Comme pour Morlaix, la prospérité de Saint-Pol s’explique par l’accès à la mer, avec les ports de Pempoul et Roscoff. Ses zones d’influence étaient les mêmes qu’à Morlaix : Normandie, Bordelais, Poitou-Charente et à l’étranger : Espagne, Portugal, Angleterre, Irlande, Flandres, pays baltes…
La ville était formée d’une seule paroisse, nommée le Minihy (ou asile), formée des sept paroisses qui existaient auparavant ; quatre étaient desservies dans la cathédrale mais avaient leurs paroissiens dans la campagne : Toussaint, Saint-Pierre, le Crucifix des Champs et Tregondern. Les trois autres, les paroisses de la ville, se nommaient : le Crucifix de Ville, Saint-Jean-Baptiste et N.D. de Cahel. La ville était totalement franche de l’impôt du fouage, en contrepartie, elle avait sa milice qui servait à sa défense, sans être obligée de suivre le roi en campagne. Comme toutes les milices urbaines, elle s’exerçait au tir (le papegault).
LE PAPEGAULT A SAINT-POL
Depuis fort longtemps, les autorités avaient ordonné des exercices publics pour former les hommes à la guerre. Lorsque l’invention des armes à feu eut bouleversé l’art militaire, on songea par divers exercices à familiariser les bourgeois avec ces nouvelles armes et à leur apprendre à s’en servir avec habileté. Cette formation était d’autant plus nécessaire que les bourgeois étaient chargés seuls de la défense de leurs villes. Au XVe siècle, le duc François II encouragea ces exercices dans ses états par l’institution du papegault. Il s’agissait d’atteindre à coup d’arbalète ou d’arquebuse un perroquet (papagaio en portugais, d’où papegault) en carton ou bois peint fixé au sommet d’une perche ou suspendu à une corde. Celui qui réussissait à abattre « le reste du joyau ou papegault » se voyait proclamé roi du papegault pour l’année, avec jouissance des « droits, honneurs, profits, émoluments et privilèges » attribué à ce titre.
En 1471, le duc François II publia un mandement en faveur de cet exercice avec exemption de fouage à ceux qui gagneraient le prix. Par d’autres lettres du 1er mai 1482, il confirma l’érection du jeu de l’arc, avec exemption à celui qui en serait le roi par l’abat de la cible, de toutes charges publiques pendant un an, et l’autorisation de faire vendre un certain nombre de pipes de vin franches de tous droits.
Les Coëtanlem furent à plusieurs reprises roi du joyau dans l’exercice du jeu de papegault de la communauté de Saint-Pol. C’est le 1er mai que l’on tirait au papegault et jusqu’en 1709 on le plantait au sommet du clocher de Saint-Pierre. A cette époque la communauté décida que cet exercice aurait lieu à l’avenir dans le cimetière de Saint-Roch.
Le roi d’une année était tenu de faire confectionner le papegault à ses frais l’année suivante, de payer six livres pour la liberté de le planter dans la tour de Saint-Pierre et trois livres pour le service religieux qui était dit annuellement pour le repos des archers trépassés.
Le 11 mai 1647, le syndic de Saint-Pol déplore que la somme octroyée par le roi à celui qui abat le joyau n’est que de 22 sols 6 deniers par barrique et pour 100 barriques « ce qui est cause que la plupart des habitants et artisans négligent de venir tirer au dit joyau, égard aux grands frais qu’il convient faire à celui qui l’abat, excédant de beaucoup le devoir octroyé, et ainsi ne se munissent d’armes et ne s’aguerrissent, qui causerait que l’ennemi se présentant, ne serait en état de la repousser et de se défendre » ; les habitants décidèrent unanimement de donner 300 livres au vainqueur sur les deniers communs en attendant que le syndic se pourvoit auprès du roi pour obtenir une augmentation, et demande sur ce sujet, le consentement des États. Le 20 mai 1647, dernier jour de la tenue, les États autorisent la communauté de Saint-Pol à prendre 300 Livres sur ses octrois pour récompenser l’abatteur du papegault.
La même année 1647, Hamon Coëtanlem, sieur de Launay, a abattu le papegault, et dans l’espoir des 300 livres d’émolument promises, il a fait de grands frais ; elles ne lui avaient toujours pas été versées en 1650. Les émoluments promis étant perçus sur les impôts et billots de la ville, à certaines époques, les « rois », tel le sieur de Coatdou qui abattit le papegault en mai 1649, eurent quelques peines à recevoir les sommes qui leur revenaient, au point que l’institution risqua, à plusieurs reprises, de tomber en désuétude.
Le 14 mai 1658, c’est Christien Coëtanlem, sieur de Goazillou, à son tour, qui est roi du joyau.
En 1669, un arrêt du conseil d’état enjoignit à tous les particuliers de la communauté de Saint-Pol qui prétendraient jouir des droits de papegault, privilèges et exemption des impôts et billots de Bretagne, de présenter leurs titres originaux à un commissaire chargé de leur vérification. En conséquence, le syndic de la ville présenta sa requête au commissaire avec les lettres du roi portant permission de prendre la somme de 300 francs par an sur les deniers de l’octroi de Saint-Pol qui était affermé 3.210 francs, outre l’ancien droit de 22 sols 6 deniers par barrique de vin jusqu’à concurrence de 25 tonneaux dont il jouissait.
Plus tard, en 1680, le duc de Chaulnes voulut exiger que les sommes attribuées au papegault fussent à l’avenir annexées à l’hôpital général ; mais les habitants ayant fait valoir la situation côtière de leur ville et la nécessité qui en découlait pour eux d’être entraînés au maniement des armes pour s’opposer à toutes incursions de l’ennemi, furent confirmés dans leurs droits.
Avec le temps, la prise en charge de la défense des côtes par des troupes professionnelles et permanentes rendit inutile ces exercices. Ce fut en 1770 que le papegault fut supprimé par lettres patentes et arrêt du conseil et leurs droits réunis à ceux des hôpitaux afin qu’ils se chargent des enfants trouvés.
LES CONFRERIES
Les années 1450-1520 furent marquées dans les cités bretonnes par une multiplication des confréries de caractères très divers : professionnelles, pieuses, paroissiales, hospitalières… outre la recherche de sécurité qui incitait à adhérer à ces « sociétés d’assurance » tant spirituelles que temporelles, les raisons de la montée en puissance de ce courant associatif purent être le souhait de pallier les carences du clergé, l’impulsion de certains clercs ou encore le désir de certains métiers ou de certains corps de la société de préciser leurs statuts. Au XVIIe, il y avait à Saint-Pol cinq confréries : de Saint Eloy, du Rosaire, des Trépassés, de Notre-Dame du Mont Carmel et du Saint Sacrement.
A Saint-Pol, siège d’un évêché, la confréries des Trépassés avait un caractère pieux et de secours mutuel :
« si aucun des frères, par hasard ou fortune, et sans sa coulpe, devient à la pauvreté, est ordonné qu’il sera aidé des biens communs de la dite confrérie selon sa condition, à la discrétion des abbés et conseillers »
Mais avait-t-elle aussi un caractère professionnel ? Si elle excluait les personnes de mœurs douteuses, nous ne connaissons pas ses effectifs et sa composition précise. Nous savons que les biens de cette confrérie provenaient des cotisations annuelles, dons et droits d’entrée. Ils étaient administrés par deux abbés et sept conseillers (un par paroisse). Le 21 avril 1533, lors de son érection, Michel Coëtanlem, sieur de Keravel, est nommé conseiller pour le vicariat de Saint-Pierre. Un siècle plus tard, le 2 mars 1637, les habitants nomment écuyer Christien Coëtanlem, sieur de Goazillou, parmi les conseillers de cette confrérie des Trépassés.
On peut constater une stratégie cléricale tendant à exercer une véritable tutelle sur les confréries. En juin 1628, deux ans après une épidémie de peste qui avait ravagé Saint-Pol, les Minimes tentèrent de faire ériger la confrérie du Rosaire en leur église, avec la construction d’une chapelle ; mais ils se heurtèrent à l’opposition des Carmes qui prétextèrent être « en droit, de longue possession, de faire en ces jours (premier dimanche de chaque mois) les solennités de la confrérie de N.D. du Mont Carmel ». Les Minimes reviennent à la charge en juillet 1633, feignant d’attribuer leur échec et la prohibition du vicaire général à la création possible d’un couvent de Dominicains à Saint-Pol. La seule cause véritable de leurs difficultés résidait en fait dans l’opposition des Carmes. A cette époque, les relations entre les Carmes et les habitants se tendent de plus en plus. La confrérie du Rosaire sera l’occasion pour la communauté de s’opposer aux Carmes et de s’allier avec les Minimes. Aussi, le 14 septembre 1633, Christien Coëtanlem fait partie des sept députés qui tentent (sans difficultés!) de faire concéder aux pères Minimes l’autorisation d’ériger la confrérie du Rosaire. Cette tentative n’aboutit pas et la question sommeilla encore une dizaine d’années.
LA LIGUE
La nouvelle religion calviniste avait fait son apparition en Bretagne en même temps que dans le reste de la France, vers 1540, mais le terrain breton ne se prêtait pas à la Réforme. Quelques grandes familles nobles et leur suite adoptèrent les idées nouvelles et tentèrent de susciter une dynamique… sans succès. Leurs motivations, plus politiques que religieuses, se heurtèrent à l’indifférence des bretons et à la position très ferme de l’évêque de Léon, Mgr Rolland de Neufville qui empêcha la diffusion des idées protestantes.
Avec le concile de Trente qui se déroula de 1545 à 1563, l’église catholique romaine opposa aux protestants une révision complète de sa discipline et la réaffirmation solennelle de ses dogmes. Ce fut la Contre-Réforme (ou réforme catholique).
Aussi personne ne prévoyait l’évolution de la crise politique et religieuse lorsque, sous l’autorité des Guise, des catholiques s’étaient réunis en 1576 pour constituer la Ligue. Cette dernière était un mouvement de protestation contre les progrès des idées nouvelles et les facilités accordées aux calvinistes pour la propagation de leurs erreurs.
Après l’assassinat des Guise, le duc de Mercoeur, alors gouverneur de Bretagne, entraîna sous la bannière de la Sainte Union la majeure partie de la province ; la ville de Saint-Pol embrassa alors le parti de la Ligue. Seules trois places firent exceptions : Brest, Pont-l’Abbé et le château de Kerouzéré à Sibiril près de Saint-Pol. Dès 1590, ces deux dernières places tombèrent : Christien Coëtanlem, écuyer, sieur de Keravel, qui avait suivi le parti de la ligue, fut pris, désarmé et tué dans un combat entre les royalistes et les habitants de Saint-Pol le 20 mai 1590.
C’est cette année que le duc de Mercoeur avait ordonné au seigneur de Goulaine d’attaquer la château de Kerouzéré, tenu par Boiséon, Goësbriant, Kerandraon et autres. Après six semaines de siège et des tirs d’artillerie, le 19 novembre 1590, la place avait capitulé.
A la suite de la Contre Réforme, Saint-Pol a vu au XVIIe la fondation de plusieurs couvents. Ces créations s’expliquent en partie par la richesse de la ville liée à la production agricole du pays et au commerce qui en découlait. Ces fondations, dépendant de la charité publique et de la communauté de ville, finissaient par grever lourdement les finances locales.
RAPPORTS AVEC LES MINIMES
Le 24 avril 1622, les habitants de Saint-Pol délibérèrent, appelés à son de cloche en la chapelle N.D. du Creisker, par devant noble homme Hamon Coëtanlem, sieur de Chef du Bois, lieutenant de la cour de Saint-Pol, Christien Coëtanlem, sr de Goazillou… et plusieurs autres gentilshommes. Ils donnèrent leur consentement pour l’établissement des frères Minimes en la ville de Saint-Pol, « sans toutefois que les habitants soient obligés ni puissent être aucunement recherchés pour ledit bâtiment et entretien et nourriture des religieux qui pourront être au dit couvent » ; on verra qu’il en fut autrement…
Saint François de Paule, d’abord ermite en Calabre, avait fondé au XVe siècle un nouvel ordre auquel il donna par humilité le nom de Minimes. Appelé en France par Louis XI, ce saint y fit connaître sa règle et y établit plusieurs couvents. La duchesse Anne de Bretagne voulut leur donner une maison à Nantes, mais ils ne s’y établirent qu’en 1589 ; Pierre Cornulier, évêque de Rennes, y fonda un couvent de Minimes en 1621 ; en 1624, Prigent Le Ny de Coatelez, chanoine et trésorier de la cathédrale de Léon, fit don aux Minimes de sa maison canoniale pour en faire un couvent. Il fut plus tard établi un quatrième couvent à Saint-Fiacre, à une demi-lieue de Morlaix. Ces religieux faisaient un carême perpétuel.
Le 8 juin 1635, Maître Christien Coëtanlem, écuyer, sr de Goazillou, étant avocat de la communauté de Saint-Pol, les registres de la ville font apparaître que la communauté a voulu donner la somme de 800 livres par an durant l’espace de 9 ans pour le bâtiment des pères Minimes. Depuis 1627, elle a donné 500 livres/an jusqu’en 1635. De 1635 à 1644, 800 livres par an. De 1644 à 1653, 400 livres par an pour la construction des bâtiments. Ces sommes étaient prélevées sur les débits de boissons.
Le refus ou le retard de paiement occasionna de longues procédures qui remontèrent jusqu’au conseil d’état du roi où Carmes et Minimes faisaient cause commune pour être payés. Ainsi en 1645, le miseur G. Calvez est condamné à payer l’annuité de 800 livres réclamée par les Carmes.
Le 19 novembre 1645, la ville, en la personne de son syndic Hamon Coëtanlem, sieur de Launay, se voit attaquer devant les tribunaux, à la fois par les Minimes, par les Ursulines, réclamant de part et d’autre 800 livres, puis par Richard Denys, ci-devant procureur-syndic, qui fait valoir les créances qu’il a depuis sa syndicature, et enfin par les Carmes.
Le 7 décembre 1648, une sentence de la cour des requêtes condamne Hamon Coëtanlem, sieur de Launay, précédemment syndic, à payer aux Minimes 100 livres pour le 1er quartier de 1645, et le syndic en fonction à payer 400 livres par quartier pour les années 1647 et 1648.
Le 6 mars 1649, a lieu une transaction entre les pères Minimes de Saint-Pol, le Sr Coëtanlem du Plessis et honorable Pierre Pichard, syndic de la communauté.
RAPPORTS AVEC LES CARMES
Pour houleux que fussent leurs rapports avec les Carmes, deux membres de cette familles étaient rentrés dans cette communauté : Tanguy Coëtanlem avant 1587 et Claude Coëtanlem, sous le nom de frère Joseph en 1631.
Les Carmes, de l’ancienne observance, étaient venus primitivement d’Orient où ils suivaient la règle des anciens solitaires. Après s’être établis à Paris et Nantes, ils fondèrent des couvents dans toute la Bretagne. Le couvent des Carmes de Saint-Pol fut restauré en 1618 sous l’épiscopat de Mgr de Rieux. Le nombre des religieux atteint dans tout le pays plus de 300 sous Louis XIV.
Comme pour les Minimes, il semble que la pression financière de ces communautés sur les finances de la ville se soit rapidement révélée difficilement supportable, entraînant de nombreux procès. Pour les mêmes questions d’argent, des heurts se produisent aussi avec les paroissiens : Les Carmes sont en procès avec Christophe Coëtanlem pour un banc et deux emplacements de tombe, alors fort cher, dans leur église en 1626.
En 1645, c’est à la ville et à son syndic Hamon Coëtanlem, que les Carmes s’en prennent comme responsable en place du précédent syndic insolvable, Guillaume Calvez, contre lequel ils avaient obtenu un arrêt de la chambre des comptes en mai 1645.
– Arrêt obtenu « par surprise et attentat à l’autorité des juges », réplique Coëtanlem.
– « du tout » ripostent les Carmes, qui font comprendre que l’empressement dans leurs revendications n’est pas sans motifs, car « ils ont eu avis que le sieur de Coëtanlem est grandement obéré, et qu’il se sert, ainsi que faisait Guillaume Calvez, son prédécesseur, des deniers de la ville pour payer ses dettes »
Le 19 novembre 1645, la ville, en la personne de son syndic Hamon Coëtanlem, sieur de Launay, se voit attaquer devant les tribunaux, à la fois par les Minimes, par les Ursulines, et enfin par les Carmes, qui demandent 800 livres à eux dues pendant la miserie de Guillaume Calvez, plus 200 livres pour l’année 1645, plus 400 livres que la communauté avait promises à noble homme Jean-Baptiste de Kermabihan et qu’il leur aurait léguées.
Puis, son frère Jacques Coëtanlem lui succède ; autre nomination fâcheuse pour les Carmes qui ne peuvent guère, même par les voies légitimes faire aboutir leur réclamation. En effet la considération dont ceux-ci jouissaient dans la région était telle que les pères Carmes pouvaient se plaindre de ce « qu’il ne se trouve dans ce pays aucun sergent ou officier qui veuille agir contre les Coëtanlem, gentilshommes crains et redoutés ».
Pourtant, le 4 août 1651, un huissier, le Sr Ballon, résidant à Saint-Malo, vint à Saint-Pol, logeant à l’hôtellerie de l’Écu de France, près de la halle, pour contraindre Hervé Coëtanlem, sieur de Chef du Bois, syndic à son tour, à payer aux Carmes de Saint-Pol les 1.336 livres qui leur étaient dues.
LA JUDICATURE
La petite noblesse a continué d’exercer très fréquemment des charges de basse judicature et de notaires. Pourtant le prestige de celles-ci avait commencé à décliner ; Loyseau, qui écrivait au début du XVIIe siècle, considérait déjà que les activités de notaire, greffier et procureurs étaient dérogeantes ; les bretons étant très processifs et les litiges étant très fréquents, les emplois offerts par les juridictions étaient très nombreux et facilement accessibles à la petite noblesse.
Il n’était pas rare de voir les cadets de famille s’engager dans la carrière des offices. Le droit successoral breton était en partie responsable de l’obligation où ils se trouvaient de chercher fortune en dehors de la seigneurie lorsque leur aîné ne pouvait les entretenir. Depuis 1185, pour éviter un morcellement excessif, la transmission des fiefs était régie par l’assise du comte Geffroi qui édictait que « toute seignourie doit aller à l’ainzné des enffanz ». La rigueur de la primogéniture était atténuée par l’article 561 de la coutume. Le départ des cadets distendait nécessairement les liens de famille et cette habitude eut pour conséquence de rendre aujourd’hui difficile l’établissement de filiation précise. Les Coatalem ou Coatanlem subsistant pourraient descendre de ces cadets.
Deux types de justice coexistaient : Les justices royales et les justices seigneuriales. Mais la distinction des cours royales et des cours seigneuriales était plus apparente que réelle. Ce sont souvent les mêmes magistrats et avocats qui composaient les deux espèces de tribunaux. En effet, s’ils ne cumulaient pas plusieurs emplois, la faiblesse de leurs gages ne leur permettait pas de vivre.
1) Les justices royales
Christien Coëtanlem, écuyer, sieur de Keravel, était receveur de la cour séculière en 1539 ; la cour séculière de Saint-Pol se tenait alors à Lesneven. En 1564, le roi Charles IX établit à Saint-Pol un juge qui aurait à connaître seulement des cas royaux.
2) Les justices épiscopales : Les regaires
La justice épiscopale exercée sur l’étendue des possessions temporelles de l’évêque était très importante en Léon. Aussi, le nombre d’officiers de justice au service de l’évêque fournissait un grand nombre d’opportunité.
Tanguy Coëtanlem, seigneur de Kergadiou, licencié-es-loi, fut pourvu le 16 octobre 1559 par Rolland de Chavigné, évêque de Léon, de l’office de procureur général en la juridiction des regaires de Saint-Pol-de-Léon, en lieu et place de feu Jean Kerguelen. On appelait regaires la juridiction temporelle et les droits attachés à un évêché. Lorsque l’évêque était, comme celui de Léon, seigneur ou co-seigneur temporel de sa ville épiscopale, les regaires formaient une haute-justice. Le regaire de Saint-Pol s’étendait sur les sept paroisses du Minihy, Roscoff, Batz, Ouessant, la plus grande partie des paroisses de Guimiliau et Treflaouénan ainsi que le bourg de Carantec. La juridiction s’exerçait à Lesneven ou Guissény.
Le 15 avril 1628, Hamon Le Jacobin, procureur fiscal de la cour de Saint-Pol, nomma pour son substitut ordinaire Maître Christien Coëtanlem, écuyer, sieur de Goazillou, avocat en cette cour. Les procureurs représentaient les particuliers et parfois le pouvoir public.
Hamon Coëtanlem, sr de Chef du Bois, est lieutenant de la cour des regaires de Léon dès 1622. Son fils, Hamon Coëtanlem, écuyer, sieur de Launay, succéda à son père dans la charge de lieutenant et juge ordinaire de la cour des régaires de Léon. Le lieutenant était le juge de première instance pour les procès civils et criminels.
Le 30 mai 1644, écuyer Christien Coëtanlem, sr de Goazillou, ancien avocat, fut pourvu par Robert Cupif, évêque comte de Léon, de l’office de lieutenant de la juridiction des regaires de Léon.
Autre élément du pouvoir temporel des évêques, l’exploitation des fours représente une source de revenus non négligeable. La ferme des fours de Saint-Pol rapportait 60 livres au début du XVIe siècle. Ces fours, dont les revêtements en briques réfractaires sont l’objet d’un entretien constant, assurent en principe les besoins d’une population qui n’a pas le droit de cuire son pain à domicile. Cependant, le 27 février 1539, à Saint-Pol, Jehan Kerguelen, procureur, et Christien Coëtanlem, receveur de la cour séculière, exposent au sénéchal Jehan Le Scaff, docteur-es-lois, que l’évêque et ses prédécesseurs ont leur four en la ville de Saint-Pol, et sont en mesure de contraindre les habitants de venir y faire cuire leur pain, et spécialement ceux qui vendent le pain au détail comme ceux qui n’ont pas de four en leur maison. Mais il y a néanmoins plusieurs habitants qui, prêtant leurs fours à d’autres, ne respectent pas le droit de l’évêque, lui causant un manque à gagner. Détesté comme les meuniers, les fourniers exigeaient traditionnellement pour leur commission un pain sur vingt-quatre, soit un peu plus de 4%.
3) Les justices seigneuriales
Le 25 mars 1628, Christien Coëtanlem, écuyer, sr de Goazillou, avocat, fut pourvu par le comte de Boyséon de l’office de lieutenant de la seigneurie de Kerouzéré-Trogoff, laissée vacante par la démission de Guillaume Trédern, écuyer, sr dudit lieu.
Le 29 mai 1630, Christien Coëtanlem, écuyer, sr de Goazillou fut pourvu de l’office de bailli des juridictions de Penannech par Jean Ryvoalen, chevalier, seigneur de Meslean.
4) Les notaires
La montée des transactions et du commerce, entre autre, avait nécessité la production de preuves écrites délivrées sous scellés et autres modes d’authentification. Tout contrat d’héritage de plus de cent sous monnaie devait être passé par deux notaires, et chacun de ceux-ci tenait un répertoire des contrats qu’il avait eu l’occasion d’établir. Les actes étaient rédigés et signés par des notaires, ou « passeurs de contraz » faisant suivre leur incroyables paraphes du qualificatif « passe ». Si à leur début, ces tâches furent remplies par des clercs, elles s’étaient presque entièrement sécularisées au XVIe siècle. Cette demande d’une juridiction gracieuse poussa à partir du XVe siècle de nombreuses personnes vers le notariat, en particulier dans les villes qui étaient le siège de juridictions royale, seigneuriales ou épiscopale comme Saint-Pol.
Si de nombreux notaires étaient roturiers, cette profession qui pouvait à l’occasion être très lucrative n’était pas dérogeante au XVIe siècle. Malgré que les constitutions ne le spécifient pas, la plupart des notaires-passeurs semblent avoir été nobles, et souvent même issus des plus anciennes familles de Bretagne. Au temps où « les contrats se passaient en latin, il fallait que les notaires fussent sçavants et qu’ils apprissent le droit ; de sorte que les personnes de condition ne refusaient pas cet employ, ce qu’elles eussent fait s’il les eut privés de leur noblesse. Mais, depuis que l’on a contracté en français, les nobles ont refusé de se mêler de cette charge et l’ont abandonnée à des roturiers. » Il ne faut cependant pas prendre cette opinion au pied de la lettre pour la Bretagne, où, dès la fin du XIIIe siècle, les actes ont commencé à être rédigés en français. Pratiquement, c’est depuis la réunion de la Bretagne à la France que les nobles abandonnèrent les fonctions de notaire : en 1532, François Ier le constatait pour le reste de la France.
Du XVIe au XVIIe siècle, ils occupèrent ces fonction à plusieurs reprises :
– Michel Coëtanlem, sieur de Keravel, est qualifié de « Passe » (notaire) sur plusieurs actes qu’il signe avant 1532.
– Louis Coëtanlem est notaire de la cour de Saint-Pol (les régaires) en 1574-1597. Le 23 juin 1541, le nombre de notaires épiscopaux avait été ramené à huit à Saint-Pol.
– Yves Roc’huel, sieur de Kertanguy, époux de Marguerite Coëtanlem, était notaire de la cour de Saint-Pol vers 1570-1580.
– Louis Coëtanlem est notaire à Saint-Pol-de-Léon en 1686.
LES ETATS DE BRETAGNE
La communauté de ville de Saint-Pol avait le droit de députer aux États de la province. La Bretagne, comme d’autres pays récemment annexés à la France, était dotée d’États, assises composées des représentants du clergé, de la noblesse et du tiers état. C’est à partir de 1352 qu’étaient apparus aux États des représentant des villes. La fonction essentielle des États consistait à voter les impôts et défendre les privilèges des bretons. Les États remplissaient aussi un rôle de gardien des libertés bretonnes en faisant publier en 1539 l’Ancienne Coutume et en 1580 la Nouvelle Coutume. L’ordre du Tiers était représenté par les députés de 42 communautés qui avaient obtenu droit de séance pendant les États. Il s’agissait pour chaque ville de réduire le plus possible sa part dans la contribution à fournir au royaume et de s’opposer à toute levée illégale d’impôt.
Les villes prétendaient au libre choix de leurs représentants, et les États les soutinrent dans cette voie. Le 12 octobre 1612, les habitants de Saint-Pol réunis en assemblée, désignèrent Christien Coëtanlem, sr de Goazillou, comme procureur général et spécial et le députèrent aux États à Redon. A cette époque chaque ville désignait un seul député.
En 1614, les États demandèrent au roi d’arrêter une liste définitive des villes qui députeraient aux États Ils en proposèrent 44, liste qui fut acceptée et qui comprenait Morlaix et Saint-Pol. Roscoff était représenté par le même député que Saint-Pol-de-Léon.
Après 1630, les États qui jusque là s’étaient réunis régulièrement chaque année pour une session d’une durée de six semaines à deux mois, n’eurent lieu que tous les deux ans. Richelieu prit cette mesure, sans aucun doute, en vue de réduire les oppositions et se fit nommer gouverneur de Bretagne en 1631.
Les Coëtanlem figurèrent aux États comme députés du Tiers et n’y pouvaient figurer autrement attendu qu’ils étaient pourvus d’offices de judicature qui privaient les nobles du droit de siéger et de voter aux États dans l’ordre de la noblesse pendant qu’ils exerçaient les fonctions de juges. Ce cas n’avait rien d’exceptionnel puisqu’à la même époque, c’est un noble, M. de Kergariou qui était député du Tiers pour la communauté de Morlaix. Les États ordonnaient toujours par délibération du 2 décembre 1736 que les officiers de judicature seraient imposés dans les rôles de la capitation du Tiers. Ils arrêtèrent la même année de ne rien changer à l’usage d’imposer au tiers les gentilshommes faisant la profession d’avocat.
Si en 1632 Saint-Pol avait délégué un seul député, Yves Dagorne, sr de Keromnes, en 1634 ce sont deux députés qui sont envoyés : écuyer Christien Coëtanlem, sr de Goazillou et Nicolas Kerozven, écuyer, sr de Penvern, avocat. Dès cette époque, il apparaît donc que Saint-Pol avait reçu le privilège de déléguer non plus un, mais deux députés.
Lors des États de 1636, le 19 novembre à Nantes, Hamon Coatanlem, écuyer, sr de Launay, lieutenant de la juridiction de Saint-Pol et Christien Coatanlem, écuyer, sr de Goazillou, avocat, sont députés de la communauté de Saint-Pol. Le 9 janvier 1643, pour assister à la session des États à Vannes, on nomme écuyer François Le Roux, sieur du Menec, bailli des regaires, et écuyer Christien Coëtanlem, sieur de Goazillou, avocat.
Le 30 décembre 1644, la communauté de Saint-Pol nomma deux députés pour assister aux États à Rennes le 8 janvier 1645. Les commissaires qu’elle avait choisis pour régler les dépenses de ses députés assignèrent à écuyer Christien Coëtanlem, sr de Goazillou, lieutenant de Saint-Pol, le somme de 9 livres par jour et à Guillaume Calvez, sr des Tourelles, leur syndic, la somme de 7 livres par jour pour le temps qu’ils seraient occupés à cette députation « allant, venant et séjournant ». Sans chef depuis la mort de Richelieu, les États de 1645 décidèrent d’offrir à la régente Anne d’Autriche le gouvernement de la Bretagne. Celle-ci après un présent de 50.000 écus, accepta cette charge purement honorifique. Mazarin poursuivit la politique de Richelieu. Il nomma Louis de Coëtlogon intendant pour se procurer des ressources. Le parlement s’opposa par arrêt à cette nomination, le gouvernement cassa l’arrêt de la cour, laquelle refusa d’obtempérer. La « Fronde parlementaire » commençait.
Le 6 mars 1647, Christien Coëtanlem, sieur de Goazillou, lieutenant de la juridiction de Saint-Pol, et Hamon Coëtanlem, précédemment syndic, assistèrent aux États à Nantes.
Malgré un courte trêve conclue en mars 1649, la Fronde en « robe » va faire place à celle des princes. Le 15 mars 1649, La communauté décida qu’écuyer Jacques Coëtanlem, sieur du Plessis, précédemment syndic, n’ayant point été aux États pendant le temps de sa charge, et Tanguy Le Borgne, sieur du Valfontaine sont délégués à la prochaine tenue des États Le 26 mai 1649, il fut décidé que Pierre Pichart, syndic, remplacerait Tanguy Le Borgne. Ces États se réunirent à Nantes le 15 juin 1649, malgré les injonctions du parlement qui soutenait la cabale du duc de Rohan et prétendait interdire toute session des États Ceux-ci votèrent une adresse de fidélité au roi et à la régente qui évita un embrasement à l’ouest du royaume.
DANS LES INSTANCES MUNICIPALES
A Saint-Pol, le syndic demeurait 2 ans en fonction et était chargé de 2 bâtiments publics : la maison de santé et la chapelle ND du Creisker.
L’entretien du Creisker
Avant d’être transféré à la puissance de l’état ecclésiastique, le Creisker était gouverné par la communauté. Jusqu’au commencement du XVIIe, « la congrégation et assemblée générale des nobles, bourgeois, manans et habitans de la ville cité et communauté de Saint Pol de Léon » se tenait au Creisker. Après cette date la communauté prit pour lieu de séances l’auditoire de la juridiction des regaires de Léon.
Le 4 septembre 1656, sont venus trouver Mgr Henri de Laval, Vincent Hamon, promoteur de Léon, Tanguy Le Borgne, sieur de Valfontaine, syndic, écuyer Pierre de Kermellec, sieur de Kersaudi, Hamon Coëtanlem, sieur de Launay, Jacques Coëtanlem, sieur du Plessis, Jean Le Déduyer, sieur de Feunteunmeur, etc…, disant que lors de la dernière visite de l’évêque à la cathédrale, le 1er septembre 1656, ils ont eu à se plaindre de la carence de réparations du Creisker. En conséquence, l’évêque prescrivit une expertise des réparations.
En effet, ces réparations s’imposaient si l’on en juge par les précédents accidents : le 23 novembre 1628, le tonnerre était tombé sur la pointe de la flèche du Creisker et « l’abattit de la hauteur d’une picque ». En décembre 1630, le tonnerre abattit encore la pointe de la flèche, brisa l’escalier du clocher, fendit le chanceau de bronze et causa divers autres dégâts ; une femme fut même tuée dans la chapelle. Un accident semblable survint encore en 1640 et plusieurs personnes furent tuées ; un clocheton, en outre, fut détruit. La tour fut restaurée la même année par les soins des prêtres du séminaire qui firent faire dans tout l’évêché de Léon une quête dont ils tirèrent 3.000 livres. Le clocher sera encore foudroyé en 1680, 1770 et 1816. Il a été entièrement restauré en 1995.
Syndic et miseur
Vers 1636, Christien Coëtanlem, sieur de Goazillou, avocat de la communauté était miseur. Le 2 mars 1637, les habitants ordonnèrent au sieur Yves Lazennec de lui payer les gages pour le temps de sa miserie à raison de 32 livres par an.
Le 6 janvier 1645, l’assemblée se réunit en l’absence du syndic qui était aux États, mais pria de s’y trouver quatre ou cinq des anciens syndics, lesquels proposèrent plusieurs noms. Les habitants ayant reconnu plus à propos de procéder à l’élection par scrutin et billets, élirent écuyer Hamon Coëtanlem, sieur de Launay, pour syndic et pour contrôleur maître Hamon Daniou.
Le 6 janvier 1647, à la majorité des voix, Jacques de Coëtanlem, sieur du Plessis, fut élu syndic, entre les trois candidats présentés. Après quoi, Hamon Coëtanlem, sieur de Launay, précédemment syndic exposa qu’il aurait été chargé, lors de la dernière visite de l’évêque de Léon de faire instituer deux fabriciens pour la messe communale, pour les sept paroisses du Minihy desservies en l’église cathédrale.
Le 13 mars 1648, le syndic Jacques de Coëtanlem fut chargé de fournir les luminaires et écussons nécessaires pour les cérémonies en la cathédrale pour le repos de Mgr le baron de Pontchâteau, en son vivant lieutenant du roi en ce pays. Le 5 juin de la même année, les habitants chargèrent le syndic Jacques de Coëtanlem de poursuivre l’opposition, en la cour de Lesneven, à l’établissement par le seigneur de Guernisac, d’un jour de marché à chaque jeudi, et de trois foires par an, au bourg de Penzé, appartenant au sieur de Guernisac.
Le 4 août 1651, Hervé Coëtanlem, sieur de Chef du Bois, est syndic. Le 7 juin 1661, écuyer Christien Coëtanlem, sr de Goazillou, est syndic et miseur de la communauté de Saint-Pol.
Passage du suffrage universel a un conseil restreint en 1648
Jusqu’au XVIIe siècle, le suffrage universel avait persisté à Saint-Pol-de-Léon en matière d’affaires municipales. En juin 1648, Jacques de Coëtanlem, syndic et miseur de la communauté, remontrait au Parlement « Combien que la dicte ville et communaulté ne soient royalles, c’est l’une des considérables de la Province où il se rencontre journellement des occasions pour faire assembler les habitants d’icelle, pour délibérer des affaires du Roy et aultres pour le bien public, ce que désirant faire, il faisait sonner la campana, pour convoquer tous les dits habitantz à l’assemblée » les habitants les plus notables ne s’y trouvaient que rarement, mais seulement une foule d’artisans, qui au lieu de délibérer, n’apportait que « de la confusion et du désordre ». Le syndic demandait par conséquence au Parlement d’être autorisé à convoquer tous les habitants pour élire chaque année vingt notables, rééligibles, qui délibéreraient sur les affaires de la commune, sous peine de 20 livres d’amende contre tout absent à l’assemblée sans excuse légitime. Ce qui est assez piquant, puisque quelques jours plus tard, le 21 juillet, Jacques de Coëtanlem réunira « une assemblée à la sourdine, pour ainsi dire clandestine, n’ayant fait sonner que 10 coups de cloche », alors que l’ancienne coutume voulait que l’on sonnât pendant une heure ou plus.
Le 12 mai 1648, le Parlement rendit un arrêt favorable en réduisant l’amende à 10 livres. Mais il semble que cette mesure ne fut pas suffisante puisque le 27 décembre 1658 et 7 juin 1661, écuyer Christien Coëtanlem, sr de Goazillou, alors syndic et miseur de la communauté de Saint-Pol, obtint un arrêt du parlement contre les notables habitants qui manqueraient de se trouver aux assemblées de la communauté.
Des missions pour la communauté
A – Lors de la délibération des trois ordres du 3 août 1620, la noblesse demande l’établissement des Jésuites à Saint-Pol et propose de députer à Rennes le sieur de Coatjestin et Hamon Coëtanlem, sieur de Chef du Bois, pour prier le supérieur général qui s’y trouve de venir jusqu’à Saint-Pol pour étudier le moyen d’y établir un collège. Il semble que cette requête ne fut pas suivie d’effets. Il y avait en effet des réactions de méfiance, voire de rejet face à ce nouveau modèle éducatif que représentait le collège classique mis au point par les Jésuites.
B – La défense de la région côtière de Saint-Pol était une des préoccupations majeures du conseil de la ville. le 15 mars 1632, le sieur de Kerenac’h, capitaine des gardes-côtes, exposa à la communauté que :
« suivant le commandement du seigneur de Coëtinisan en l’appel du ban et arrière-ban et garde-côte de cet évêché, il aurait fait faire montre de tous les habitants des trois paroisses de cette ville, et qu’il serait à propos d’assurer ledit seigneur du nombre qu’on pourra fournir pour le service de sa majesté, tant de cette ville que des autres paroisses du minihy »
à cette fin on députa le sieur de Kermabihan et Christien Coëtanlem, sieur de Goazillou, pour l’assister à aller trouver Claude de Boiséon, sr de Coëtinisan, gouverneur militaire de Morlaix.
LE CUMUL OFFICES-MARCHES
A Saint-Pol, on connaît seulement Christien Coëtanlem pour s’être adonné au commerce maritime et à la piraterie. Il est vrai que cette activité était parfois trop risquée. Profitant de la montée des transactions commerciales, les Coëtanlem s’imposèrent peu à peu dans les principales juridictions (seigneuriales et épiscopales), dans le conseil de la ville en tant que syndic et miseur, sans négliger de cumuler leur fonctions électives avec la soumission à des marchés alors très lucratifs.
Les marchés de travaux publics (voirie, défense) offraient des perspectives de profits importantes et diversifiaient les manières de faire fructifier un capital. On les adjugeait à la chandelle, au moins disant, et l’on pratiquait lors des baillées un système de primes aux soumissionnaires pour attirer les manieurs d’argent de la ville. L’été était mis à profit pour réaliser les travaux publics et de voirie, l’hiver rendant les chantiers inaccessibles.
Le 30 juin 1642, écuyer Hamon Coëtanlem, sieur de Launay, exposa à tous les habitants de Saint-Pol-de-Léon qu’il était adjudicataire pour la construction du pavement de la route, depuis le manoir de Kersaoulté jusqu’à la croix de la chapelle de Sainte-Catherine, et que, par le procès-verbal des bans, on n’aurait porté que 110 toises, alors qu’il y en avait 120.
Le 5 juillet 1642, les députés nommés pour visiter le travail dont il était question, estimèrent qu’il aurait fallu en faire encore 75 toises. On décida que l’on ferait bannir le lendemain au prône de la messe communale, et mardi jour de marché, à qui voudrait entreprendre la construction du pavé pour le moins cher.
Le 7 août 1642, les députés déclarèrent que le pavé était bien construit, mais l’ayant mesuré ne lui avait trouvé que de 114 toises et demi. On décida de payer pour les 4 toises et demi supplémentaires. Puis le sieur Coëtanlem de Launay offrit de continuer les 75 toises de pavé pour 300 livres. La ville enjoignit alors au syndic de faire bannir à qui voudrait entreprendre pour une moindre somme.
UNE DOMINATION PESANTE
Cette omniprésence dans les instances où ils détenaient les leviers de commande, ce népotisme, irritait fort leurs opposants. Le 19 février 1632 se tint une assemblée générale des habitants de Saint-Pol auxquels il fut exposé par écuyer Hamon Coëtanlem, sieur de Chef du Bois, lieutenant des régaires, écuyer Christien Coëtanlem, sr de Goazillou son frère, et Hamon Coëtanlem, sr de Launay, son fils, faisant tant pour eux que pour Hervé Coëtanlem, écuyer, sr du Plessix, que :
« certains malveillants, pour les rendre odieux à la justice, leur auraient objecté qu’ils étaient personnes violentes et qu’ils tenaient le pays et la ville en subjection, tant par leur violences et menaces, qu’abusant de l’autorité qu’ils possèdent en la juridiction ; bien que ce soit pures calomnies, et qu’il est notoire qu’ils ont toujours vécu avec les autres habitants en bonne paix et intelligence et comme tels auraient servi le public avec toute sorte de passion et fidélité, ayant toujours été employés par la communauté en leurs affaires les plus urgentes, et de plus grande conséquence, comme leur députés, tant pour la défense des procès que pour assister aux assemblées des états de la province et qu’autres affaires… »
Il semble en effet qu’ils n’aient pas fait l’unanimité autour d’eux et se soient même depuis des décades attiré des haines farouches conduisant à des duels mortels. La lettre qui suit date de 1561 :
Charles par la grâce de Dieu, roy de France à tous présents et à venir, scavoir faisons nous avoir receu humble supplication de notre pauvre subject Danyel de More dict Lorie, détenu prisonnier à la prison de la court de Sainct Paul de Léon, contenant que puis seix semaines il alla pour le service et par le commandement de notre aimé féal conseiller et orateur l’évesque de Léon son maître à sainct Paul de Léon pour l’exécution d’ung arrest de notre court de parlement de ce pays le jour et la feste de la purification Notre Dame ; estant de dans l’église catédralle dud. Sainct Paul au costé du coeur vers l’évangile o environ les trois ou quatre heures après le commencement de vespres se adressa à luy Hamon Coetanlem demandant à parler trois motz ou quatre à luy, ce qu’ayant le suppliant accordé, luy dist led. Coetanlem telles ou semblables parolles qu’il y a long temps que nous avons querelles ensemble, si tu es homme de bien sors et rouer trois coup d’espée pour faire lad. querelle et esteront après grans amys ; et sur ce led. suppliant demanda aud. Coetanlem s’il en avoict grand envye qui luy rendit que ouy ; quoy voyant led. suppliant pour éviter querelle par la vertissement de Phelippe Le Louet aultre serviteur dud. evesque de Léon et qui estoit avecq luy à se pourmener en lad. église sortit par la grande porte d’icelle et pensa se retirer ; et comme il s’en alloict pour gaigner et entrer en la maison épiscopalle dud. Léon, demeurance de sond. maître, ayant son espée au costé, fut poursuivy par led. Coetanlem, lequel led. Louet s’efforsa empescher de sortir hors de lad. église après led. suppliant ce que ne pouvant faire pour n’estre assez fort ; led. Coetanlem se secouant, sortit après led. suppliant l’espée nue en la main, en disant au suppliant, c’est la coustume de fuir, et led. suppliant se retournant et ayant la main sur l’espée se sentit frappé d’ung coup de plat dedans l’estomac ; dégaynant lad. espée et se sentant ainsi blezé, tirèrent quelques coups d’espée l’ung contre l’autre, de sorte qu’ilz furent tous deux blezéz, savoir led. suplliant comme dict est en la poitrine et led. Coetanlem d’ung seul coup en la gorge de faczon qu’il tomba à terre ; et se relevent, se départirent et s’en allans, chacun de son costé, bien tost après décéda led. Coetanlem ; a raison de quoy auroit esté led. suppliant constituer prisonnier vers luy d’auctorité de la court dud. Sainct Paul, procédé à enquestes et informations d’office et dud. cas interrogé ; et sur requeste par il présentée en notre court de parlement auroit esté dict led. suppliant estre amené en seurgarde aulx prisons de la court pour par elle estre ordonné au procès comme de rayson ; et doubte combien que par le passé il eust bien honnestement vescu sans avoir jamais commis aulchun cas digne de repréhension et que led. Coetanlem auquel il ne voulloict aulchun mal ne déplaisir fust agresseur et aucteur dud. conflict et l’eust incité et provocqué à mectre la main à l’espée contre luy par les moyens dessusd. ou le voudroict pour raison dud. cas condempner souffrir deux mort s’il n’avoict niz lettres de grâce, rémission et pardon au cas nécessaires, humblement nous requérant celles, nous à ces causes etc…