« Dieu est le maître de nos états: il nous y laisse autant que la variété de nos esprits le peut souffrir. Il avoit permis que j’eusse regardé le mien comme le plus heureux que je pouvois choisir au monde : je devois me trouver satisfaite de ma naissance, de mon bien, et de toutes sortes d’agrémens qui peuvent faire passer la vie sans être incommode à soi-même ni à charge à personne. Cependant, comme je l’ai déjà dit, sans en savoir la raison, je m’ennuyois des endroits o๠je m etois plu autrefois; j’en affectionnois d’autres qui m’avoientété indifférens; j’aimois la conversation de M. de Lauzun, sans qu’il me passât rien de fixe dans la tête. Après avoir passé un très long temps dans ces agitations, je voulus rentrer en moimême et démêler ce qui me faisoit du plaisir et ce qui me donnoitde la peine. Je connus qu’une autre condition que celle que j’avois éprouvée jusque là faisoit toute mon occupation ; que si je me mariois, j’en serois plus heureuse; que de faire la fortune de quelqu’un , de lui donner de grands établissemens, il m’en sauroit gré, il seroit touché, il auroit de l’amitié pour moi et s’étudieroit à faire tout ce qui me pourroit plaire.