Le Marquis de Breteuil, représentant de la très ancienne aristocratie française, commente les événements politiques qui secouent la IIIe République à la fin des années 1880. Son journal est une perle. Voici un texte qui se niche parfaitement dans la belle collection Le Temps retrouvé. Car, pour que le « temps », 1886-1889, de ce journal secret du marquis de Breteuil fut retrouvé, il fallait que le texte sortît de l’ignorance dans laquelle, pendant plus d’un siècle, il avait été tenu. C’est à son petit-fils, le dixième marquis de Breteuil, que l’on doit cette pieuse exhumation. Il avait reçu, de son père, un manuscrit de près de 2 500 pages que son grand-père, dépourvu de toute prétention littéraire, avait laissé, sans intention de publication d’aucune sorte. Ce manuscrit, c’était le journal que le marquis de Breteuil (1848-1916) avait tenu après la mort de sa première épouse, Constance de Castelbajac. De son vivant, la jeune femme aimait à tenir un journal. En décidant de le poursuivre, le marquis, veuf d’autant plus inconsolé qu’il faisait contre l’esprit du temps et les usages de son milieu l’aveu de son incroyance, entretenait avec la défunte un dialogue si douloureusement interrompu. Les pages extraites de ce journal pour la présente publication ne sont toutefois que discrètement intimes. Le petit-fils et l’éditeur ont, en effet, choisi de retenir principalement les commentaires qu’inspirent à ce représentant de la très ancienne aristocratie française les événements politiques qui secouent, en ces années 1886, 1887, 1888 et 1889, notre IIIe République. Le marquis de Breteuil y prend une part active. Outre qu’il est un élu, à la Chambre des députés, du département des Hautes-Pyrénées, il joue un rôle important dans le camp royaliste. Il est proche du comte de Paris, prétendant au trône de France, sur lequel légitimistes et orléanistes se sont finalement accordés. Un peu tard, car la République, malgré les divisions de ses partisans, malgré la médiocrité de son personnel politique et les scandales qui la minent, se consolide élection après élection. Les monarchistes trouveront-ils alors en Boulanger l’homme providentiel qui l’abattrait ? Le marquis, très lucide, en doute. Avons-nous dit qu’il sert de modèle à Proust, dans La Recherche, pour son marquis de Bréauté ? Voilà , en tout cas, un aristocrate de sensibilité et un démocrate de raison qui sait écrire. Ce journal secret est une perle.