Haut fonctionnaire, historien d’art, écrivain, amateur éclairé et grand collectionneur, Philippe de Chennevières fait partie de ces hommes qui ont marqué le monde de l’art et l’histoire des institutions artistiques au XIXe siècle. Ses Souvenirs d’un Directeur des Beaux-Arts (1) sont une incontournable source pour qui veut comprendre la vie artistique sous le Second Empire et les débuts de la Troisième République. Outre une description très précise des structures administratives et des hommes qui étaient à  leurs têtes, Chennevières a laissé à  la postérité un témoignage unique sur les comportements du couple impérial en matière artistique, leurs gouts et leurs acquisitions. Proche de la princesse Matilde, de Sainte-Beuve, de Théophile Gautier, de Gavarni ou de Baudelaire, il partageait avec les Goncourt la même passion pour l’art du XVIIIe siècle. Il fut en contact avec tous les artistes de son temps, comptant certains au nombre de ses amis, et rassembla tout au long de sa vie une inestimable collection de dessins, malheureusement dispersée à  sa mort. Entré au Louvre en 1846, Chennevières fut affecté au service des Expositions en 1852 avec le titre honorifique d’inspecteur des musées de Province. Fidèle collaborateur du comte de Nieuwerkerke, intendant puis surintendant de la Maison de l’Empereur, il travailla sous sa direction, de 1852 à  1869, comme inspecteur chargé de l’Exposition des artistes français c’est-à -dire du célèbre Salon qui se tint bisannuellement de 1853 à  1863 puis annuellement de 1864 à  1870. Par cette fonction, c’est aussi à  ses soins que furent confiés l’organisation de la section des Beaux-Arts aux Expositions universelles de 1855 et de 1867, ainsi que les aménagements des Salons des Refusés de 1863 et de 1864, autorisés par Napoléon III en marge du Salon officiel. En 1858, Chennevières fut nommé conservateur au musée du Louvre puis, de 1861 à  1868, conservateur au musée du Luxembourg. Nieuwerkerke avait en effet trouvé logique que l’homme qui organisait l’Exposition des artistes vivants prolongea son action en s’occupant du musée des artistes vivants, puisque les deux institutions étaient intimement liées, l’une fournissant les acquisitions de l’autre. C’est ainsi que Chennevières développa une influence considérable sur le surintendant et que ce dernier adopta nombre de ses projets. Il fut décoré de la Légion d’honneur en 1855. Après la chute de l’Empire, Chennevières succéda en 1873 à  Charles Blanc en tant que Directeur des Beaux-Arts et supervisa à  ce titre la décoration du Panthéon ou celles des plafonds des palais de la Légion d’honneur et du Luxembourg. Parmi ses multiples actions se distinguent particulièrement la création d’un Inventaire des richesses d’art de la France, qui reverra le jour au XXe siècle avec André Malraux, et la création du musée des Arts décoratifs. Fondateur et rédacteur des Archives de l’Art français, Chennevières a laissé de nombreux écrits outre ses si précieux Souvenirs. On lui doit des études sur les Peintres provinciaux (1847-1862), Les artistes étrangers en France et des Portraits inédits d’artistes français (1853-1869), ainsi que de nombreuses publications d’articles dans les revues artistiques. Sa collection de dessins français, qui comportait 3600 feuilles couvrant la période 1500-1860, reste légendaire. Dispersée après sa mort, elle demeure aujourd’hui une référence dont les oeuvres qui la composaient sont recherchées par tous les cabinets de dessins des grands musées et par les meilleurs connaisseurs