CONSTITUTION DE 1791 ABOLISSANT LA NOBLESSE ET LES ORDRES DE CHEVALERIES

L’Assemblée nationale voulant établir la Constitution française sur les principes qu’elle vient de reconnaître et de déclarer, abolit irrévocablement les institutions qui blessaient la liberté et l’égalité des droits.

-Il n’y a plus ni noblesse, ni pairie, ni distinctions héréditaires, ni distinctions d’ordres, ni régime féodal, ni justices patrimoniales, ni aucun des titres, dénominations et prérogatives qui en dérivaient, ni aucun ordre de chevalerie, ni aucune des corporations ou décorations, pour lesquelles on exigeait des preuves de noblesse, ou qui supposaient des distinctions de naissance, ni aucune autre supériorité, que celle des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions.

– Il n’y a plus ni vénalité, ni hérédité d’aucun office public.

– Il n’y a plus, pour aucune partie de la Nation, ni pour aucun individu, aucun privilège, ni exception au droit commun de tous les Français.

– Il n’y a plus ni jurandes, ni corporations de professions, arts et métiers.

– La loi ne reconnaît plus ni vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution.

TITRE PREMIER – Dispositions fondamentales garanties par la Constitution.

La Constitution garantit, comme droits naturels et civils :

1° que tous les citoyens sont admissibles aux places et emplois, sans autre distinction que celle des vertus et des talents ;
2° que toutes les contributions seront réparties entre tous les citoyens également en proportion de leurs facultés ;
3° que les mêmes délits seront punis des mêmes peines, sans aucune distinction des personnes.

La Constitution garantit pareillement, comme droits naturels et civils :

– la liberté à tout homme d’aller, de rester, de partir, sans pouvoir être arrêté, ni détenu, que selon les formes déterminées par la Constitution ;
– la liberté à tout homme de parler, d’écrire, d’imprimer et publier ses pensées, sans que les écrits puissent être soumis à aucune censure ni inspection avant leur publication, et d’exercer le culte religieux auquel il est attaché ;
– la liberté aux citoyens de s’assembler paisiblement et sans armes, en satisfaisant aux lois de police ;
– la liberté d’adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement.

Le Pouvoir législatif ne pourra faire aucunes lois qui portent atteinte et mettent obstacle à l’exercice des droits naturels et civils consignés dans le présent titre, et garantis par la Constitution ; mais comme la liberté ne consiste qu’à pouvoir faire tout ce qui ne nuit ni aux droits d’autrui, ni à la sûreté publique, la loi peut établir des peines contre les actes qui, attaquant ou la sûreté publique ou les droits d’autrui, seraient nuisibles à la société.

La Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés ou la juste et préalable indemnité de celles dont la nécessité publique, légalement constatée, exigerait le sacrifice.

Les biens destinés aux dépenses du culte et à tous services d’utilité publique, appartiennent à la Nation, et sont dans tous les temps à sa disposition.

La Constitution garantit les aliénations qui ont été ou qui seront faites suivant les formes établies par la loi.

Les citoyens ont le droit d’élire ou choisir les ministres de leurs cultes.

Il sera créé et organisé un établissement général de Secours publics, pour élever les enfants abandonnés, soulager les pauvres infirmes, et fournir du travail aux pauvres valides qui n’auraient pu s’en procurer.

Il sera créé et organisé une Instruction publique commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensables pour tous les hommes et dont les établissements seront distribués graduellement, dans un rapport combiné avec la division du royaume.

Il sera établi des fêtes nationales pour conserver le souvenir de la Révolution française, entretenir la fraternité entre les citoyens, et les attacher à la Constitution, à la Patrie et aux lois. Il sera fait un Code de lois civiles communes à tout le Royaume.

TITRE II – De la division du royaume, et de l’état des citoyens.

ARTICLE PREMIER. – Le Royaume est un et indivisible : son territoire est distribué en quatre-vingt-trois départements, chaque département en districts, chaque district en cantons.

ART. 2. – Sont citoyens français :

– ceux qui sont nés en France d’un père français ;
– ceux qui, nés en France d’un père étranger, ont fixé leur résidence dans le Royaume ;
– ceux qui, nés en pays étranger d’un père français, sont venus s’établir en France et ont prêté le serment civique ;
– enfin ceux qui, nés en pays étranger, et descendant, à quelque degré que ce soit, d’un Français ou d’une Française expatriés pour cause de religion, viennent demeurer en France et prêtent le serment civique.

ART. 3. – Ceux qui, nés hors du Royaume de parents étrangers, résident en France, deviennent citoyens français, après cinq ans de domicile continu dans le Royaume, s’ils y ont, en outre, acquis des immeubles ou épousé une Française, ou formé un établissement d’agriculture ou de commerce, et s’ils ont prêté le serment civique.

ART. 4. – Le Pouvoir législatif pourra, pour des considérations importantes, donner à un étranger un acte de naturalisation, sans autres conditions que de fixer son domicile en France et d’y prêter le serment civique.

ART. 5. – Le serment civique est : Je jure d’être fidèle à la Nation à la loi et au roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution du Royaume, décrétée par l’Assemblée nationale constituante aux années 1789, 1790 et 1791.

ART. 6. – La qualité de citoyen français se perd :

1° par la naturalisation en pays étranger ;
2° par la condamnation aux peines qui emportent la dégradation civique, tant que le condamné n’est pas réhabilité ;
3° par un jugement de contumace, tant que le jugement n’est pas anéanti ;
4° par l’affiliation à tout ordre de chevalerie étranger ou à toute corporation étrangère qui supposerait, soit des preuves de noblesse, soit des distinctions de naissance, ou qui exigerait des vœux religieux.

ART. 7.
– La loi ne considère le mariage que comme contrat civil.
– Le Pouvoir législatif établira pour tous les habitants, sans distinction, le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés ; et il désignera les officiers publics qui en recevront et conserveront les actes.

ART. 8.
– Les citoyens français considérés sous le rapport des relations locales qui naissent de leurs réunions dans les villes et dans de certains arrondissements du territoire des campagnes, forment les Communes.
– Le Pouvoir législatif pourra fixer l’étendue de l’arrondissement de chaque commune.

ART. 9.
– Les citoyens qui composent chaque commune, ont le droit d’élire à temps, suivant les formes déterminées par la loi, ceux d’entre eux qui, sous le titre d’Officiers municipaux, sont chargés de gérer les affaires particulières de la commune.
– Il pourra être délégué aux officiers municipaux quelques fonctions relatives à l’intérêt général de l’État.

ART. 10. – Les règles que les officiers municipaux seront tenus de suivre dans l’exercice des fonctions, tant municipales que de celles qui leur auront été déléguées pour l’intérêt général, seront fixées par les lois.