En juin 1278, Pierre de La Broce, autrefois le chambellan tout-puissant du roi de France Philippe III, est pendu au gibet de Montfaucon. Il est le premier d’une longue série de favoris déchus. Si la mort de Pierre a été publique, les conditions de sa chute sont demeurées mystérieuses pour les contemporains, qui ont eu tout loisir de méditer sur les inconstances de Fortune, qui pousse au sommet de sa roue les hommes, avant de les précipiter dans l’abîme. Les documents conservés dévoilent une partie de ce qui s’est tramé à la cour de France entre 1276 et 1278 : la mort suspecte du fils aîné du roi et de sa première épouse, la mise en cause de sa seconde femme, Marie de Brabant, par Pierre de La Broce, les prétendues révélations d’une sainte femme du diocèse de Liège, le tout sur fond de rumeurs complaisamment répandues autour de la possible homosexualité de Philippe III. Le chambellan a joué, et il a perdu : les barons ont fait corps autour de Marie de Brabant. Au-delà des circonstances à la fois dramatiques et rocambolesques de l’affaire, le riche dossier qui la documente donne accès aux ressorts de la cour capétienne et ouvre des perspectives sur le fonctionnement du gouvernement royal dans la seconde moitié du XIIIe siècle, tandis que la confiscation des archives du chambellan destitué permet de reconstituer l’opulent patrimoine qu’il avait réussi à se constituer, en peu d’années et grâce à la faveur royale. À bien des égards, l’affaire Pierre de La Broce se révèle d’un intérêt exceptionnel. Professeur d’histoire du Moyen Âge à l’université Jean-Moulin Lyon III, Xavier Hélary est spécialiste de l’histoire des grands Capétiens de Saint Louis à Philippe le Bel. Il a déjà consacré plusieurs ouvrages à la période.