NOTICES SUR LES FAMILLES NOBLES DE POLOGNE
Depuis longtemps ces notices sur les familles illustres de la Pologne avaient été réunies, lorsque la publication des notices sur les principales familles de la Russie fit penser à l’auteur de ces notes sur les familles titrées de la Pologne, qu’elles seraient un complément naturel de l’ouvrage du comte de Almagro. En effet, la Pologne et la Russie, tantôt comme ennemies, tantôt comme ayant des intérêts communs, ont toujours été dans des rapports constants et intimes : enfin la domination polonaise longtemps établie dans une grande partie des provinces russes, et maintenant la réunion de la principale moitié de la Pologne au sceptre moscovite, ont tellement confondu l’histoire de ces deux pays, qu’il devient également impossible de séparer les souvenirs des familles qui ont illustré ces deux nations.
Qu’on ne s’y méprenne pas : il s’agit ici des rapports forcés que la volonté divine a établis entre deux peuples voisins et obéissant aujourd’hui à un même souverain, et nullement d’un rapprochement entre la vieille noblesse indépendante de la Pologne et la classe privilégiée désignée sous le même nom en Russie. La Russie a eu ses kniaz, ses boyards, mais elle n’a jamais eu de noblesse. Elle est le seul pays de l’Europe auquel cette gloire immortelle ait manqué. Car il ne faut pas seulement voir dans la noblesse une classe jouissant de grands privilèges, accaparant les honneurs et la puissance, telle enfin que l’ont représentée ses détracteurs qui n’avaient d’intérêts qu’a faire ressortir ses abus ; il faut y voir, et alors on la vénère, un corps soumis aux règles les plus généreuses de l’honneur et de la religion chrétienne, alors qu’une barbarie cruelle dégradait tous les peuples : un corps dont chaque membre ennobli, épuré par le baptême de la chevalerie, prêtait le sublime serment de protéger le faible contre la férocité brutale du fort, de périr en défendant sa patrie et sa foi : un corps enfin auquel les nations ont dû la conservation et le développement de tous ces sentiments d’honneur, de justice, d’affabilité et de goût qui, ont fait naître cette civilisation raffinée dont nous nous enorgueillissons aujourd’hui.
C’est à cause de ces immenses bienfaits que le cœur reconnaissant et la saine raison des peuples a conservé à cette noble classe un respect que n’ont pu détruire ni les abus, inévitables malheurs de l’imperfection humaine, ni les révolutions, ces tombeaux du passé, ni l’acharnement délétère de ses envieux détracteurs. La Russie, avec ses habitudes tout asiatiques, a eu des satrapes et des esclaves, des hommes pour commander, d’autres pour obéir ; mais jamais elle n’a connu cette institution bienfaisante, inspirée aux puissants de la terre par l’étincelle divine qui anime notre âme, cette association sublime qui avait pour règles l’honneur et la foi, et qui est le berceau unique de toute noblesse. Aux XIIe et XIIIe siècles, lorsque la chevalerie brillait de cet éclat puissant dont les derniers rayons viennent encore à travers les siècles éclairer les ruines du passé, les Moscovites gémissaient sous le joug des Mongols ; vers la fin du XIIIe siècle, ils chassèrent à la vérité ces barbares de l’Asie, mais ils n’en restèrent pas moins soumis à leurs habitudes, à leurs mœurs, à leur barbarie. Leur unique distinction sociale était dans la possession : les privilégiés, ceux qui possédaient beaucoup n’étaient unis par aucune règle commune, par aucun but généreux, élevé ; la conservation de leurs terres, de leurs richesses, et le soin de les augmenter, les occupaient uniquement. Aussi lorsque sous la forme humaine d’Iwan le Cruel ; la tyrannie la plus extravagante vint peser sur le pays, les grands ne trouvèrent pour lui résister ni force ni vertus en eux-mêmes, ni crédit ni soutien dans le peuple. Si la Russie avait eu une noblesse, un tel abandon de tous ses devoirs envers la patrie l’eût rendue indigne de ce beau nom : mais elle n’en avait point, et en s’abaissant de la manière la plus honteuse, les kniaz et les boyards restèrent toujours les grands de l’empire. Pierre le Grand, jaloux de cette civilisation qui faisait si noblement briller toutes les nations d’Europe, tandis que seuls ses sujets étaient restés dans leur primitive et sauvage barbarie, résolut de leur donner au moins l’apparence de tous ces avantages qui leur manquaient. Pour abuser le monde et ne point rougir de cette infériorité, il revêtit de noms européens les institutions et les distinctions de son pays ; ses kniaz et ses boyards furent déguisés sous les titres civilisés de comtes et de princes, comme le souverain avait fait disparaître son nom barbare de czar pour le remplacer par le titre pompeux d’empereur.
Ces nouveaux titres furent accompagnés de brillantes armoiries, et la Russie s’imagina elle-même posséder une noblesse, parce qu’elle s’en était appropriée les insignes : comme s’il suffisait de se revêtir du costume d’une dignité et d’en usurper le nom, pour acquérir le droit de s’en parer.
Mais la Russie dans sa misère n’aspire qu’a se tromper elle-même et à tromper les autres ; c’est le même système dans toutes les branches de son administration : ses archives renferment les longues listes de ses nobles, et la splendide reliure du livre de velours cache la pauvreté de son contenu ; les bureaux de la guerre contiennent la nomenclature de régiments innombrables ; ceux de l’intérieur, des devis de valeurs intarissables ; l’empereur en voyageant croit traverser des contrées couvertes de population ; dans tout cela rien n’est réel : dans les registres des noms, mais pas de noblesse ; les cadres de l’armée ne sont point remplis et ne peuvent pas l’être ; les revenus ne sont en rapport ni avec l’étendue du pays ni avec les mesures arbitraires employées pour les obtenir ; et le populations amenées sur le passage du souverain vont, dès qu’il a passé, peupler d’autres déserts dont il se propose de visiter les habitants. Pierre 1er crut qu’il suffirait de sa volonté pour créer une noblesse : cette erreur était le résultat de l’aveuglement que cause l’exercice d’une volonté qui ne connaît point de bornes. Mais un ukaze ne peut créer une noblesse pas plus qu’une civilisation, et voilà pourquoi la Russie ne possède ni l’une ni l’autre, quoiqu’on ait cherché à lui donner l’apparence de toutes deux. Le czar oublia ou ne voulut pas se rappeler, qu’il est des choses qui pour exister ont dû naître et se développer dans un temps et sous des conditions données, et que pour avoir quelque valeur elles ont besoin d’être reconnues par tous. L’institution de la noblesse est une de ces choses : c’est à l’exercice des saintes obligations de la chevalerie qu’elle a dû son existence. Là où il n’y a pas eu de chevalerie, il ne peut pas y avoir de noblesse, car on ne peut donner le même nom à des distinctions de nature te d’origines toutes différentes. Suffirait-il aujourd’hui que le sultan investisse du titre de nobles tous les employés de ses pachalics pour que l’Europe les confonde avec les antiques races de ses gentilshommes ? Les princes et les comtes russes eux-mêmes s’indigneraient peut-être d’une pareille identité, et Dieu sait cependant s’ils en auraient le droit !
La bienfaisante influence de la chevalerie, cet unique berceau de toute noblesse, s’est arrêtée aux limites orientales de la Pologne. Mais ici, comme dans les royaumes de l’Occident, cette association des puissants de l’État dans un but d’intérêt général et de vertueuses pratiques, a porté de nobles fruits. Grâce à elle, la Pologne est restée pendant huit siècle une barrière infranchissable pour cette sauvage barbarie du Nord qui tentait sans cesse d’envahir l’Europe, et qui, envoyant à la conquête ses innombrables hordes, fut toujours refoulée par la chevalerie polonaise, tandis que celle des autres pays combattait loin de ses foyers dans l’intérêt de la foi. C’est avec son sang pour la défense et pour la cause de tous les peuples civilisés que la noblesse de Pologne a écrit ses diplômes ; voilà pourquoi elle peut s’égaler sans crainte à la brillante noblesse de France, d’Allemagne, de tout l’occident de l’Europe enfin, car toutes ont acquis une gloire égale en combattant pour la même cause, e obéissant aux mêmes serments.
A partir des premières années du XVe siècle, la noblesse lithuanienne a glorieusement contribué aux exploits de la chevalerie polonaise, lorsque celle-ci eût adopté dans son sein les premiers d’entre les seigneurs de la Lithuanie, après que ce duché eût été réuni à la Pologne et converti au christianisme. Mais de cette époque seulement date l’illustration nobiliaire des familles lithuaniennes, car alors seulement elles furent initiées aux belles institutions de la chevalerie ; et c’est un soin bien inutile que se donnent quelques-unes d’entre elles que de rechercher au delà de ce temps une généalogie par laquelle elles essaient de reculer et de grandir leur origine. Comme tous les hommes, les Lithuaniens, descendent sans doute d’Adam, et ont une égale ancienneté d’existence. Mais comme nobles, ils ne datent que du jour où embrassant la vrai foi, ils furent admis à l’honneur de faire partie du corps de la noblesse polonaise, et ne doivent jamais oublier que celle-ci est leur aînée, et les a précédés dans cette glorieuse carrière par cinq cent ans d’illustration.
La Pologne n’est plus, mais les Polonais existent encore. Tant que ce nom et les sentiments qu’il réveille dans les cœurs généreux, subsisteront, qui peut affirmer que le Pologne ne se relèvera point une fois encore de ses ruines ? Tout au contraire doit le faire croire. D’une part le gouvernement russe basé sur un despotisme déraisonnable et contre nature ne doit sa tranquillité précaire qu’à la sévère et souvent cruelle tyrannie de son chef, ainsi qu’à l’abrutissement moral et à la lâcheté d’un peuple qui se soumet à un joug injurieux. Un système aussi forcé n’offre guère de garantie de durée, et une réaction terrible se prépare pour le temps où le souverain impuissant ou las de punir ne pourra plus contenir son peuple, et ses grands indignés enfin eux-mêmes de leur long abaissement. Les crimes qui se sont succédés depuis l’avènement des Romanow et qui ont inauguré chaque nouveau règne depuis cette époque sont des gages certains de bouleversements plus grands, et il faut l’espérer plus légitimes. Le tocsin d’une révolution générale en Russie sonnera également l’heure de la résurrection de la Pologne. D’autre part les puissances copartageantes, qui s’étaient unies à la Russie dans un but de spoliation, qui s’étaient unies à la Russie dans un but de spoliation lors du démembrement de la Pologne, et dont l’alliance fut resserrée depuis par le besoin d’une défense commune contre le pouvoir envahissant de Napoléon, alliance qui existe encore en partie et qui fut d’un si grand secours pour le czar lors de la dernière guerre en Pologne, commencent à voir que cette union commandée par un intérêt momentané deviendrait nuisible et dangereuse pour leur pouvoir, maintenant que ce motif n’existe plus. Un reste d’habitude, des intérêts passagers et des liens de famille prolongent seuls encore cet accord apparent de l’Autriche et de la Prusse avec la Russie, que les besoins d’une politique sage doivent nécessairement faire rompre par les deux premières. Ces traités, résultats d’évènements dès longtemps accomplis, doivent céder chez elles à des alliances d’un intérêt constant avec les puissances d’Occident ; alliances inévitables et durables, puisqu’elles n’auront plus pour motif un événement passager, mais bien l’éternelle union de la civilisation contre la barbarie.
Il n’est plus personne, quelque peu initié aux questions politiques qu’il soit, qui ne comprenne que tous les intérêts matériels de l’Autriche doivent la séparer constamment de la Russie. Indépendamment du germe ancien et constant de rivalité entre ces deux gouvernements, que referme la vieille question de suprématie en Orient, et dont le dénouement semble tôt ou tard devoir se compliquer d’une question de possession en Turquie, l’Autriche a de plus récents sujets de défiance contre son alliée. On a vu en effet récemment dans les provinces slaves de l’empire autrichien un nouveau ferment s’agiter et grandir ; sous ce gouvernement connu pour aimer et respecter les usages, les institutions, les privilèges mêmes de ses provinces, autant qu’ils sont compatibles avec les intérêts de l’empire tout entier, on entend réclamer de nouvelles garanties de nationalité, et des voix indiscrètes, peut-être même coupables, ont appelé toutes les peuplades slaves à se réunir pour ne former qu’un seul empire sous le patronage du plus étendu des États slaves d’aujourd’hui, c’est-à-dire sous le joug de la Russie. Sans doute le sage gouvernement qui régit l’Autriche a depuis longtemps apprécié la cause d’un pareil langage, qu’on ne peut certes pas attribuer à la sympathie qu’inspire en général le régime moscovite ; et sans doute aussi cette appréciation l’amènera-t-elle forcément à reconnaître cette vieille vérité qu’un ennemi ouvert est encore préférable à un ami douteux. Fasse la Providence que le gouvernement de l’Autriche puisse déjouer à temps les astucieux projets de la Russie ; puisse-t-elle surtout détourner des peuplades slaves cet esprit de vertige qui, sous une fausse apparence de nationalité, les livrerait au joug le plus honteux.
Car vainement elles espéreraient modifier in système qui fait l’indignation des peuples civilisés : elles seraient soumises par lui, comme trop souvent, hélas ! on voit ici bas la vérité trop faible dominée par l’injustice puissante.
Maintenant qu’on ne vienne pas dire qu’une conformité de principes doit unir le cabinet de Vienne à celui de Pétersbourg : on trouve au contraire dissemblance complète. Peut-on comparer au gouvernement réputé absolu, il est vrai, mais irrévocablement lié à des lois, à des usages qu’il ne peut enfreindre, à l’opinion publique qu’il ne peut pas braver, qu’il ne souhaite même pas de méconnaître, un gouvernement dont le chef comme un véritable père de famille reçoit lui-même les plaintes du plus humble de ses sujets, redresse les injustices commises envers ceux qu’il considère comme ses enfants, et qui console ceux qu’il ne peut aider? Peut-on le comparer à cet autre gouvernement dont la volonté capricieuse d’ un seul est l’unique loi, qui n’a point laissé développer dans ses peuples d’autres usages régulateurs qu’une obéissance stupide, et qui dès longtemps a fait périr l’opinion publique en l’abreuvant de ses mépris; dont enfin le chef se révèle à ses sujets par d’indispensables et constantes rigueurs?Et ces deux gouvernements si différents par leur essence, si différents dans leurs procédés, obéiraient aux mêmes principes?Cela n’est pas croyable. Tous deux à la vérité se sont posés dans les derniers événements qui ont agité l’Europe, comme défenseurs de la légitimité: l’Autriche l’a fait avec cette mesure et cette sagesse d’un gouvernement qui a un principe arrêté mais qui n’a pas la prétention de vaincre la marche fatale et irrésistible des événements; la Russie au contraire dominée par un intérêt momentané y mis cette exagération et cette fanfaronnade qui veut faire croire à des principes qu’on n’a pas. Que l’empereur d’Autriche en effet soutienne le principe de légitimité et même du droit divin, personne ne s’en étonne: mais que le czar moscovite se croie la vocation et le droit de devenir le champion de ce même principe, c’est ce qui pour le moins peut paraître extraordinaire, lorsqu’il est assis sur ce trône où l’on reconnaît encore chacune des taches du sang de ses prédécesseurs, sur un trône qui depuis longtemps n’est plus le jouet sanglant de quelques conspirateurs! Loin de moi la pensée de blâmer dans l’autocrate russe ce retour vers un principe qui consacre l’existence d’un droit en dehors de sa volonté, et qui commande la fidélité; seulement pour faire croire à la sincérité d’un retour qui renie un passé déplorable, il faudrait le manifester d’une manière humble et modeste, comme il convient à un grand pécheur qui veut racheter et faire oublier ses fautes, et non avec cet orgueil déplacé, qui en ajoute une nouvelle aux anciennes dont il ravive le souvenir. Quel espoir doit-on garder à cet égard quand on a vu le plus noble, le plus vertueux, le seul peut-être des monarques de la Russie dont on ait à faire cet éloge, ne pouvoir échapper à l’influence de traditions funestes, ni trouver de sauvegarde dans les qualités de son cœur généreux et clément. Qu’on se souvienne par quel crime Alexandre fut porté sur le trône, et par quel attentat il en est descendu! Si l’union de l’Autriche et de la Russie n’offre aucune garantie de durée, celle de la Russie et de la Prusse en offre moins encore. Outre les motifs d’éloignement envers la Russie, communs aux deux puissants États de l’Allemagne, la nation prussienne éprouve contre sa barbare voisine, un sentiment universel et légitime d’aversion qu’elle fait éclater à chaque occasion, et que ne peuvent contrebalancer des liens momentanés de famille qui, du reste, vont en s’affaiblissant, tandis que la haine populaire grandit. Dans un pays dont l’administration et les institutions sont aussi libérales qu’elles sont en Prusse, je dis libérales dans la plus saine et la meilleure acceptation de ce mot, qui laisse aux mœurs, à l’industrie et aux idées, la faculté de se développer dans tout ce qui est utile et qui ne leur impose de limites que lorsqu’elles s’égarent d’une manière nuisible; dans un tel pays, l’opinion publique a une puissance que rien ne saurait balancer, que le souverain, quoique absolu en principe, ne saurait méconnaître sans danger, et à laquelle un gouvernement aussi conciliateur et aussi prévoyant que celui de la Prusse, fait des concessions quelquefois lentes, mais continuelles C’est dans cette rupture inévitable de deux des gouvernements co-partageants avec le troisième et principal complice de cet acte injuste, que la Pologne doit mettre tout son espoir, soit d’entière résurrection, soit du moins de nationalité. A Dieu ne plaise que je me fasse jamais l’apôtre d’une pensée de révolte; loin de moi l’idée de prêcher l’insurrection et le trouble, et de vouloir attaquer l’existence légitime des faits accomplis et consacrés par le temps et les traités. Ce qui naît d’une manière illégale, porte en soi-même le germe de sa destruction. Si quelque chose pouvait compromettre dans l’avenir la cause de la Pologne, ce qui pourrait resserer de nouveau les liens relâchés de ses spoliateurs, ce serait précisement cet esprit de turbulence qui, voulant profiter des premiers embarras d’une mésintelligence, leur ferait oublier leurs querelles pour s’opposer à un danger commun. Une noble cause, comme celle de la nationalité polonaise, ne doit triompher que par des moyens justes. Alors seulement son triomphe sera durable.Elle doit triompher et elle triomphera par la volonté, le concours et l’appui des puissances même qui, pour diminuer la proie de la Russie, se sont associés à son acte de spoliation; elle triomphera lorsque ces puissances seront convaincus de trouver en elle une alliée fidèle, dévouée; lorsque par cette fidélité et ce dévouement, elle aura réveillé chez celles-ci le remords d’un acte injuste; lorsque enfin ces puissances se seront assuré que les avantages matériels attachés à la possession de quelques provinces de plus, sont loin de balancer les dangers qu’amènent un contact immédiat avec un Etat à la fois pervers, ambitieux et barbare. Alors, mais alors seulement, et après s’être montrée reconnaissante envers les pays dont les gouvernements lui ont été doux et bienveillants, la nationalité polonaise, encouragée et soutenue par eux, renaîtra de ses ruines; elle renaîtra lorsque ses deux protectrices naturelles, qui furent autrefois aussi protégées par elle, auront mis à l’épreuve sa loyauté, son dévouement; lorsque enfin elles seront convaincues qu’elles ne peuvent mieux s’abriter contre la barbarie, et la corruption et les hordes du nord , qu’en leur opposant ces impérissables rancunes nationales, qui sont contre les invasions des murs vivants et impénétrables! Peu importe que cette existence nouvelle se développe sous un régime de complète indépendance, ou bien encore sous une forme de soumission aux gouvernements qui l’auront provoquée. L’essentiel, c’est que l’esprit national de la Pologne se sera relevé, qu’il se sentira protégé, encouragé, étendu: et le loyal et bon usage qui en sera fait, méritera sans doute à cet infortuné pays, cette divine protection, qui seule peut faire changer des jours de persécution et de malheurs, en des jours de joie et de prospérité. C’est pour ce temps de la renaissance de la Pologne surtout que ces notices ont été écrites. Soit en effet que la Pologne recouvre son entière indépendance, soit que moins heureuse elle n’obtienne sous une domination étrangère, mais amie, que le libre développement de ses usages, de ses priviléges, de son esprit national, elle retrouvera dans cette courte nomenclature les noms de famille illustres, qui ayant contribué naguère à sa grandeur et à sa puissance, se doivent également à sa régénération. Ces noms, en ranimant l’espoir et la confiance dans l’esprit de la nation, rappelleront également à ceux qui les portent, les devoirs qu’ils leur imposent; comme ils guideront aussi les gouvernements qui auront intérêt à relever la nationalité polonaise dans le moyen le plus sûr et le plus facile d’y parvenir, qui est de rendre leur puissance et leur éclat à ces antiques races, dont les vieilles gloires ont poussé dans les coeurs populaires des racines si profondes de reconnaissance et de sympathie. Il y aura bien quelques familles, en petit nombre heureusement.