LES ORDRES DÉCORATIONS ET SCEAUX DE SAINT LAZARE DE JERUSALEM ET DE NOTRE DAME DU MONT CARMEL AUX XVIIE ET XVIIIE SIÈCLES -

HISTOIRE DE L’ORDRE DE SAINT-LAZARE

« Les ordres de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notre-Dame du Mont-Carmel aux XVIIème et XVIIIème siècles ».

Cette dénomination est en réalité incomplète, l’exacte appellation en est « Ordres royaux, militaires et hospitaliers de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notre-Dame du Mont-Carmel ». En effet, il s’agit de l’union de 2 ordres : « l’ordre hospitalier et militaire de Saint-Lazare de Jérusalem » et celui de « la Milice ou Ordre militaire de la Vierge Marie ou de Notre-Dame du Mont-Carmel ».

Si le premier est de très ancienne origine, le second a été créé en 1607 par Henry IV. Tous deux furent d’abord réunis par le fait qu’ils eurent le même grand-maître, un brillant homme de guerre de très ancienne noblesse auvergnate: Philiberg de Nerestang.

L’union des deux ordres, proclamée en octobre 1608 par le Roi, ne fut reconnue par le Saint-Siège que par l’intermédiaire du cardinal de Vendôme légat « a latere » de Clément IX, le 5 juin 1608.

Pour comprendre cette prudence de la papauté, il faut se référer à l’histoire et à la constitution des deux ordres ainsi unis mais qui avait, chacun d’entre eux, leur originalité et leur spécificité propres jusqu’à ce que, à l’initiative du comte de Provence, le futur Louis XVIII, alors grand-maître en cette fin du XVIIIe siècle, leurs destinées à nouveau se séparent : Saint-Lazare étant réservé à la très vieille noblesse et aux officiers généraux, le Mont-Carmel aux meilleurs élèves de l’école Royale Militaire de Paris.

L’ORDRE HOSPITALIER ET MILITAIRE DE SAINT-LAZARE DE JÉRUSALEM AVANT LE XVIIe SIèCLE.

L’Ordre de Saint-Lazare, comme l’écrit M. de La Roque, « prend son nom de Lazare qui fut ressuscité par Notre-Seigneur, comme il se voit dans l’évangile de saint Jean ».

Aussi, les lépreux ou ladres l’ayant pris pour patron, on a communément appliqué aux maisons de l’ordre de Saint-Lazare : « le titre de maladrerie, léproserie, ladrerie, lazaret, ou maison de Saint-Lazare. »

En effet, « ceux qui étaient infectés de cette maladie contagieuse étaient séparés des autres personnes selon la loi de Dieu. Et ils devaient demeurer hors des villes, suivant la loi établie en Samarie, rapportée par Joseph en ses Antiquités Judaïques. Les lépreux étaient tenus par les règlements de ce Royaume, de prendre la qualité de « ladres » dans les actes publics qu’ils passaient, et il leur était défendu d’aspirer à aucune charge publique, dont ils devaient se démettre en cas qu’ils en fussent pourvus. »

Il ajoute : « que les auteurs qui ont écrit de l’ancienneté de cet ordre, en établissent le dessein et le fondement dès le premier concile célébré à Jérusalem par les apôtres avant leur séparation l’an 34 de la naissance de Jésus-Christ; ou après qu’ils eurent ouï les plaintes qui étaient faites sur l’administration des aumônes, et qu’ils eurent considéré que la prédication de la parole de Dieu ne leur permettait pas de vaquer aux ministères extérieurs et aux secours que la miséricorde doit au prochain, ils jugèrent à propos de s’en décharger, comme il est porté dans les Actes des Apôtres. Et pour cet effet, ils élurent en même temps indifféremment du nombre des juifs et des gentils, des personnes illustres en vertu, comme Saint Etienne, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parminas et Nicolas d’Antioche, auxquels ils confièrent la recette et la disposition des charités publiques et généralement tous les exercices des oeuvres de miséricorde. Tellement qu’on peut compter ceux-ci sous les premiers hospitaliers de la Religion qui a depuis porté le nom de Saint-Lazare.

« Plus raisonnablement, on peut penser que cet ordre, comme les autres, naquit en Palestine pendant les croisades, qu’il était d’abord uniquement religieux, et qu’il ne semble s’être adjoint une milice que vers l’an 1200. Cela n’est cependant pas contradictoire avec la déclaration de Louis XIV de décembre 1672 affirmant: « que l’ordre de Saint-Lazare de Jérusalem est le plus ancien de toute la Chrétienté ».

Cette affirmation peut s’appliquer à son action hospitalière à l’égard des lépreux. D’ailleurs l’ordre en compta parmi ses premiers membres, en particulier le Bienheureux Gérard Tenque, son grand-maître, et Roger Boyant, ancien recteur de l’hôpital Saint-Jean. Il semble en effet que l’ordre eut comme mission à la fois de soigner les lépreux et de recevoir en son sein les membres des différents ordres atteints par ce fléau.

Son organisation, en tant qu’ordre militaire, semble ainsi avoirété plus tardive que pour les autres ordres comme ceux du Temple, des Hospitaliers de Saint-Jean et des chevaliers teutoniques. Néanmoins, en 1244, leurs chevaliers participèrent au combat de Gaza où ils furent massacrés; plus tard, ils furent aux cotés de Saint Louis à Mansourah.

Leur action semble toutefois avoir eu surtout pour objet le soin des lépreux, si nombreux alors dans tout l’Orient et notamment en Palestine et en Syrie. Aussi le Roi de France Louis VII, de retour de croisade, leur aurait-il confié la direction des maladreries du royaume.

Les membres de l’ordre reçurent d’abord à Paris, la charge de l’hôpital pour les lépreux, puis le domaine de Boigny près d’Orléans qui fut la première commanderie de l’ordre et qui devint son siège à la fin du XIIIe siècle. Alors, après la perte de la Terre Sainte et l’occupation de Saint-Jean d’Acre, les chevaliers se retirèrent en Europe d’autant que Saint Louis, confirmant leur rôle hospitalier, leur aurait confié l’administration de toutes les maladreries du Royaume dont le nombre était supérieur à deux mille.

Outre les lépreux, ces établissements accueillaient les autres malades et les pèlerins. Du XIIe au XVe siècles les dons affluèrent. Les papes, notamment Jean XXII, Grégoire X, Paul II et Urbain VI, le favorisèrent de leurs grâces et privilèges, et les rois de France prirent l’ordre sous leur protection suivant les lettres patentes de Philippe le Bel en date de Juillet 1308, lui épargnant ainsi le sort de l’Ordre du Temple.

La fin du XVe siècle et le XVIe siècle furent des périodes de vicissitudes. En effet outre « la forme de gouvernement de l’ordre qui avait été observée jusqu’alors », son organisation se trouva relâchée, par les « malheurs du temps et par l’instabilité de toutes les choses humaines qui ne sauraient longtemps subsister dans la perfection; les frères de cet ordre prenant la liberté de se marier, se prévalurent de la négligence que l’on apportait à maintenir les biens vacants de l’ordre et à y pourvoir des sujets capables: ce qui leur donna lieu de transférer dans leurs maisons profanes celles de la Religion et de se les rendre héréditaires ».

L’ordre était en profonde décadence lorsque les turcs prirent d’assaut Constantinople. Le Saint-Siège chercha alors à rassembler les forces de la Chrétienté pour les repousser et mettre un terme aux razzias, si ce n’est à relancer la reconquête de la Terre Sainte et de Jérusalem. A cette fin, les papes pensèrent regrouper les ordres militaires et religieux, ce fut l’objet d’une bulle de Pie II, de celles d’Innocent VIII en 1485 et de Jules II en 1505, les deux dernières prévoyaient l’union de l’ordre de Saint-Lazare avec celui de Saint-Jean de Jérusalem.

En France, il fallut l’arrêt du parlement de Paris en date du 1er Mars 1547, puis la décision d’Henri III nommant Aimar de Chartres grand-maître, pour éviter une fusion avec l’ordre de Malte, fusion que ce dernier roi avait paru souhaiter au début de son règne en 1576.

Le maintien et l’indépendance de l’ordre étaient ainsi assurés en France, l’empereur Charles Quint l’obtint dans le royaume de Naples et de Siciles, le roi d’Espagne Philippe II également, en même temps qu’il obtint la nomination d’un de ses sujets, Jeannot de Castillon, comme grand-maître, même si ce dernier ne fut reconnu que dans lesétats de Philippe II.

Castillon mourut à Verceil, ville du Piémont où le duc de Savoie l’avait « gracieusement » attiré, ce qui autorisa ledit duc à demander au pape d’unir l’ordre à celui de Saint-Maurice qu’il venait de fonder avec son accord, et de lui concéder la charge de grand-maître qu’il rendrait héréditaire dans sa famille. Enéchange, celui-ci promettait d’établir les chevaliers à Turin et à Nice et, en ce dernier lieu, d’y entretenir deux galères armées contre les pirates et barbaresques. Grégoire XIII accepta ses demandes en Novembre 1572, mais sa nomination en temps que grand-maître ne s’avéra effective que dans sesétats.

Quelques mois auparavant, le 7 Octobre 1571, la victoire de Don Juan d’Autriche à Lépante sur les Turcs, avait sauvé la Chrétienté, mais un autre danger commençait à l’ébranler : les guerres de religion dont l’ordre de Saint-Lazare allait être aussi la victime.

En effet, les biens d’église et ceux des ordres religieux et militaires furent la proie des protestants. Ainsi furent-ils la base de la fortune de la maison de Hohenzollern lorsqu’Albert de Brandebourg sécularisa en Prusse les biens de l’ordre Teutonique dont il était le grand-maître.

Le même processus, souvent moins brutal certes, eut lieu dans des états devenus protestants tant dans le Saint-Empire qu’en Angleterre et en Suisse. Dans les régions catholiques, les souverains se prévalurent d’un rôle de protecteur et les utilisèrent pour s’assurer une clientèle ou « doter » de bons serviteurs tout en s’émancipant des tutelles extérieures : papauté pour les terres d’église, maîtrise générale pour les biens des ordres. L’ordre de Saint-Lazare dont le nombre des maisons aurait atteint le chiffre de 3000 en Europe, fut la proie des usurpations et la France, qui était le siège du grand-maître, vit son influence s’estomper. Cependant, grâce à la protection royale, l’ordre ne disparut pas et ne fusionna pas avec l’ordre de Malte. Il faudra toutefois attendre le règne d’Henri IV pour que l’ordre renaisse. En effet depuis 1585, aucun chapitre n’avait été réuni, le nombre de ses chevaliers se réduisait à moins d’une dizaine et son patrimoine avait été dissipé au point que Pierre de Belloy fit admettre de recevoir dans l’ordre ceux qui avaient usurpé ses biens, outre les nobles à titre de chevalier, les membres du tiers état à titre de frères servants.

En 1604, la nomination comme grand-maître, de Philibert de Nerestang, fils d’un ancien ligueur rallié à Henry IV, allait permettre de relever l’ordre malgré l’opposition du pape qui ne voulut pas accepter la collation et la nomination du grand-maître sans son accord.

La création de l’ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel par Henri IV en accord avec le Saint Siège, la nomination du Marquis de Nerestang comme grand-maître de l’ordre, le 4 Avril 1608, et la confirmation du pape permirent de trouver une solution, d’autant que le 31 Octobre 1608, le roi avait uni les 2 ordres. Mais le Saint Siège n’accepta « officiellement » cette union que le 5 Juin 1668 par l’intermédiaire de son légat, le cardinal de Vendôme. Lors de cette union, l’ordre de Saint-Lazare apportait, outre un passé prestigieux, un patrimoine riche en droits.

En outre le Roi de France, protecteur des ordres voulait en faire un vivier de bons serviteurs et tout particulièrement de soldats courageux et dévoués à l’exemple des Nerestang qui, successivement de 1608 à 1667, en furent les grands-maîtres et se signalèrent par leur fidélité et leur courage au combat. Jusqu’à l’union des ordres en 1608, les chevaliers de Saint-Lazare, qui avaient comme couleur distinctive le vert (sinople, en héraldique), portaient une croix verte de forme carrée sur le devant de leur vêtement et sur le côté gauche de leur cape; au XVIe siècle, le principal changement n’avait concerné que cette croix qui fut bordée de blanc et dont la forme se rapprocha de celle de l’ordre de Malte.