditeur des Comptes, Henri du Pou, sieur de la Ferté, Jean Proudic, secrétaire du Duc, Henri de Queblen, Auditeur des Comptes, Olivier du Quirisec, Maître des Comptes, Jean de la Rivière, Président des Comptes, Guillaume Robelot, lieutenant de Ploürmel, Jean Le Roux, Olivier Salmon, sieur de la Villefrioul, Alain de Talhouet, sieur de Keravéon, lieutenant du procureur d’Hennebont et Olivier Vitré, clerc de la cour d’Hennebont.

LES RÉFORMATIONS DE 1513 ET 1536

Les réformations du XVème siècle, l’enquête de 1448 mise à part, avaient eu pour but la révision des feux de la Province. Celle de 1513 n’eut en vue que l’examen des titres des exempts de fouage. L’ordonnance de la reine Anne datée du 16 septembre 1513 nous apprend qu’ à ce moment un grand nombre de paroissiens « partables » recommençaient à vouloir se soustraire à l’impôt foncier sous prétexte qu’ils étaient  » praticiens, monnayeurs, sergents et officiers », et que beaucoup de gentilshommes et de gens d’église marchaient sur leurs traces en refusant de payer le fouage dû sur les terres et maisons roturières par eux achetées et annexées à leurs manoirs et métairies nobles. Les propriétaires n’étant exemptés de droit de l’impôt qu’autant que leurs terres étaient nobles, la situation devenait intolérable pour les paysans surchargés de taxes; alors la reine fit faire la nomenclature de tous les exempts, celle des métairies et maisons nobles, et dresser le décompte de toutes les terres  » partables  » que l’on voulait exempter. La Chambre des Comptes reçut en même temps l’ordre d’établir une liste de toutes les déclarations et de se reporter aux réformations du XVème siècle afin de maintenir toutes les métairies et maisons nobles qui y figuraient et de faire une enquête sérieuse sur la validité de l’exemption des autres.La fin principale de la réformation de 1513 fut, on le voit, plutôt de faire connaître la qualité des terres que celle des personnes. Beaucoup de roturiers possédaient d’ailleurs légitimement des terres nobles grâce à l’ordonnance de Louis XII qui avait abrogé en 1505 les défenses faites jadis aux gens de bas état d’acheter des fiefs de chevalerie. Aussi la Chambre de 1668 n’admit-elle cette réformation comme souche certaine de noblesse que lorsque  » la qualité des personnes y fut explicitement exprimée et notoirement reconnue ».Jean Pineau, sieur de Kerouaud  » receveur général pour le Roi et Duc des fouages et impôts de l’évêché de Vannes  » fut chargé de diriger les enquêtes dans son ressort. Les contribuables de chaque paroisse désignèrent un certain nombre d’entre eux pour faire le travail et dresser rapports qui furent signés par des notaires, des prêtres et des gentilshommes. Les originaux des ces rapports ont été conservés : ils concernent soixante-dix-neuf paroisses de l’évêché, les autres ayantété laissées de côté on ne sait pour quel motif. La réformation commença le 28 octobre 1513 et se termina le 28 mars 1514 (nouveau style). Elle dura donc cinq mois.Je ne citerai que pour mémoire la réformation de 1536. Les copies que nous en avons sont absolument défectueuses, et l’original n’était probablement pas meilleur, puisqu’en 1668 la Chambre décida de n’en pas tenir compte.  » La dernière réformation qui a été faite en Bretagne, dit-elle en ses maximes, est celle de 1535 à 1543; la fin que l’on s’y proposa fut de connaître la qualité des personnes et des terres tout ensemble pour imposer taxes sur les roturiers possédant fiefs et terres nobles; mais comme l’on a remarqué qu’elle fut faite avec peu de fidélité et de religion par les commissaires qui y travaillèrent, la Chambre n’en a fait aucune considération ».La collection des minutes des réformations (feux et exempts) touchant les neuf évêchés de Bretagne, soit trente-trois registres, était gardée soigneusement à la Chambre des Comptes à Nantes. Quatre d’entre eux concernaient l’évêché de Vannes. Les registres cotés 1808 et 1809 contenaient la réformation générale de 1427; sous la cote 1810 on trouvait les réformations de 1440 à 1481; sous la cote 1811étaient réunis ensemble l’enquête de 1448 et la réformation de 1513; je n’ai pu découvrir la cote du dernier qui devait renfermer la dernière réformation.
Pendant la Révolution on détruisit vingt-huit registres de cette collection. Les cinq originaux qui restent aux archives de la Loire-Inférieure sont les réformations de 1426 et 1427 pour Saint-Brieuc, celles de 1426 et 1442 pour Tréguier et celles de 1440-1481 et 1513 pour Vannes.
J’ai pris les copies des trois minutes de Vannes qui ont disparu dans le manuscrit 22.320 du fonds français de la Bibliothèque Nationale. Il semble résulter de la lecture des divers exemplaires consultés par moi que tous ont pour origine une seule copie primitive, et qu’ainsi, du moins pour l’évêché de Vannes, les réformations bretonnes ne furent copiées qu’une fois sur l’original.Avant la Révolution, la noblesse, très jalouse de ses droits et privilèges, faisait un très grand cas des minutes des réformations; aussi vit-on souvent des gentilshommes, voire même des roturiers parvenus à des fonctions importantes, essayer de falsifier par interpolation ces vénérables cahiers. Je vais citer un exemple frappant de ce fait, et c’est par l à que je terminerai cette trop longueétude.En 1513, le manoir de la Venuraie situé en Allaire et appartenant à N.H. Guillaume Copalle, avait pour métayer  » un nommé Jehan Querverien  » ; ce sont les propres termes de la réformation. D’où venait ce Jehan Kerverien ?était-il cadet de la grande maison des Kerverien ou Kermerien du pays de Léon ? Ses descendants le prétendirent, et Dieu seul le sait maintenant. En tout cas, à cette époque, il ne représentait que le métayer d’un petit seigneur d’Allaire, et son fils, Maître Jean Kerverien, maître d’Ecole en cette paroisse, avait pour femme la fille d’un bourgeois de Redon. Tout à coup, brusquement, vers 1580 les Kerverien grandissent; le petit fils du métayer, nommé comme lui Jean, épouse une fille noble du pays: le grand père était cultivateur, le père pédagogue, lui est notaire de la juridiction de Rieux et s’intitule sieur de la Porte. Voil à la famille Kerverien sortie de l’ornière, et bien partie elle ne s’arrêta pas. Le quatrième Jean achète en Allaire les manoirs du Vaujouan, de la Porte, de Coueslée, de la Pommeraye, du Vieux Moulin, du Colombier, de Henleix, etc.; le notariat ne lui suffit plus, et il gagne Redon où il devient successivement procureur fiscal, alloué et lieutenant général. En 1462 le partage de ses biens et de ceux de sa femme Perrine Fabroni du Parc Anger se fait également et roturièrement. Mais leur fils René aura d’autres prétentions : montant encore en grade le voilà conseiller du Roi en ses conseils d’Etat, privé et des finances et qui achète en 1642 la charge d’Avocat Général au Parlement de Bretagne. Malheureusement René Kerverien ne laisse qu’un fils mort sans postérité, et tous ses biens s’en vont passer dans la maison de Lanjamet par le mariage de sa fille avec Guillaume de Lanjamet de Miniac. La gloire des Kerverien est tombée en quenouille, et, pour comble de disgrâce, la Chambre de 1668 a débouté la famille de ses prétentions à la noblesse : ce n’est pas l’arrêt de maintenue du Parlement de Paris qui la lavera d’un tel affront.A quel moment les Kerverien firent-ils fabriquer une interpolation sur le cahier de la réformation d’Allaire ? Est-ce en 1668 ? Est-ce en 1676 ? Mystère! Toujours est-il qu’un faussaire maladroit trouva moyen de glisser entre les articles concernant le Vieux Moulin et le Plessix la mention suivante :  » La maison et métairie du Vaujouhan à Jehan de Kerverien, écuyer et Yvonne Botdru, sa femme, tant en maison, bois anciens, garennes, moulin, étang, en laquelle demeure métayer un nommé Jehan Mouraud ». Le métayer de la Venuraie dut en tressaillir d’orgueil dans sa tombe! L’écriture est parfaitement imitée, mais le faussaire ne s’est pas tenu l à. Il a lu attentivement le reste de la réformation et, si le métayer de la Venuraie lui a échappé (il n’y avait qu’à mettre un pâté d’encre dessus), il a trouvé malheureusement le véritable article du Vaujouan  » appartenant à Eonnet de Bellouan écuyer…auquel demeure métayer un nommé Jehan Mouraud ». Alors, l’interpolation faite, il s’est acharné sur le véritable Vaujouan : du V il a fait un B, du J un S, etc. Malgré tout, la surcharge est grossière et la supercherie facile à découvrir.La Cour ne tomba pas dans le panneau; par considération sans doute pour la famille Kerverien dont un membre lui avait appartenu, au lieu de biffer simplement l’article interpolé, elle déclara fausse toute la réformation de 1513 en Allaire par arrêt du 13 novembre 1679 et décida que cette paroisse serait rayée sur le registre officiel de la Chambre des Comptes.
cet exemple est curieux au double point de vue de l’intérêt que l’on portait aux réformations et de la sincérité implacable des arrêts du Parlement. Il méritait que l’on s’y arrêtât.

LES MONTRES

Si les gentilshommes avaient le grand privilège d’être exempts d’impôts, c’est qu’ils étaient, je l’ai dit, astreints au service militaire, charge honorable, la plus noble de toutes, mais qui n’en était pas moins lourde à supporter. Seuls possesseurs des fiefs, puisque à l’origine quiconque était investi se trouvait tacitement anobli sans lettres et par la seule investiture, ils devaient au Prince leur seigneur suzerain, à cause de ces fief

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NOBLESSE DE BRETAGNE

INTRODUCTION

Pourquoi publier un ouvrage sur la Noblesse de Bretagne, un de plus, en ce début de XXIe siècle, diront certains. D’autres auteurs et depuis longtemps ont, certes, travaillé ou couru le thème. Bien évidemment, rien de bien nouveau reste à lui apporter, sinon de l’approcher autrement. L’objet du livre répond à l’esprit général du moment, qui est de réunir en ‘ un pack ‘, un ensemble, ce qui est épars et recouvre un même sujet, une même attente. Sans tomber dans les travers de la vulgarisation, ce livre vise à toucher dans les deux acceptions du verbe, un large lectorat : curieux, nostalgiques d’une France dont le caractère tend à se dissoudre par l’arrivée relativement massive de populations étrangères porteuses d’autres traditions et valeurs, et par la globalisation qui n’épargne pas la richesse des particularismes culturels, Bretons attachés à leur histoire, passionnés de généalogie ou d’héraldique, chercheurs et, pourquoi pas, dans le cadre de l’ouverture européenne, ceux qui, venus d’autres nations occidentales, ont choisi de vivre en Bretagne et souhaitent en connaître la culture et l’histoire. Et les nobles, souvent plus que d’autres, ont été des conservateurs de la mémoire bretonne. Ce sont eux qui prirent l’initiative de réhabiliter ses traditions et sa langue, maintenu ses espaces forestiers qui font la parure de la Bretagne, leur évitant d’être rasés pour laisser la place à la charrue. Par ailleurs, comme a bien su le dire l’universitaire Jean Meyer, dont les travaux sur la noblesse en Europe en général et sur la Bretagne en particulier font références, quand on parle de noblesse,  » de proche en proche, c’est tout l’écheveau social qui se dévide « . L’ouvrage rappelle ce que fut la noblesse, son principe et sa réalité dans le temps, s’attarde sur sa spécificité bretonne, cite sa place dans l’Histoire de France et dans celle de la Province et de ses institutions, notamment lors de certains évènements majeurs. Il énumère les familles nobles toujours présentes et connues, dont les premières attaches nobles ou les maintenues de noblesse (arrêts portant confirmation de noblesse) furent Bretonnes. Pour chacune d’entre elles, qui ont survécu aux temps, l’auteur apporte, sans être exhaustif, quelques éléments de leur passé, et pour beaucoup d’entre elles, leur établissement encore aujourd’hui en Bretagne. La lecture de ces fiches, outre l’intérêt qu’elles peuvent représenter pour ceux qui cherchent à connaître le passé des familles concernées, sont à même d’illustrer l’histoire de la noblesse bretonne et à travers elles le lecteur pourra s’approprier certains événements pour mieux saisir le fil de l’Histoire. Il convient d’ores et déjà de souligner que quelques familles authentiquement nobles et bretonnes doivent manquer à la liste. En effet, à défaut d’informations sûres et ne pouvant arbitrer sur la pleine réalité de leur noblesse comme le ferait la commission des preuves de l’ANF (Association d’entraide de la Noblesse Française) si elle était sollicitée par elles, le principe de ne pas les porter ici a été retenu. Par ailleurs, des familles se sont expatriées, par exemple à la Révolution, et nous n’avons pas nécessairement traces de leur postérité. Ne figurent pas non plus dans cette liste les familles nobles qui, bien qu’enracinées en Bretagne, ont été  » dépotées  » d’une autre province où est née et a été maintenue leur noblesse et n’y trouvent donc pas leur origine, à l’exception, toutefois, de quelques unes d’entre elles, qui ont montré voire démontré leur attachement à la Bretagne, citées en dernier lieu et en complément. Dans son catalogue de la Noblesse française, publié par les éditions Robert Laffont en 1989, Régis Valette énumérait 3 225 familles françaises dont le principe de noblesse lui apparaissait valable sur les quelques dix mille familles d’apparence noble, en s’appuyant vraisemblablement sur les travaux et listes de l’ANF (Association d’entraide de la Noblesse Française ). Sa deuxième édition, en 2002, n’en relevait plus que 2 230 noms en janvier 2002, mais ajoute quelques familles bretonnes initialement ignorées, dont certaines n’étaient toujours pas adhérentes à l’ANF en 2004 (des auteurs donnent un peu plus de 4.000 familles nobles subsistantes en 1975, contre plus de 5.000 en 1900, d’autres 3.000 ou 3.500 familles d’authentiques noblesses subsistantes en 2001, mais il s’avère, sinon aventureux de le postuler, quasi-impossible de le prétendre avec certitude en l’absence de moyens de vérification. C’est à partir de ce catalogue revisité que s’établit le nobiliaire breton qui forme la deuxième partie du présent ouvrage et qui adjoint à chacune des familles listées (plus de trois cent quatre-vingts), outre son blasonnement, une fiche de jalonnement de son histoire et de ses attaches géographiques dans le temps. Ces fiches ont été rédigées, pour la plupart, à partir des notices de nombreux nobiliaires, dont tout d’abord celles du  » Nobiliaire et Armorial de Bretagne  » de Pol Potier de Courcy, complétées voire largement enrichies ou amendées, après consultation de nombreuses sources, dont certaines sont considérées comme incontournables par les initiés. La première partie de ce livre prépare à l’appropriation de la seconde. En effet, il convient de connaître quels sont les principes attributifs de la Noblesse et ceux qui l’ont régi dans le temps. Au-del à de ces principes, il importe, d’une part, de voir quelle a pu être la place de la Noblesse en Bretagne lors des événements de son Histoire et dans les institutions pour en mesurer le poids, d’autre part, ce qui faisait sa particularité, son attachement aux réalités bretonnes. A partir de ce constat, fonder cette première partie sur une liste de rubriques abordant chaque question que l’on peut se poser, est apparu comme la méthode la plus simple à retenir. Ce choix induit quelques redites partielles afin de rendre compréhensibles les rubriques prises isolément.